Le Scottish National Party (SNP) n’est pas du genre à afficher des changements de cap radicaux. Mais des petits pas, pourquoi pas… Il a publié vendredi dernier un épais rapport, Scotland – The new case for optimism, qui tente de définir une stratégie d’avenir pour l’Écosse. C’est l’œuvre d’une « commission pour une croissance durable » constituée en 2016 à la demande de Nicola Sturgeon, premier ministre et patronne du SNP. Elle était chargée d’envisager différents scénarios économiques « après le référendum sur l’Union européenne et dans le contexte de l’indépendance » écossaise.
Composée principalement d’universitaires et d’élus, la commission était dirigée par Andrew Wilson, ancien membre du parlement écossais et cofondateur d’un cabinet de relations publiques à Édimbourg. Son rapport de plus de 350 pages (mais on y trouve beaucoup de répétitions) est conforme aux lois du genre : il dresse un vaste catalogue de mesures hétérogènes, rarement très originales (réduire les inégalités, mieux gérer les finances publiques, investir dans les équipements, rechercher un consensus politique, etc.).
Le rapport était spécialement attendu sur les sujets en rapport avec le transfert de souveraineté. Sa préconisation la plus remarquée concerne la monnaie. Il en relativise l’importance : les questions monétaires ne se présenteraient pas différemment le lendemain de l’indépendance écossaise que la veille de celle-ci, assure-t-il. Dans un premier temps, la livre sterling resterait la monnaie officielle. Et ensuite, l’euro ? Non : une monnaie nationale écossaise serait créée. Cette proposition pourrait bien dénoter un progrès de l’euroscepticisme chez un SNP résolument europhile jusqu’à présent.
Vers une immigration choisie ?
Un autre indice d’évolution en profondeur concerne l’immigration. La question identitaire est taboue pour Nicola Sturgeon. The new case for optimism n’aborde donc l’immigration que sous l’angle de l’économie (« le maintien de l’immigration est essentiel, sinon le nombre et la proportion des gens qui travaillent et paient des impôts diminueront », etc.). Comme souvent sur ce sujet, le rapport ne craint pas les arguments spécieux. Il affirme par exemple que les 429.000 personnes nées hors du Royaume-Uni résidant en Écosse apportent aux finances publiques écossaises une contribution nette de 1,3 milliards de livres par an. Mais il omet de noter que cet effet positif est en partie dû à la jeunesse des immigrants : ils occasionnent aujourd’hui peu de dépenses liées à la vieillesse. Cela viendra, pourtant, il suffit d’attendre !
Le rapport n’est pourtant pas univoque sur ce sujet. Pour le SNP, jusqu’à présent, l’immigration était bienvenue sans réserve. Le rapport, lui, s’intéresse à l’immigration d’origine européenne. À trois reprises, il vante l’apport des Polonais à l’économie écossaise ; en effet, 20 % des étrangers installés en Écosse viennent de Pologne. Pas une seule fois il n’évoque un apport économique des immigrés originaires d’Afrique, d’Asie ou du Moyen-Orient ; seule l’Inde est citée une fois, comme le pays d’origine de 21.000 immigrés.
« Attirer des migrants économiques (de groupes cibles désignés) devrait être l’une des principales priorités de la politique économique du gouvernement écossais », affirme le rapport. La parenthèse à propos des « groupes cibles désignés » introduit une réserve de taille dans le discours du SNP. Le rapport insiste d’ailleurs : « Nous devrions chercher à être le pays du monde le plus accueillant pour les talents ». La recherche des « talents » apparaît comme un plaidoyer implicite pour la sélection des migrants.
Des pays « exemplaires » qui réduisent l’immigration
Cette évolution est aussi en filigrane dans les exemples nationaux choisis par le rapport. Il propose un « Next Generation Economic Model » inspiré par trois pays : le Danemark, la Finlande et la Nouvelle Zélande. Est-ce un hasard si ces pays sont parmi ceux qui ont le plus durci les conditions d’accueil de migrants ces dernières année ? La Nouvelle Zélande, pays pourtant né de l’immigration, a par exemple durci les conditions de qualification exigées des migrants économiques ; elle a ainsi réduit de 40 % la proportion des demandes éligibles.
Sous prétexte d’un benchmark fondé sur les petits pays les plus performants économiquement, il se pourrait donc que la position immigrationniste de l’Écosse soit en train d’évoluer en profondeur.
E.F.
Crédit photo : extrait d’une copie d’écran de la page d’accueil du site www.sustainablegrowthcommission.scot/
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