Tandis que les expulsions semblent gelées cette semaine – le temps que les services de la préfecture et la Chambre d’Agriculture analysent les 41 projets nominatifs déposés par les zadistes, dont 21 projets agricoles – mais que des affrontements ont encore lieu chaque matin sur la ZAD entre « irréductibles » et gendarmes, nous avons reçu le témoignage anonyme d’un paysan installé à Vigneux-de-Bretagne, à quelques kilomètres de la ZAD. Entre ras-le-bol et volonté de faire le ménage par la force si l’Etat finissait par reculer.
« Le bordel actuel est largement la conséquence du laisser-faire toléré pendant des années par le pouvoir »
Installé à quelques kilomètres de la ZAD, cet agriculteur « n’en peut plus de l’arrogance des zadistes et du bordel qu’ils font en toute impunité ». Il n’est pas le seul – selon nos informations, seule l’intervention de la gendarmerie a évité une bagarre générale dans le bourg de Vigneux le 8 avril. Une poignée de zadistes mettait le désordre, et plusieurs groupes d’habitants et de paysans avaient convergé pour « leur mettre sur la gueule ». Pas de chance, nous a confirmé un participant, « la gendarmerie est arrivée avant nous, et a intimé l’ordre aux voitures pleines de gens venus pour casser la gueule aux zadistes de ne pas rentrer dans le bourg ».
Qu’est-ce qui l’énerve chez les zadistes ? « Ils font ce qu’ils veulent sur le terrain des autres. Si moi je prends le terrain d’autrui, je me fais virer et je prends une amende. Eux ils font ceux qu’ils veulent – une décharge ou un jardin, qu’ils baptisent tout de suite « projet agricole » et quand quelqu’un gueule, il se fait casser la tronche. S’il va porter plainte, on lui dit en substance, on ne peut rien faire, c’est la ZAD », confie notre agriculteur qui trouve que « le bordel actuel est largement la conséquence du laisser-faire toléré pendant des années par le pouvoir ».
Une position partagée aussi par un autre agriculteur qui avait accusé dans nos colonnes Copain 44 et la Confédération Paysanne d’avoir spolié des agriculteurs et raflé des terres au nom de la lutte. Notre témoin est « au courant. Pas concerné mais c’est un scandale. Et c’est encore plus scandaleux – je parle des autorités – d’avoir étouffé plusieurs cas d’agressions d’agriculteurs par des zadistes, en marge de ces prises de terre ou des vols que certains d’entre eux ont fait ou essayé de faire ».
« Ils sont arrogants. Ils savent qu’ils ne risquent rien, que jamais on ne viendra les chercher sur la ZAD.».
L’attitude individuelle de certains zadistes l’exaspère aussi. « Ils sont arrogants. Ils savent qu’ils ne risquent rien, que jamais on ne viendra les chercher sur la ZAD. Un jour j’ai eu un crasseux là qui est passé, vers 22 h, il m’a réclamé le gîte et le couvert. Comme ça, ni s’il vous plaît ni rien, il m’a dit le gîte et le couvert. Pour ce qui est du couvert, je lui ai sorti à manger – on ne laisse pas quelqu’un qui a faim sans manger, mais pour le gîte, il a du passer son chemin ».
« un carré de légumes ou quelques chèvres n’ont jamais fait une ferme »
Quant à ceux qui veulent s’intégrer, ce n’est guère mieux : « ils sont tout aussi arrogants. Ils déposent leurs projets en Préfecture, en exigeant de prendre tout ou rien. Ils sont gonflés tout de même ! La plupart de ces projets ne sont pas viables, un carré de légumes ou quelques chèvres n’ont jamais fait une ferme ». Pour lui, ces projets ne marcheront que s’ils restent dans l’illégalité : « ça ne tient pas s’ils doivent payer leurs fermages ou acheter les terres, payer l’eau, l’électricité, les charges. C’est tout simplement impossible. Le cadre « légal » qu’ils réclament, c’est de continuer à rien foutre aux frais du contribuable, voilà ».
Pour lui, les « injustices, les exactions et les conneries des zadistes n’ont jamais été punies. Mais elles nourrissent les rancoeurs ». Si les gendarmes venaient à partir, « on pourrait aller enfin faire le ménage, à coups de fusil car ces zadistes ne comprennent pas autre chose. Beaucoup d’entre nous sont partants pour qu’on en sorte enfin. La ZAD il y en a marre ! ». Pour l’heure, si un paysan exploitant dans la ZAD appelle au soutien pour récupérer sa terre, que fait-il ? « Je prends mon semi-automatique et j’y vais », répond-il sans aucune hésitation. Les zadistes vont peut-être préférer les lacrymos des gendarmes aux chevrotines des paysans…
Propos recueillis par Louis Moulin
Crédit photo : DR
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