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La Catalogne vote l’indépendance, l’Espagne et l’Europe dans l’inconnu

Il y a des heures qui peuvent faire basculer le monde. Alors que la crise catalane semblait s’enferrer dans des négociations longues mais vouées à l’impasse, Carles Puigdemont, le président de la Généralité Catalane, devant la résolution du chef de l’exécutif espagnol Mariano Rajoy à contraindre la Catalogne à renoncer à l’indépendance, s’est résolu à la voter.

A 15h30 hier, les députés du Parlement de Catalogne se sont levés et ont chanté Els Segadors, l’hymne officiel de la Catalogne interdit sous Franco. Quelques minutes avant, ils ont voté, à bulletin secret, l’indépendance de la Catalogne : 70 députés pour (sur 72 indépendantistes), 10 contre et deux blanc. Les 53 autres – dont les conservateurs du PP, les socialistes du PSOE, les libéraux de Ciudadanos – ont quitté l’Assemblée avant le vote.

En même temps, le Sénat espagnol votait à son tour la suspension de l’autonomie catalane, avec 214 votes pour et 47 contre, comme attendu ; le Sénat a fait barrage cependant à la prise de contrôle de l’audiovisuel public régional qui suscitait beaucoup de critiques en Europe. Mariano Rajoy a réagi immédiatement sur Twitter : «  Je demande aux Espagnols de rester calmes. L’État de droit restaurera la légalité en Catalogne » et a lancé la suspension de l’autonomie. Le scénario du pire – DUI contre 155, c’est à dire déclaration unilatérale d’indépendance contre article 155 et suspension de l’autonomie catalane – est enclenché.

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Ce matin, la Catalogne, l’Espagne et l’Europe se réveillent avec la gueule de bois. Outre l’incertitude économique qui se traduit déjà par une correction boursière pour les entreprises espagnoles et catalanes et une baisse des ventes de 15% en Catalogne, la situation pourrait vraiment tourner à l’affrontement direct, ce qui ne serait pas sans impact sur l’Espagne, la Catalogne elle-même (20% du PIB espagnol) et la France toute proche.

Cependant, la contagion de l’indépendantisme catalan au Roussillon semble exclue, même si le Roussillon est une marge de la France alors que la Catalogne est nettement plus prospère. Llorenç Perrié Albanel nous explique pourquoi : « il y a eu un rassemblement à Perpignan de solidarité avec les Catalans, nous étions 450 selon la police et 500 selon les organisateurs. Et il y avait tous les indépendantistes catalans. Ici, ça ne représente rien ».

Mariano Rajoy a déjà destitué près de 150 responsables catalans, dont le chef de la police (Mossos d’Esquadra) Josep Lluis Trapero, devenu une figure emblématique de la crise catalane après que la police catalane ait refusé d’investir les bureaux de vote lors du référendum du 1er octobre et les a même protégé contre la police fédérale espagnole. Le président catalan et son exécutif ont été destitués aussi, les ministères du gouvernement central sont censés reprendre les pouvoirs de l’administration catalane et de nouvelles élections régionales sont convoquées le 21 décembre par le gouvernement central. Des personnalités espagnoles ont été nommées à leur place – Ferran Lopez comme chef des Mossos, Soraya Saenz de Santamaria comme présidente de la Généralité.

Des poursuites ont été lancées contre Carles Puigdemont et plusieurs autres responsables (dont Trapero) pour sédition ; ils encourent 30 ans de prison. Cependant les annonces du gouvernement espagnol ont entraîné une très forte indignation en Catalogne où des centaines de milliers de personnes sont à nouveau sorties dans les rues fêter l’indépendance et condamner la reprise en main espagnole, assimilée au franquisme.

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Ce samedi après-midi à 14h30 Carles Puigdemont s’est rendu à Girona (Gérone), fief indépendantiste dont il a été le maire de 2011 à 2016, d’où il a prononcé une courte allocution (cat). « Hier nous avons vécu un jour historique », a-t-il commencé, avant d’appeler à défendre la Catalogne par une « opposition démocratique à l’application de l’article 155 », c’est à dire par la désobéissance civile. Il a aussi appelé au « respect des personnes, des symboles et des manifestations des Catalans unionistes », défavorables donc à l’indépendance et a réaffirmé sa détermination « nous continuerons à travailler pour construire un Pays libre » en demandant de la « patience » et de la « persévérance » aux catalans.

