Lilian Calmejane avait beau avoir coché cette 15ème étape entre Millau et Carcassonne comme SON étape, c’est au final le danois de l’équipe Astana, Magnus Cort Nielsen, qui a remporté dimanche sa première victoire sur le Tour de France.
Le coureur devance Ion Izagirre et Bauke Mollema – et un peu plus loin Calmejane, piégé dans les derniers kilomètres – et offre à son équipe une deuxième victoire consécutive après la belle victoire de samedi.
Derrière, après une heure de bagarre en début d’étape, le peloton des favoris, qu’on devrait rebaptiser « le peloton des suceurs de roue », a laissé filer une nouvelle fois l’étape, les échappées, etc . Seul Dan Martin, une nouvelle fois suivi par personne, aura tenté de se bagarrer un peu, sans succès, dans le superbe Pic de Nore.
On ne pourra toutefois pas enlever à Calmejane d’avoir annoncé la couleur (il avait dit qu’il donnerait tout pour cette étape), d’avoir attaqué (et sans doute d’avoir grillé une cartouche en partant seul à 120 bornes de l’arrivée) et de s’être ensuite accroché pour rester parmi les hommes de tête. A l’arrivée, il paye une erreur stratégique dans les derniers kilomètres mais aussi le fait qu’il fût un des seuls des survivants de l’échappée matinale à ne pas pouvoir bénéficier de l’aide d’un équipier, ce qui s’est avéré décisif dans le final. On peut aussi remettre en question la stratégie d’un Mollema ou d’un Izagirre, qui se savaient pertinemment battus au sprint contre Nielsen, mais qui ont roulé avec lui et l’ont accompagné jusque 300 mètres de la ligne …
Ce lundi, c’est journée de repos pour les coureurs, avant l’entame de la dernière ligne droite, avec au menu dès mardi les Pyrénées, dont finalement on attend plus grand chose eu égard du comportement lamentable des adversaires de la Sky depuis deux semaines. Geraint Thomas est tranquillement installé en jaune, et devance Froome. La Sky a une équipe redoutable (ils ne sont désormais plus que 7 suite à l’exclusion de Moscon hier pour un début de bagarre au sein du peloton) et ses adversaires, de la Movistar à AG2R, ont une stratégie qui se résume à sucer la roue jusque 3 km de l’arrivée dans le dernier col, à placer une attaque, à se faire contrer, à perdre du temps.
Seuls Dumoulin et Roglic, qui ne sont pas si loin que cela, peuvent encore sans doute faire quelque chose, encore faut-il espérer qu’ils ne « visent pas » un podium, histoire de se tirer mutuellement la bourre.
Au final, après deux semaines de courses, les véritables champions de ce Tour 2018, ce sont les attaquants, et notamment le meilleur d’entre eux, qui mériteraient du jaune à la place du vert tant il a été présent quasiment tous les jours depuis deux semaines (10 top 10 sur 15 possible et 3 victoires d’étapes), Peter Sagan.
Véritable stratège, coureur majestueux, attaquant de tous les jours, Sagan est sans doute celui qui, depuis quelques années, redonne un peu ses lettres de noblesses au Tour de France, et sans qui on s’ennuierait ferme. Il est accompagné dans son rôle d’animateur, bagarreur, puncheur, par Alaphilippe, le meilleur français (pas au classement) sur ce Tour, mais aussi par des Pauwels (malheureusement contraint à l’abandon hier sur chute), Izaguirre, Gilbert, Chavanel, Van Garderen, Van Avermaet, et quelques autres. Ceux qui attaquent, qui ne comptent pas leurs efforts, qui font le spectacle.
Car honnêtement, ce que nous a proposé le « top 10 » depuis deux semaines, est assez lamentable, il faut le dire, chacun se réfugiant derrière l’excuse de la « machine Sky » qui pourtant pèterait avec certitude si un courageux (avec son équipe) s’avisait de tout faire péter dès le premier col, lors d’une étape de montagne. Et peut-on par ailleurs reprocher à la Sky d’avoir su embaucher les meilleurs préparateurs (les meilleurs médecins ?) mais aussi les coureurs qui lui serviraient le plus sur une course de trois semaines ? Qu’est-ce qui empêchait les autres de faire pareil ?
On voit déjà les commentateurs nous expliquer que mardi, première étape des Pyrénées, les coureurs en seront encore à l’observation de leurs adversaires, laissant de nouveau partir une échappée victorieuse, pour se concentrer sur mercredi, et l’étape reine, de 60 km. Se concentrer pour mieux sauter, quand Froome va refaire le coup du Giro, et s’emparer – pourquoi pas – du maillot jaune après une échappée folle, c’est le dernier grand leader à avoir tenter ce genre de coup, il y a quelques mois, en Italie.
Et puis pour conclure la montagne, peut-être enfin que Bardet, alors relégué à 10 minutes, se disputera la dernière étape avec Barguil (qui doit être content, lui qui voulait perdre du temps en début de Tour, de son classement général actuel…) , que les autres leaders leur laisseront, histoire que l’addition ne soit pas trop salée pour les Français, qui critiquent beaucoup le fonctionnement du peloton, qui dénoncent à tout va, mais qui sont finalement très peu à être capable de le secouer sportivement.
Vivement le Tour d’Espagne et les classiques de deuxième partie de saison …
Yann Vallerie
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