Il ne faut pas compter sur la presse régionale mainstream pour creuser le différend Confédération nationale du Crédit mutuel /Arkéa CMB. Comme d’habitude, ces quotidiens bretons se cantonnent dans le superficiel ; on pratique le « smic journalistique », c’est-à-dire le minimum qui évite à la maison de se mouiller. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !
Mais il se trouve que le journaliste Laurent Mauduit a cherché à en savoir davantage et a publié sur le site Médiapart différents articles sur le sujet – à mille années-lumière d’Ouest France et du Télégramme. Bien sûr, on peut reprocher à Mauduit son a priori anti-breton, donc hostile par principe à l’indépendance du CMB, mais ce qu’il nous apprend vaut le dérangement.
Certes, on ne se faisait guère d’illusions sur les convictions « mutualistes » des dirigeants du CMB. L’époque des fondateurs qui pratiquaient désintéressement et dévouement est bien lointaine. Aujourd’hui, faire du fric semble devenir la règle.
Fort opportunément, Laurent Mauduit aborde la question des « rémunérations hallucinantes » octroyées aux cadres dirigeants d’Arkéa. Pour ce faire, le journaliste s’est basé sur le rapport annuel qui porte sur l’exercice 2016 (Médiapart, 2 mars 2018).
« Dans ce rapport annuel, on découvre d’abord que Jean-Pierre Denis, tout patron qu’il soit d’une petite banque régionale, est payé comme un patron du… CAC 40 ! À la page 60 du document, on découvre en effet que son salaire (fixe et variable) pour 2016 a atteint 1 599 931 euros, soit presque 1,6 million d’euros. À titre de comparaison, si l’on se réfère au classement du magazine Challenges, il a donc gagné plus (en fixe et variable) que le patron d’ArcelorMittal Lakshmi Mittal (1,4 million), le PDG de Safran Philippe Petitcolin (1,3 million), le PDG de Legrand Gilles Schnepp (1,1 million) ou encore le PDG d’Orange Stéphane Richard (1,5 million). Une petite banque donc, mais une rémunération colossale. Soit dit en passant, le directeur général d’Arkéa, Ronan Le Moal, lui aussi est couvert d’or puisque ses rémunérations fixes et variables ont atteint la même année à peine moins de 1,3 million d’euros. Ce qui est tout aussi sidérant. D’autant plus sidérant que, selon nos informations, les rémunérations fixes et variables du patron du Crédit mutuel, Nicolas Théry, ne dépassent pas… 700 000 euros. En clair, le patron de la banque bretonne gagne plus du double du salaire du patron de la Confédération nationale.
À ces sommes considérables empochées par Jean-Pierre Denis, il faut encore ajouter les jetons de présence qu’il a empochés pour son poste d’administrateur chez Kering (104 842 euros en 2016) et les sommes qui lui sont dues comme administrateur de Nexity (31 406 euros pour le même exercice).
À titre d’indication toujours, Jean-Pierre Denis gagne aussi sensiblement plus que François Pérol, le patron de l’immense empire bancaire que constitue BPCE, lequel a perçu en fixe et variable pour 2016 la somme de 1 406 160 euros. Ce qui donne la mesure de la boulimie du patron de la modeste Arkéa.
À la page 59 du même rapport, on apprend de surcroît que les principaux dirigeants d’Arkéa se sont octroyé de juteuses retraites chapeau. Elles sont évaluées à une rente annuelle de 38 345 euros pour Jean-Pierre Denis et 55 478 euros pour Ronan Le Moal. Et ce n’est toujours pas tout : les clients bretons d’Arkéa seront sûrement contents d’apprendre qu’une autre disposition est prévue : « En cas de rupture de leur contrat de travail, le président et le directeur général du groupe Crédit mutuel Arkéa sont susceptibles de percevoir des indemnités de rupture, complémentaires aux dispositions légales ou conventionnelles d’un montant égal à deux ans de rémunération conformément aux recommandations AFEP-MEDEF. » Traduction : s’il venait à quitter Arkéa, Jean-Pierre Denis partirait avec un parachute d’au moins 3,2 millions d’euros, plus sa retraite, plus sa retraite-chapeau, etc.
Les administrateurs ne sont pas plus oubliés puisque, eux aussi, sont grassement remerciés par leur présence aux conseils de la banque régionale puisqu’il se trouve (lire page 44) un administrateur dont les indemnités culminent au-dessus de 94 000 euros pour cette année 2016. »
D’où l’intérêt pour la technostructure qui s’est emparée de la direction d’Arkéa – CMB d’éliminer les sociétaires de la gouvernance et de mettre en place dans les conseils d’administration des caisses locales des femmes et des hommes complaisants, de brave gens manquant de curiosité et obéissant aux desiderata du Relecq–Kerhuon. Petit à petit, on s’est arrangé pour supprimer toute transparence. Si bien que la « base » ignore totalement combien gagnent l’ensemble des cadres dirigeants. Reste à savoir dans quelles conditions ces rémunérations sont établies. Mystère. Impossible d’interroger les présidents des caisses locales : ils ne sont pas au courant.
Bernard Morvan
Crédit photo : Breizh-info.com
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