Nantes. Les liaisons dangereuses de Marc Reneaume

18-01-2014 – 18H00 Nantes (Breizh-info.com) – Exit Hervé Grélard, imposé par le ténor de l’UDI locale Joël Guerriau en échange de son ralliement. Le nouveau numéro 2 de la liste UMP-UDI officielle de Laurence Garnier sera le nantais Marc Reneaume, 57 ans, ancien cadre dirigeant de Veolia, ex-président de la fédération professionnelle des entreprises de l’eau au sein du MEDEF, directeur général d’une PME spécialisée dans l’eau et l’assainissement.

Gilles, électeur de droite et grand habitué des arcanes de la droite nantaise est abasourdi : « Ce choix est-peut-être l’un des pires qui aurait pu être fait, tant la personnalité et le passé de Marc Renaume symbolisent l’entre-soi malsain entre politiciens et grands patrons, ainsi que les souvenirs pénibles des travers de la droite nantaise sous Chauty. Et puis il n’est pas du tout ce à quoi on pourrait s’attendre quand on pense à une personnalité de la société civile. »

Le souvenir d’Arc en Ciel Couëron : un contrat gagnant-gagnant ?

 En effet, Marc Renaume dirigeait la société Onyx Grandjouan à l’époque du premier mandat de Jean-Marc Ayrault. Dans le livre de Pascale Tournier et d’Henry Gadault, Henri Proglio, une réussite bien française (Editions du Moment) on peut lire d’intéressantes lignes sur une affaire nantaise quelque peu enfouie… sous les 300.000 tonnes de déchets traitées chaque année par l’usine Arc En Ciel. Ce centre de retraitement de déchets  en 1991 – à l’époque où Henri Proglio en a signé avec Jean-Marc Ayrault le contrat de construction et d’exploitation pour 25 ans – était à la pointe en ce domaine .

A l’époque, 250 millions de francs avaient été investis officiellement pour lancer l’usine. Selon les auteurs cités par Economie Matin il y aurait eu un dessous de table de 12 millions, payé par moitié par Onyx-Granjouan et par la Générale de Chauffe, deux filiales de la CGE (Veolia). Ceci aurait permis de faciliter les relations avec les élus locaux.

L’affaire est ressortie en 2007  pendant l’Université d’été du PS à La Rochelle. Jacques Palacin, ex-salarié en conflit avec la CGE et militant socialiste, rédige une note à Jean-Marc Ayrault sur la possible existence de cette commission occulte et les risques politiques encourus. L’information lui aurait été transmise par Michel Pille, un autre cadre, lui aussi en bisbille avec la CGE. Le maire de Nantes a démenti et l’affaire s’est arrêtée là.

Cependant, en 1997, Marc Reneaume accroche un autre trophée précieux à son tableau de chasse : l’exploitation de stations d’épurations, qui était jusqu’alors détenue par la Lyonnaise des Eaux (Suez). Depuis, il a rejoint le carré de fidèles de Proglio, ce qui lui a permis d’être promu en 2005 directeur adjoint de Veolia Eau, puis directeur stratégiques des affaires publiques.

Il sera débarqué quelques mois plus tard par le nouveau PDG Antoine Frérot dans un contexte de fortes tensions qui l’opposaient à son prédécesseur et à ses réseaux . Pourtant, il restera dans la grande maison puisqu’il est administrateur du GIE des Laboratoires, l’autre nom du centre des analyses environnementales. Ce réseau de laboratoires dépendant de Véolia est spécialiste de l’expertise de l’environnement.

Il est aussi président du conseil de surveillance de SADE Exploitations de l’est de la France, une société du groupe SADE, la filiale de Veolia en charge des travaux et des installations (9.000 salariés). La multinationale de l’assainissement s’apprêterait  justement à la vendre malgré des remous internes assez forts.

Grandjouan : bienvenue à Naples de Bretagne

Onyx-Grandjouan n’est pas un acteur inconnu du marché de l’assainissement local. En 1867, c’est François Grandjouan et ses trois fils, Paul, Jules et Francis, qui obtiennent le marché de nettoyage des rues de Nantes. Ce sont en 1869 60 « hommes-tombeliers », 110 femmes balayeuses, 110 chevaux et 50 tombereaux. Ils ont la charge de nettoyer les rails du tramway et les urinoirs, d’enfouir les animaux morts ou encore de retraiter les ordures ménagères en engrais pour les vignes du pays de Clisson.

Avec les années, Grandjouan s’étend et conquiert peu à peu son importance actuelle : 3 unités de compostage, 10 unités de valorisation énergétique, 12 centres de tri, 15 centres d’enfouissement technique et 135 déchèteries pour 1900 salariés dans les neuf départements de la Bretagne, de l’Anjou, du Bas-Poitou et du Maine.

