21/02/2018 – 08h45 Nantes (Breizh-info.com) – La ville de Nantes a enfin voté le 15 décembre dernier les travaux de réhabilitation du dôme et des couvertures de Notre-Dame de Bon Port (1846-1858), aussi appelée Saint-Louis du Sanitat, dont le grand dôme rayé fait partie du paysage nantais depuis près d’un siècle et demi. Des travaux d’urgence seront aussi faits sur l’orgue, un des plus beaux instruments de Nantes, à bout de souffle. Ils ont été rendus possibles grâce à un orgue semblable acquis à Aix-en-Provence.
Les travaux, d’un montant total de 5 millions d’€ TTC, comprennent la réhabilitation du dôme et du tambour, la réparation complète des couvertures basses qui font pour l’heure eau de toutes parts, la révision sommaire des façades – le rejointoiement, l’enlèvement de la végétation qui a pris racine par endroits – et des travaux d’urgence sur le grand orgue. Celui-ci est le chef d’œuvre du facteur nantais Louis Debierre, qui l’a réalisé en 1889-1891 ; il avait alors une transmission électrique et 34 jeux réels. Il n’a été restauré qu’en 1920 (partie électrique) et 1929 (relevage) par le facteur Gloton et 1980 par la maison Renaud de Nantes – cette fois après un classement partiel aux Monuments Historiques intervenu en décembre 1975.
Nous avons interrogé au sujet des travaux de restauration prévus Roland Galtier, technicien conseil pour les orgues historiques, qui accompagne la ville de Nantes depuis plusieurs années pour cet instrument. « Quand cet orgue est inauguré en 1891 avec sa transmission électrique, il est considéré comme révolutionnaire. Et il a toujours sa transmission électrique d’origine, mais il est empoussiéré, fatigué, il y a des fuites. Bien qu’il soit accordé quatre fois par an, c’est un des plus beaux orgues de la ville de Nantes et il sert beaucoup. Des travaux d’urgence sont nécessaires ». Il sert notamment aux conservatoires de Nantes et de Cholet, ainsi qu’à l’importante maîtrise de Notre-Dame de Bon Port.
Estimés à « moins de 200.000 € » par Roland Galtier, dont 143.541,60 € TTC pour la Manufacture bretonne d’orgues à Saint-Joseph de Porterie – le marché a été attribué le 27 décembre dernier, ces travaux vont commencer « avant les travaux sur les extérieurs et la coupole, afin d’éviter que la poussière ne rentre dans l’orgue ». Les soufflets, qui ne sont plus étanches, seront démontés, ainsi que la console, ce « meuble avec les claviers avec tous les départs des connexions électriques », explique le technicien. Le reste sera protégé le temps des travaux. Le remontage n’interviendra « qu’à la fin des travaux de la coupole, pour intervenir après poussière ».
Comme pour les humains, un orgue qui est un grand corps malade peut trouver un donneur pour retrouver la santé. Ainsi, c’est un orgue d’Aix, « construit à la base pour le Puy-en-Velay, qui s’est retrouvé au conservatoire d’Aix », qui va servir de donneur. « Il a lui aussi été construit par Louis Debierre, un peu plus tard – il est du début du XXe siècle – et a lui aussi une transmission électrique d’origine ». Roland Galtier l’a fait acheter « il y a quelques années par la ville de Nantes, en prévision de ces travaux, pour 13.000 € ». Une très bonne affaire pour des pièces aujourd’hui introuvables.
« L’un des problèmes, c’est que les contacts électriques sont charbonnés. Autrement dit, quand il y a un mauvais contact, il y a une étincelle qui fait noircir la pièce – c’est pour ça qu’on dit qu’elle est charbonnée – mais la déforme aussi, si bien que le contact est encore plus mauvais qu’avant », nous explique Roland Galtier. Ces pièces sont aujourd’hui très difficiles à refaire : « Louis Debierre les faisait faire par une entreprise nantaise aujourd’hui disparue. Si on va voir une entreprise de décolletage – il en existe encore en Haute-Savoie, ils vont demandez combien vous faut-il de millions, alors qu’on n’a besoin en réalité que d’une série très limitée, à peine quelques centaines ».
Ces travaux ne sont que les plus urgents pour l’orgue. Il y en aura d’autres. « Sur un autre mandat », donc après 2020, « il est prévu de refaire les peintures intérieures de l’église et le reste de l’orgue – les [quelque 4000] tuyaux essentiellement », confie Roland Galtier. Ces travaux là sont estimés à 600.000 € supplémentaires, afin de rendre sa vigueur au chef d’œuvre du facteur nantais Louis Debierre. Originaire de la paroisse, il avait décidé que ce grand orgue – inauguré le 19 mars 1891 – serait le sommet de son art.
Louis-Benoît Greffe
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