Les 2 polarités du viognier
La simple évocation de son nom suffit à provoquer un enthousiasme quasi hystérique .Sans conteste, le viognier jouit d’une grande cote de popularité chez les amateurs de vins blancs .Pourtant ce miraculé du phylloxera a bien failli disparaître des pentes du Condrieu dans les années 60 et malgré ses indéniables qualités, le viognier n’en cache pas moins la personnalité d’un faux ami.
Le plus parfumé des cépages ensorcelle à coup sûr par ses puissantes senteurs capiteuses et fait montre d’une richesse aromatique peu commune, au point parfois de céder derrière son agréable exubérance à une décevante facilité. En effet, la véritable complexité d’un vin se manifeste rarement au travers de ses arômes aguicheurs, elle se révèle plus subtilement dans ce qui touche à sa matière son équilibre et cette fameuse minéralité faite d’austérité et de retenue. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si la chimie organique détient le pouvoir d’influencer l’aromatique d’un vin quand elle demeure impuissante à intervenir sur les constituants de sa minéralité (matières sèches, sels minéraux, etc…).
En somme, le viognier possède la caractéristique d’être tiraillée entre deux approches irréconciliables : celle du grand public qui fait parler les atouts aromatiques du cépage et une voie plus ambitieuse mais autrement plus périlleuse, portée sur l’expression du terroir.
La première livre un flot impressionnant de viogniers venus d’Ardèche, du Vaucluse où bien du Gard, vinifiés dans un style opulent et tapageur confinant au sirop pour les plus putassiers d’entre eux. Quant à l’école du terroir, dont le berceau se situe au sud de Vienne, sur le terroir de Condrieu, ses vins se montrent beaucoup plus parcimonieux car le viognier est un sujet difficile à appréhender…
Le viogner, cépage capricieux
Bien que très apprécié, il n’offre pas les mêmes facilités de culture que le sauvignon et le chardonnay. D’où une propagation du viognier à travers le monde qui demeure à ce jour très limitée .La faute à son instabilité notoire liée à sa fragilité et une propension à la coulure compromettant ses rendements, mais aussi à la délicate maitrise de sa maturité. En Californie, les échecs à l’acclimatation du viognier sont légion ; avec des vins presque imbuvables alourdis par leurs 15 degrés et des acidités très basses. En l’occurrence, seul le grand John Alban et sa cuvée mythique Lorraine de l’Edna Valley, à l’instar du travail de Georges Vernay pour le condrieu, est parvenu avec brio à dompter le fragile équilibre du cépage rhodanien.
En France, le condrieu représente pour les amateurs de viognier un graal qui se paye très cher. Planté sur de courtes terrasses (les chaillées) portant quelques rangs de vignes, le cépage doit composer avec un terroir en forte pente qui exige un travail d’entretien colossal et fait du vigneron un véritable maçon de la vigne.
La belle synthèse du viognier du Pays d’Urfé
Mais alors, existe-il un entre-deux tarifaire entre le prix ultra élitiste d’un condrieu magnifiant la personnalité du viognier et les innombrables propositions de vins de cépage bon marché, lassants et répétitifs ?
La terre promise est située plus au nord, sur les douces pentes des collines du Forez. Soumis à une influence bioclimatique plus septentrionale voire montagnarde, les cépages rhodaniens ont trouvé dans l’IGP pays d’Urfé crée en 2009, un nouveau pays d’adoption, même si le pari de leur acclimatation n’a rien d’une évidence.
Les débuts ont été ingrats, pénalisée par des maturités poussives, la syrah avait du mal à se défaire d’une personnalité par trop végétale alors que le viognier péchait aussi par son manque de concentration. Pour autant, depuis quelques années, le réchauffement des températures qui affecte de plus en plus la région, instaure de nouvelles conditions pour le cycle végétatif de la vigne et aident au plein épanouissement des maturités. Il en résulte des vins bien plus aboutis et l’environnement quasi montagnard du pays d’Urfé pourrait bien offrir d’ici une dizaine d’années une vibrante illustration à la redistribution des cartes offerte par le changement climatique qui est en cours.
Comme un air de gewurztraminer
Dans cette région aux sources de la Loire, Le domaine Verdier-Logel cultive un viognier sur granits partageant une parenté de sol avec le terroir de Condrieu. Probablement qu’il en retire cette agréable impression de verticalité élevant ce viognier forezien au-dessus de la mêlée de ses congénères ardéchois ; empesés par l’alcool et une fatigante lourdeur aromatique. Le premier contact évoque de manière un peu déconcertante le gewurztraminer par des effluves de litchi et de rose très typiques, mais très vite le rappel de l’abricot mûr, replace la signature aromatique du viognier. Le parfum est là sans être enivrant, tandis que sa pleine constitution se dévoile peu à peu dans une élégante pureté et une véritable densité.
Si le domaine Verdier-Logel doit sa notoriété à ses grands gamays nés sur les buttes basaltiques, l’amateur ne saurait négliger l’inestimable option du viognier forezien. « La petite vertu » propose ainsi une magnifique synthèse entre la r ace du terroir de Condrieu et le charme aromatique intrinsèque au cépage, le tout sur un positionnement de prix raisonnable. Que demander de plus ?
Raphno
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