Jusque dans le milieu des années 1990, Grandjouan exploitait la décharge (CET) de Peslan. Dispersée sur plusieurs sites, celle-ci assurait le comblement des carrières de Peslan et de la Touche-Thébaud avec des déchets de toutes provenances, qui y étaient entassés et compactés. Ces sites surmontent le Canal de Nantes à Brest et plusieurs hameaux, notamment Peslan et la Touche Thébaud.

Selon Laurent Joulain qui était conseiller municipal à Blain dans les années 1980, « les personnes censées surveiller les enfouissements laissaient couler ; le repas annuel offert par Grandjouan, pendant lequel l’on prolongeait le contrat, leur suffisait grandement. Et bien que le CET ne devait recevoir que les déchets de Blain et des alentours, il y avait des dépôts qui venaient de plus loin ». Ces mauvaises pratiques auraient commencé dans les années 1970. Malgré les changements successifs de direction et les restructurations au sein d’Onyx-Grandjouan, elles auraient continué.
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Parmi ces dépôts apportés entre les années 1970 et 1990 : des batteries de voitures, avec leurs métaux lourds. Des déchets de l’usine Citroën de Chartres de Bretagne. D’autres, en provenance de l’hôpital de Saint-Nazaire et de cliniques nantaises.

Des carcasses de cochons. Des mâchefers, qui étaient amenés par camions de Redon. Et plusieurs habitants de Peslan, un hameau qui se trouve juste en-dessous de la décharge, se souviennent de « camions, qui venaient la nuit à la décharge et qui portaient sur leur flanc le pictogramme nucléaire ». Cette décharge qui aurait accueilli bien plus que son dû reste surveillée par Veolia. Et elle s’était étendue même vers l’ouest, sur d’anciennes carrières situées à la Touche, au-dessus du canal, où des mètres cubes de terres et d’autres déchets auraient aussi été déposées.

Il y a quelques mois de cela, un drain y aurait été posé. Un témoin nous relate la scène : « les ouvriers avaient ouvert le sol avec leur pelle à bras téléscopique. Dans la coupe : de la terre noire, grasse. Des matelas, des batteries de voiture. Des bidons de produits chimiques. Et l’odeur, une odeur qui coupait le souffle. Le conducteur de la pelleteuse a dit à son comparse : tu ne vas pas là-dedans, sinon tu ne remonteras pas. Ils ont fait rouler le drain au fond du trou, ils ont vu que le jus noir des ordures [les lixiviats] coulait au bout. C’était bon. Ils ont refermé. »

A l’aube des années 2000, quelques années à peine après la fermeture de la décharge, lorsqu’il pleuvait, le ruisseau de Curun vers lequel s’infiltrent les eaux de la décharge aurait coulé noir. Et il aurait flotté dans l’air une odeur puissante d’ordures.

En Vendée, l’argent non plus n’a pas d’odeur

Naples de Bretagne, ou plutôt Peslan, hameau de la commune de Guenrouët qui entretient des liens historiquement étroits avec Saint-Omer de Blain, n’aurait pas été la seule à avoir été touchée par ces pollutions . Ainsi les rapports annuels des centres d’enfouissement de Vendée – obligatoires et dont les mesures sont réalisées par des laboratoires indépendants – sont particulièrement fleuris, à l’exemple de ceux de 2004.

Ils ont d’ailleurs été collationnés par la FEVE (fédération éco-citoyenne de Vendée) à l’usage de ses adhérents. Ainsi pour la décharge de Basses Barbontes, près de la Roche sur Yon, exploitée par Onyx-SENETD depuis 1985 : « présence constante de source radioactive dans les rapports successifs », sans oublier un « taux d’arsenic anormalement élevé » qui « proviendrait des graviers »Une autre décharge, le Beignon à Sainte-Flaive des Loups, est exploitée par Grandjouan depuis 1978 et Geval, filiale d’Onyx, depuis 1997. Le rapport de 2004 sur celle-ci qui allait fermer à la fin de l’année conclut à la persistance de la « présence d’arsenic » et à la présence d’une « ampoule de radium 224 », qui finira par être prise en charge par l’Andra. L’époque n’est plus à les laisser trainer dans une décharge théoriquement limitée aux déchets ménagers et autres déchets non dangereux qui ne peuvent être recyclés.

A la vue de cette réalité crue contraire au slogan de campagne de Laurence Garnier  « Et si on tournait la page ? », un électeur nantais s’insurge vertement : « C’est un attrapes-couillons ! La page des arrangements politiques vaseux n’est pas du tout tournée. »

Crédit photo : DR
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