Dès l’annonce par le Premier ministre Édouard Philippe que le Gouvernement renonçait à construire un aéroport à Notre-Dame–des–Landes (mercredi 17 janvier 2018), on s’est tout de suite interrogé sur le montant de l’indemnité que l’État devrait verser à la société Aéroport du Grand Ouest (AGO) – donc à Vinci qui détient 25% du capital – puisque cette dernière se trouve en possession du contrat de concession.
Notons qu’au 1er octobre 2017 (date prévue pour l’ouverture du nouvel aéroport), AGO avait seulement injecté 9 millions d’euros en fonds propres et 4,5 millions en prêts cautionnés par les actionnaires. Sur leur participation prévue de 122 millions d’euros, l’État et les collectivités locales avaient versé 37 millions d’euros (Presse Océan, samedi 19 mai 2018).
Dans un rapport confidentiel présenté à l’assemblée générale du Conseil d’État (jeudi 26 avril 2018), les magistrats ont réalisé plusieurs calculs. Avec un taux de rentabilité interne à 13,42%, le manque à gagner pour AGO est de 32 millions d’euros. Dans un deuxième, on a calculé ce que rapporterait un investissement de 9 millions d’euros sur sept ans avec un taux de rentabilité de 13,42% : 21,7 millions d’euros (Presse Océan, id.)
Il parait que Vinci espère obtenir plus d’un demi – milliard. « Au nom de quoi ? La réponse est dans l’article 82 du contrat de concession : l’État et AGO se sont mis d’accord sur l’indemnisation en cas de rupture. La somme est calculée en fonction des dépenses engagées par le constructeur mais aussi d’une estimation du préjudice lié au bénéfice escompté. Or le contrat de concession aurait dû courir jusqu’en 2066. Soit une durée de 55 ans. » (Aujourd’hui en France, lundi 21 mars 2018) !
Aux dernières nouvelles, on se dirigerait vers une indemnité limitée à « quelques dizaines de millions d’euros ». Selon l’hebdomadaire Challenges, (31 mai 2018), la négociation déboucherait sur une vingtaine de millions. Le Gouvernement s’appuie sur un avis que le Conseil d’État lui a rendu fin avril. Cette étude juridique fouillée, actée en séance plénière, écarte l’évaluation sur d’éventuels bénéfices futurs.
Faut-il plaindre Vinci ? Ceux qui connaissent les chiffres s’en abstiendront. Résultat net part du groupe pour 2017 : 2,747 milliards d’euros, soit une progression de + 9,7% par rapport à 2016 (2,505 milliards d’euros). Certes les dirigeants seront tentés de pleurnicher à cause des misères causées par les actionnaires lors de l’assemblée générale. Ainsi, la rémunération du Breton Yves Thibault de Silguy, administrateur référent, via sa société de conseil, n’a obtenu que 50,37% des suffrages. Quant aux émoluments 2017 du PDG Xavier Huillard, ils n’ont été approuvés qu’à 56,26% et sa politique de rémunération 2018 à 54,15% (Les Échos, 9-10 mai 2018). Les actionnaires sont sans pitié.
A part cela, tout va bien pour Vinci Airports (filiale de Vinci), qui vient d’acheter neuf aéroports supplémentaires qui s’ajouteront aux 36 déjà gérés à travers le monde. Grâce à cette acquisition, Vinci sa donc s’implanter aux États-Unis. « De quoi conforter le statut de quatrième groupe aéroportuaire mondial acquis par Vinci Airports en moins de vingt ans et, accessoirement, renforcer son image de favori naturel pour une possible privatisation du groupe ADP. » (Les Échos, mercredi 25 avril 2018)
Avec une pareille croissance, Vinci n’avait pas besoin de Notre-Dame-des-Landes pour accéder au statut de géant mondial. Pourquoi se compliquer la vie dans le bocage breton où il n’y avait que des coups à recevoir ?
Bernard Morvan