Les souvenirs de l’Histoire ressortent – notamment au sein de la jeunesse galvanisée par le combat pour l’indépendance – et il est fort probable que les foules s’opposent à l’arrestation des leaders catalans. Dans les semaines passées, le gouvernement fédéral espagnol a envoyé deux croiseurs de guerre devant Barcelone, un (petit) corps d’armée à Baïs de Llobregat et l’équivalent local du GIGN pour prendre le contrôle de l’aéroport et du port de Barcelone.

En Europe, le discours officiel est de soutenir l’unité de l’Espagne ; le gouvernement français a rappelé n’avoir qu’un seul interlocuteur dans la crise, Mariano Rajoy. Cependant le président de l’Assemblée corse, l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni n’a pas hésité à saluer la « naissance de la République de Catalogne », à la veille de nouvelles élections territoriales corses le 3 et le 10 décembre.

Pour Llorenç Perrié Albanel « ça va être chaud. Je ne pense pas que l’Espagne va se laisser faire ni que les Catalans vont laisser la République se faire supprimer. La grande question aujourd’hui, c’est comment les Catalans vont résister. L’Espagne va sûrement utiliser la force pour réduire les Catalans. L’autre question c’est comment Rajoy va appliquer le 155 : fulminer des destitutions c’est une chose, reprendre le pouvoir sur le terrain, c’est diffèrent ».

Poutine et les migrants sur le banc des accusés pour les nationalistes espagnols

Armel Joubert des Ouches est un journaliste breton indépendant ; il travaille pour Réinformation TV, un média catholique et anti-mondialiste assumé. Notre confrère rentre de Catalogne où il a réalisé le 24 octobre un reportage d’une tonalité plutôt opposée à l’indépendance. « Je pense que ça va tourner au vinaigre », nous confie-t-il. « Je me suis baladé beaucoup à Barcelone, j’ai sillonné de nombreux quartiers, beaucoup de banlieues. Il n’y a qu’une seule voix qui a le droit de parler, le oui à l’indépendance. On voit des « Si » [oui au referendum indépendantiste du 1er octobre] partout, pas un « No », des drapeaux catalans à toutes les fenêtres. Mais quand tu grattes, il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas l’indépendance », surtout à Barcelone d’ailleurs, les régions plus montagneuses – Vic notamment – sont nettement plus indépendantistes comme l’ont montré les résultats détaillés du référendum.

Pour lui, c’est un « dossier très complexe, où du fait de l’Histoire et parce que l’Europe veut en finir avec les états nations, une partie des Catalans se sent légitimement en droit de réclamer leur indépendance ». Il dénonce le fait qu’il y ait « beaucoup d’éléments cachés dans la presse, notamment le fait qu’il y a beaucoup de musulmans en périphérie de Barcelone qui veulent l’indépendance », un argument des nationalistes espagnols, qui prétendent d’ailleurs que nombre de musulmans ont voté au référendum… ce qui n’était pas le cas, et nous avons fait le tour de nombreux bureaux de vote.

Interrogé dans son reportage, Francisco Segarra , publicitaire et dirigeant d’un média opposé à l’indépendance catalane dénonce quant à lui l’implication de Poutine qui utiliserait la Catalogne comme un cheval de Troie en Europe : « le gouvernement espagnol a été obligé par Bruxelles, l’UE et l’OTAN de solutionner ce dossier pour éviter qu’il existe une Catalogne proche de la Russie et de la Chine. Je peux confirmer qu’il y a eu plusieurs contacts entre Poutine et Puigdemont ces dernières semaines ».

Ces accusations gratuites – Segarra ne présente aucune preuve de ses assertions – sont suivies du commentaire du journaliste « pour Francisco Segara, comme les Européens l’ont fait avec l’Ukraine, Poutine chercherait maintenant à leur répondre en créant à son tour un foyer de conflits dans cette partie de l’Europe et pourquoi pas une sorte de base avancée de la Russie ». Cependant la Russie, qui a connu elle-même de très importants problèmes de séparatisme dans les années 1990, notamment dans le Caucase (Daguestan, Tchétchénie…) a affirmé à plusieurs reprises (ru) par la voie diplomatique que la situation catalane était une « affaire intérieure de l’Espagne » et qu’elle ne ferait aucun commentaire.

