Une géographie gastronomique à l’avantage des faubourgs
Dans la cité corsaire devenue une ville de congrès et de grandes manifestations culturelles (salon littéraire des étonnants voyageurs ) la concurrence est âpre entre les restaurants se disputant une reconnaissance culinaire .Au sein de ce bouillonnement, la cartographie de la gastronomie malouine semble privilégier la localisation des bonnes tables à l’extérieur de la cité intra-muros (les sept mer, le saint placide , le Cap Horn, etc… ) en contraste d’une restauration axée sur la vente à emporter située à l’intérieur des remparts.
Ce n’est sûrement pas l’alignement des restaurants de la rue Jacques Cartier insérés dans les remparts qui risque de redonner du lustre à l’offre intra-muros. Avec leurs extensions couvertes par des bâches de plastique faisant office de terrasse du pauvre, l’exhibition de plateaux de fruits de mer aux relents de marée basse, ces adresses attrape-touristes sont hors compétition. Quelques hauts lieux font bien sûr exception comme l’indéboulonnable Chalut (cité au Gault Millau et au Michelin),Gilles, et surtout l’Absinthe !
Dans l’entresol
Installé dans une bâtisse jouxtant les halles du marché, le restaurant s’organise sur deux niveaux avec une entrée accueillant quelques tables et une salle principale en situation d’entresol. De quoi susciter quelques craintes… Car le bâti malouin de l’après-guerre ne s’est pas vraiment distingué par son architecture ajourée et le vis-à-vis des rues est des plus étroit. Seulement grâce à une décoration d’inspiration baroque de bon goût, privilégiant des tons violacés, la salle parvient à faire oublier son confinement dans l’élégance de son embellissement.
Un vrai menu du jour
L’ardoise met en confiance ! Et pour cause elle joue avec sincérité l’offre du menu du jour dans la mesure où le client ne se retrouve pas confronté à une kyrielle de suppléments, l’acculant à certains choix de plats dictés par le respect du budget. Un état d’esprit de plus en plus rare chez les restaurateurs qui peinent effectivement à retrouver leurs marges sur ces menus d’appel. Un menu du jour annoncé à 21€, donnant la possibilité de choisir entre deux options sur l’entrée, le plat et le dessert !
Dans l’assiette aucune fausse note et un vrai sens de la composition d’un menu par la maitrise des proportions sur tous les plats servis. En résulte un menu raffiné, équilibré, ponctué de quelques beaux morceaux de bravoure. À commencer par ces makis d’agneau, entrée minimaliste dotée d’une formidable intensité de saveurs ; une émouvante blanquette de veau fermier plus substantielle, infusée dans une sauce à la vanille dosée avec une justesse confondante, ou bien ces filets de grondin gondolés à la cuisson par leur extrême fraîcheur.
Desserts tout aussi judicieux et légers. Non vraiment cette adresse mérite un beau satisfecit pour le niveau d’excellence déployé dans un menu du jour montrant toute la valeur de cette cuisine intelligente et généreuse en choix.
Petit bémol
Alors que reste-il à parfaire ? La carte des vins pardi ! Pas mauvaise en soi, on y déniche quelques noms intéressants : les cidres haut de gamme fermentés en méthode champenoise du domaine Cecillon, le domaine Spannagel en Alsace avec des grands crus relativement accessibles en prix, la Folie Lucé véritable pépite bio du Saumur Champigny. Toutefois la ligne reste bien trop marquée par le conformisme du grand cru bordelais proposé à prix d’or ou trouve facilement refuge dans le traditionalisme bourguignon. En d’autres termes, la carte gagnerait sûrement à s’affûter sur les nouvelles valeurs du bio afin de se mettre en phase avec l’audace et la grande expertise de la cuisine.
Raphno
L’Absinthe, 1 rue de l’Orme, Saint-Malo
Tel : 02.99.40.26.15
Crédit photo : Breizh-info.com
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