La blessure de Maxime, qui s’est fait amputer la main droite après avoir ramassé une grenade pour la renvoyer sur les gendarmes – cette dernière a détonné dans sa main – n’y change rien. Même si les zadistes ont leur héros, c’est la fin de la ZAD « irréductible », comme en témoignent des témoignages récents. Même la « marée basse populaire » du 26 mai où une centaine de casseurs s’en sont donnés à cœur joie sur les fenêtres de la Préfecture à Nantes n’y change rien : le militantisme sur la ZAD est mort.
« Je reviens de la ZAD avec un fort sentiment de loose », écrit l’un d’eux sur une plateforme d’extrême-gauche. « Ce n’était vraiment pas brillant la semaine dernière sur la ZAD. L’impression de s’être fait écrasé au niveau médiatique, militaire et politique. D’être tombé dans un nid d’embrouilles entre les gens qui ne peuvent plus rien défendre ».
Et il s’explique : « comment les gens dans la ZAD envisagent-ils de vivre ensemble, de continuer la lutte ensemble, alors qu’il y a de la haine à revendre de tous côtés, que ça s’insulte à tous moments, y a des histoires de lynchage à 10 contre 1, des histoires de gens mis dans des coffres, des histoires de barre de fer, de bande contre bande, des textes d’insultes, des stickers faits pour se foutre de la gueule du CMDO, ça tague dans tous les coins des jeux de mots foutage de gueule, ça parle de shlague à chiens bons à rien, ça s’est fait des coups tordus en AG, ça crie à la trahison dans tous les coins etc etc etc… ».
Il fait notamment référence aux dissensions entre zadistes et paysans au sujet de la réouverture de la RD281, puis pendant les travaux, et surtout à la veille de l’évacuation – un zadiste avait notamment été agressé par d’autres, puis jeté dans un coffre et abandonné à Blain car il avait mené une dizaine d’irréductibles à saccager le bitume fraichement posé de la RD281. A cela s’ajoutent d’autres règlements de comptes, plus anciens, des histoires de cabanes ou de lieux de vie incendiés – dont la Freusière en mars, des barricades abandonnées par leurs défenseurs pendant la seconde phase de destruction de squats, notamment le 18 mai…
Bref, la lutte est morte, que vive Notre-Dame des embrouilles : « Pour celles et ceux pas trop loin politiquement [les militants d’extrême-gauche donc], pas les téléspectateurs du JT de TF1 hein, la ZAD, c’est maintenant une zone d’embrouilles, et tu ne sais pas ce que tu viens soutenir vraiment. Des gens qui vont de toute manière s’entre-tuer ? Une zone de conflits politiques qui va tranquillement s’éteindre dans des attaques en règles et destruction de position politique antagoniste, en règlement de comptes ? ».
La contribution reçoit des réactions. L’un d’eux s’inquiète – un peu tard – de l’opinion publique. Exaspérée. « Quand on parle de la zad, on ne parle plus du mode de vie mais seulement des affrontements. Pourquoi les radicaux se battent-ils ? On ne le sait pas vraiment. Il n’y a pas de porte-parole, pas de message. Pour gagner l’opinion publique, il faut qu’il y ait un message, et que ce message soit recevable ».
Et de condamner d’avance la lutte des « irréductibles » : « Pour pouvoir vivre dans un territoire autonome – une nouvelle Commune – qui serait une société sans état ? Ce discours n’est pas recevable par l’opinion publique. Cela ne dérangerait personne si cette mini société se faisait sans bruit dans un terrain dont les occupants seraient les « légitimes propriétaires » mais la cause est perdue d’avance si l’on souhaite que la population soutienne un groupe dont l’objectif est la destruction de l’état. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’état rassure […] La bataille des barricades est déjà perdue car elle n’aura jamais le soutien populaire. Il n’y aura pas non plus de convergence des luttes car les uns veulent se battre pour conserver des acquis dans une société que les autres veulent détruire ».
Les « irréductibles » pourront donc bientôt retourner, qui à ses études de Sciences Po à Lille, qui chez papa-maman, qui sur d’autres ZAD (à Bure, à Strasbourg notamment…). Quant aux habitants des abords de la ZAD – bientôt débarrassée des milliers de tonnes de déchets divers qui ont été semés des années durant dans ses bois et ses chemins – ils pourront peut-être enfin goûter une paix méritée.
Émilie Lambert
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