Un autre argument nationaliste, repris par El Pais, considéré comme un journal de référence en Espagne. Et démonté depuis par des russes goguenards, qui ont depuis longtemps constaté que lorsqu’il se passe quelque chose d’incompréhensible ou d’imprévu, nombre de gouvernements européens, plutôt que de comprendre, tenter de corriger le tir ou de s’amender, préfèrent embobiner l’opinion publique et accuser Poutine.

Louis-Benoît Greffe

Crédit photo : DR
Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.

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3 réponses à “La Catalogne vote l’indépendance, l’Espagne et l’Europe dans l’inconnu”

  1. Pascal dit :

    Comment les états nation européens, au bout du rouleau vont-ils réagir ? par la force ? en essayant de comprendre la situation ? Comment l’Europe va-t-elle réagir ? en développant un modèle régional ? en soutenant les états nations ? C’est tout l’avenir de l’Europe des régions qui se joue actuellement sur fond de de délitement social, culturel, migratoire, économique …
    Au travers des régions, c’est l’avenir des peuples constitutifs de l’Europe qui se joue. Au regard des décisions qui vont être prises, nous saurons bientôt si le projet européen vaut le coup, s’il n’est qu’un projet d’uniformisation économique, s’il entend défendre les peuples autochtones, s’il s’agit d’un projet de démocratie participative ou uniquement d’un rouleau compresseur.
    Dans mes rêves les plus fous, j’imagine un Macron jupitérien, à la hauteur de ses ambitions, disant : « Vive la Catalogne ! Vive la Catalogne libre ! « 

  2. Tite dit :

    L’hypocrisie de l’UE dans cette affaire est sidérante… quoique, pas étonnante.

    Il y a longtemps que le projet de faire des régions des pays d’Europe des länder sur le modèle allemand est dans les cartons. Le rêve du Grand Reich du petit Adolf, sous couvert d’être diabolisé est en marche… L’Allemagne y veille.
    Tous les états européens seront démantelés, sauf elle.

    Déjà, à la fin du siècle dernier, Pierre Hillard avait signalé que celle-ci avait émis une série de timbres poste. L’Alsace – Lorraine y figuraient en territoire allemand…

    Marie-France Garaud elle-même a rompu le silence lors de notre dernière campagne présidentielle en signalant que l’Europe était entrain de mettre en place le 4ème Reich.

    Le problème qu’ils ont avec l’indépendance catalane espagnole, c’est qu’elle n’est pas soudée avec la Catalogne française, ni avec le land qu’ils ont prévus pour le sud de la France. Du moins, c’est ce que je crois comprendre. Il est possible que je me trompe. Si cela devenait une réalité, je gage qu’ils n’y trouveraient rien à redire.

    Il faut lire Pierre Hillard pour avoir une idée de ce que le Nouvel Ordre Mondial nous a préparé… Évidemment, tout ceci n’est que fadaises, et délires de « complotistes »… :

    https://www.diploweb.com/p5hillard1.htm
    https://www.diploweb.com/forum/hillard07022.htm
    http://www.lebreviairedespatriotes.fr/17/01/2014/archives/entretiens/pierre-hillard-le-regionalisme-entrainera-la-mort-de-la-france/

    Ne jamais perdre de vue les leçons de l’Histoire… Malheureusement, je crains que nous soyons tous « dévorés tout cru », si ce n’est déjà fait.

    • An dit :

      Depuis le référendum écossais, c’est franche rigolade assurée avec les natios BBR et leur complot UE pour démanteler les États-Nations.
      Combien de faits et d’actes concrets (comme la non-ratification de la charte des langues régionales par la France depuis… 15 ans !) avant de comprendre que l’argument du soi-disant timbre-poste, entre autres, est ridicule ?
      Comme celui de tout renvoyé sur l’Allemagne pour nier la médiocrité française.
      La France a toujours été n°2. Malgré le territoire au plus grand potentiel en Europe. Derrière les Cités italiennes, le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne… Toujours à la traîne. Même la Corse a créé la démocratie avant elle, ce qui la rend névropathe : allez donc trouver un manuel d’Histoire de France qui parle de ça.
      Paris est un cloaque: le monde entier le reconnait. Si les touristes chinois viennent encore en France dans 10 ans, ce sera pour les campagnes.
      En attendant, la Catalogne est belle.

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