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Irlande du Nord – Belfast. La saison des marches orangistes entre tensions et inquiétude

05/07/2017 – 06h45 Belfast (Breizh-Info.com) – Le mercredi 12 juillet prochain se dérouleront, comme chaque année dans toute l’Irlande du Nord « The Twelfth » (le douze) , c’est à dire les commémorations du douze juillet, souvenir de la bataille de la Boyne. A cette occasion auront lieu les plus importantes marches orangistes , point d’orgue d’une « saison des marches » déjà particulièrement tendue en raison du contexte local, national et international. Explications.

Retour sur la bataille de la Boyne

En 1689, le roi catholique Jacques II est destitué par la Révolution anglaise (la seconde) et la couronne est transmise à sa fille Marie et à son beau fils Guillaume d’Orange-Nassau, protestant. Jacques II s’enfuit pour se réfugier en France auprès de Louis XIV. Puis ce dernier, appuyé par un corps expéditionnaire français, débarque à Kinsale, en Irlande et assiège tout d’abord infructueusement la ville de Derry.

Dans le même temps, les armées orangistes tentent de préserver la province d »Ulster, dans laquelle ils sont majoritaires et soutenus par la population (notamment celle récemment implantée venue d’Écosse et d’Angleterre). Reprenant des communes, ils n’affrontent toutefois pas l’armée de Jacques II qui progresse. Courroucé, Guillaume III débarque en personne le 14 juin 1690 dans l’anse de Belfast Lough, et se dirige vers le sud où se trouvent les armées catholiques.

Le  entre le roi catholique Jacques II et le roi protestant Guillaume III. La bataille a lieu près de Drogheda, dans le comté de Louth, en Irlande.

Guillaume d’Orange marche vers le sud dans l’intention de prendre Dublin. De son côté Jacques II décide de placer sa ligne de défense sur la rivière Boyne à une trentaine de kilomètres au nord de Dublin. Les troupes de Guillaume atteignent la Boyne le 29 juin. Le jour précédent la bataille, Guillaume lui-même se place un peu en retrait après avoir été blessé à l’épaule par un tir de l’artillerie jacobite alors qu’il était en train de superviser un des gués par lesquels ses troupes allaient traverser la Boyne.

La bataille elle-même a lieu le . Son objectif est de contrôler un gué sur la Boyne à proximité de Drogheda à 2.5 km du hameau de Oldbridge. Les armées de Guillaume d’Orange l’emportent alors , ce qui se révélera décisif pour la suite de l’histoire des protestants en Irlande du Nord.

En effet, à la suite de cette défaite, Jacques II s’enfuit et, vaincu définitivement, rembarque à Kinsale vers la France. Cela met définitivement fin à ses espoirs de reconquérir le trône. La population catholique, qui mettait dans Jacques II quelques espoirs d’émancipation (bien que James Connolly rappela toutefois au XXème siècle que ces guerres concernaient avant tout des princes et non pas le peuple) perd ainsi avec cette bataille un espoir d’émancipation de la tutelle anglaise.

Aujourd’hui, le 12 juillet est un jour férié en Irlande du Nord. Dans tout le pays, des marches dites « marches orangistes » y célèbrent cette victoire au son des « flutes bands », ce qui n’est pas sans provoquer des heurts et des incidents, notamment lorsque ces marches sont autorisées à traverser ou à passer à côté de quartiers catholiques et nationalistes irlandais.

Pour poursuivre la découverte de l’histoire des protestants d’Irlande du nord, un livre fondamental (en Français) : pour Dieu et l’Ulster. 

2017 : tension autour des marches orangistes ?

Les marches orangistes ne se déroulent pas exclusivement le 12 juillet. C’est pourquoi l’on parle de « saison des marches », puisque celles-ci ont lieu presque tous les week-ends durant l’été. Un site dédié – le site de la commission des parades – est d’ailleurs chargé de recenser, d’autoriser (ou de modifier les parcours) ou de signaler les risques autour de ces manifestations.

Il ne faut en effet jamais oublier qu’en 1969, ce sont de telles marches qui provoquèrent les premières grandes émeutes, préludes d’une guerre civile qui devait durer près de trente ans et qui ne s’acheva (officiellement) qu’avec les accords dits du Vendredi Saint.

Du côté nationaliste/républicain – les parades représentent moins de 5% de toutes celles organisées sur le territoire nord irlandais. Les principales sont celles qui commémorent Pâques 1916, la marche pour les droits civiques, ou encore la commémoration des grèves de la faim de 1981 (8 août). Du côté protestant, les marches les plus importantes outre « The twelfth », sont celles du 1er juillet (bataille de la Somme) ou encore le 12 août (siège de Derry).

