A partir du 14 mai, les zadistes « irréductibles » sonnent le branle bas de combat. En effet, le comité de pilotage du 6 juin a été avancé à cette date pour examiner les projets agricoles nominatifs des zadistes « modérés » et retenir ceux qui font l’affaire.
Ces derniers ont d’ores et déjà insisté sur l’interdépendance de tous les projets, tandis que l’Etat ne souhaite reconnaître que ceux qui sont viables. C’est donc le moment de tirer le bilan de la première phase de l’expulsion de la ZAD, qui a commencé le 9 avril dernier.
29 squats détruits, encore une quarantaine restent debout
Du point de vue des bâtiments – souvent des cabanes de bric et de broc, voire des véhicules – détruits, 29 squats ont été rasés sur un objectif initial d’une quarantaine. A l’extrême est, la Noë Bernard, vide, a été oubliée par les démolisseurs. Mais pas par les zadistes qui l’ont réoccupée et qui ont soulevé un problème pour son avenir : deux projets ont été officiellement déposés sur ce « lieu de vie », l’un porté par une personne proche des irréductibles, qui souhaite faire de la permaculture, l’autre par les « modérés » ou « appellistes », qui l’inscrit dans un projet agricole plus classique.
Très à l’est, la conserverie de la Noë Verte – située sur des terres jusque là exploitées par un agriculteur de l’est de la ZAD qui en a été dépossédé en 2015 et 2017 – est elle aussi occupée. En revanche l’est et le centre-est de la ZAD sont presque vides, les deux lieux occupés en permanence le plus à l’est sont maintenant la ferme de la Grée, située au milieu des meilleures terres de la ZAD prises à Dominique Leduc et convoitées par plusieurs zadistes « modérés » protégés par Copain 44, ainsi que les Fosses Noires où se trouvent deux boulangeries, une presque légale, et une tout à fait au noir qui alimente la ZAD.
Une quarantaine de squats restent debout dans le centre et l’ouest de la ZAD, répartis en deux agglomérations – autour du Bois de Rohanne et le long du chemin de Suez jusqu’à Bellevue. Ceux-ci sont en grande partie des cabanes érigées sans permis en zone inconstructible (et humide), qui ne peuvent donc voir leur situation régularisée que par leur démolition. Certaines sont habitées par des zadistes « modérés », d’autres par des « irréductibles », d’autres encore, comme la Wardine, sont en réalité des structures militantes où se constitue la « convergence des luttes » contre l’État honni…mais qui les a tant laisser squatter en paix.
Du point de vue stratégique, si les « irréductibles » ont pu rapidement amener des soutiens – ils étaient 150 le 9 avril, et plus de 600 le 11 – ils ont profité cependant d’un dispositif très poreux les deux premiers jours, les gendarmes s’étant en effet contentés de bloquer les principaux carrefours, laissant libres les accès par les petites routes. A partir du 11 avril, le blocus de jour étant renforcé par le brouillage des télécommunications et des coupures d’électricité le long du chemin de Suez et de la route des Fosses Noires, la logistique des zadistes a été grandement perturbée.
Le rêve des zadistes d’empêcher les forces de l’ordre d’accèder au centre de la ZAD est resté lettre morte : malgré les barricades et les affrontements, les forces de l’ordre ont pu se projeter jusqu’au cœur de leur dispositif (la Grée, la Wardine, Gourbi), fouiller les lieux occupés à plusieurs reprises (notamment la Grée le 15 avril), bloquer les apports de matériaux et d’armes, relever les immatriculations et détruire régulièrement les barricades.
Tout cela est allé de pair cependant avec un déploiement de moyens assez coûteux – jusqu’à 300.000 € par jour pour les 2500 gendarmes mobiles renforcés par des CRS à Nantes et Rennes, un hélicoptère, six drones… Une facture de 5 millions d’euros à minima a été avancée par le Figaro pour la période du 9 au 25 avril. Ce qui reste sans commune mesure avec le budget 2018 alloué au maintien de l’ordre – soit 8.9 milliards d’euros.
Blessés : 330 côté zadiste, 80 côté gendarmerie
Les zadistes ont beaucoup fait couler d’encre sur la prétendue « brutalité » des forces de l’ordre. Celles-ci comptent tout de même 80 blessés, attaqués notamment à l’acide de batterie, à coups de cocktail Molotov (au moins deux ont été brûlés, selon l’association Gendarmes et Citoyens) ou d’engins explosifs improvisés (IED) à base de bombes agricoles.
Côté zadiste, l’on déplore de 304 à 330 blessés, dont une trentaine depuis le départ de 900 des 2500 gendarmes samedi dernier. La tension a en effet baissé, et mis à part des affrontements réguliers au carrefour de la Saulce et parfois à la Grée, il ne se passe plus grand chose. Cependant, la plupart de ces blessés sont assez légers, au niveau de l’hématome voire du malaise lié à l’exposition prolongée aux gaz lacrymogènes.
Quelques dizaines ont des blessures plus sérieuses liées essentiellement à des impacts de projectiles issus de grenades lacrymogènes, et seuls quelques uns – dont deux le 11 avril – ont du être évacués vers le CHU de Nantes. Du reste, selon l’aveu des « équipes medic » montées par les zadistes irréductibles eux-mêmes, les évacuations des blessés sont évitées la plupart du temps : à l’hôpital, les données personnelles des zadistes peuvent leur être demandées et des questions peuvent leur être posées – la force et la gravité des blessures augmente en effet proportionnellement à la proximité des affrontements avec les forces de l’ordre.
Ecologie : 5000 T de débris évacuées et 10.000 lacrymos tirées
Les zadistes ont beaucoup pleurniché sur les ornières faites par les engins de démolition et les dizaines de milliers de grenades lacrymogène tirées sur la ZAD – 10.000 en trois semaines, de 30 à 50 € pièce.
Cependant l’écologie s’est un peu améliorée sur place avec le retrait de tonnes de barricades faites d’objets les plus divers, des débris des cabanes détruites et d’autres vestiges. Ainsi, ce sont près de 195 bennes de 25 tonnes chacune qui ont été retirées de la ZAD depuis le 9 avril, soit 5000 tonnes de bois brisé, de pneus, tôle, terre battue, bouteilles, chicanes en béton, grilles et autres matériaux qu’on pouvait trouver tant dans les cabanes que les barricades.
Dans la zone centre-est cependant, le ménage n’est pas encore fini – des débris d’un tunnel de culture ont été oubliés le long de la RD42, ainsi qu’un mirador en ruine. Et des tonnes de déchets divers jonchent encore les chemins et les parcelles du centre-ouest de la ZAD, hors périmètre de l’intervention, malgré les efforts des forces de l’ordre pour bloquer, au moins partiellement, les apports de matériaux et de déchets les plus divers sur place.
Fin de la première partie