Pour 2017, la tension supplémentaire résulte de plusieurs paramètres :

– Avec le Brexit, puis avec les législatives au Royaume-Uni et l’accord passé entre les unionistes du DUP avec Theresa May, les républicains craignent que l’Irlande du Nord ne rebascule totalement sous la coupe légale des loyalistes protestants.
Dans le cadre de cet accord de gouvernement, l’Irlande du Nord recevra un milliard de livres (1,1 milliards d’euros) supplémentaires au cours des deux prochaines années – ce qui devrait toutefois bénéficier à tous.

– A l’heure actuelle, l’Irlande du Nord n’a plus de gouvernement.  Les négociations entre les deux partis principaux, le Sinn Fein et le DUP,  pour former un gouvernement de coalition, sont dans l’impasse depuis des mois, et ont à nouveau échoué cette semaine.
Difficile en effet de s’entendre – outre la place accordée aux deux communautés dans la société nord irlandaise – puisque DUP et Sinn Fein s’opposent sur de nombreux sujets de société (homosexualité, place du gaélique, droit des femmes …)

– Localement, depuis plusieurs semaines, des controverses et des tensions existent pour plusieurs raisons : dans l’enclave nationaliste d’Ardoyne, au nord de Belfast – des trottoirs ont été repeints récemment aux couleurs unionistes, devant une école notamment. A quelques jours d’une marche qui doit passer juste à côté du quartier le plus en proie aux émeutes récentes entre communautés, il y a des raisons de s »inquiéter.

https://www.youtube.com/watch?v=ZbyKUQEh-fA

– Localement toujours, une incompréhension règne autour de la nuit du 11 juillet à Belfast, puisqu’à deux endroits historiques de la ville (East Belfast et Sandy Row) bastions loyalistes, des milliers de palettes qui devaient servir aux traditionnels « bonfire » allumés la veille du 12, sont en passe d’être retirées suite à un petit scandale local.

Les autorités de la ville sont en effet accusées par les républicains notamment (la police mène l’enquête) d’avoir fourni des milliers de palettes pour allumer ces bûchers, considérés comme une offense et une violence contre les républicains (des drapeaux à leur effigie y sont brulés), comme une tradition et une perpétuation de leur culture pour les protestants.

– Début juillet, une marche de l’ordre d’Orange à Glasgow en Ecosse, a provoqué l’ouverture d’une enquête après que de nombreux spectateurs aient repris « the famine song » , un chant (interdit des marches) évoquant la famine irlandaise.

Enfin, la possibilité d’un match de football linfield – Celtic,  quelques jours après la marche du 12 juillet, pourrait bien rajouter à la tension, même si le Celtic Glasgow a annoncé qu’il ne mettrait aucun ticket à disposition de ses fans pour se rendre à Belfast.

Quelques conseils pour les visiteurs

Même si ce mois de juillet attire notamment de nombreux Anglais et Écossais qui viennent assister ou participer aux marches, des curieux, ou des gens de passage, sont tentés d’assister à ces défilés. Voici quelques petits conseils :

  • Ne pas parcourir les quartiers loyalistes (Shankill, East Belfast, Sandy Row notamment) avec une voiture immatriculée en Irlande. C’est souvent assez mal vu, notamment dans une atmosphère alcoolisée et tendue. Pour la journée du 12, la circulation en voiture est de toute façon bloquée dans une large partie de la ville jusqu’aux alentours de 16h.
  • Ne pas chercher à débattre politiquement ou historique avec les membres des communautés respectives, qui plus est en ces jours de célébration pour les uns, de colère pour les autres. Chacun à son histoire, qu’il serait présomptueux (insolent et légitimement très mal perçu) de juger.
  • Pour une atmosphère «conviviale», préférez le grand défilé qui passera notamment dans le City center en fin de matinée. Pour une atmosphère plus «communautaire», n’hésitez pas à trouver la marche que vous recherchez sur le site de la commission des parades. Pour le reste de l’Irlande du Nord, voici la liste des marches qui se dérouleront le 12 juillet.

De 1969 à 1998, l’Irlande du Nord a été le théâtre de violences qui ont fait 3 500 morts. Les accords de paix de 1998 ont conduit au partage du pouvoir entre protestants et catholiques, un pouvoir vacillant aujourd’hui, tandis que dans chaque communauté, on s’estime victime de discrimination (pour les catholiques) , menacé de disparition (pour les protestants).

A noter qu’ils sont de plus en plus nombreux, dans une communauté comme dans l’autre, à se prononcer pour la réunification irlandaise, y compris en octroyant à l’Ulster – ou tout du moins aux zones unionistes – une large autonomie.

Crédit photo :  Wikipedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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