12/05/2017 –05H45 Paris (Breizh-info.com) – S’il y’a bien une chose qu’on ne peut pas reprocher à un président de la République fraichement élu, c’est de vouloir aller vite dans ses réformes – et il en a la légitimité électorale (si l’on se plie au jugement des urnes) – en attendant le résultats des élections législatives. Emmanuel Macron, nouveau président de la République, a décidé de mener plusieurs réformes par ordonnance, ce qui semble entrainer quelques levées de bouclier, émanant notamment de sa gauche et de son extrême gauche, ainsi que des syndicats, de moins en moins représentatifs, de plus en plus politisés, et par tradition réactionnaires (volonté d’empêcher ou de bloquer tout changement).
Plus tôt avant lui, Jean-François Copé, des Républicains, avait fait un exposé intéressant à ce sujet lors de sa venue à l’Institut de Locarn, exposé dans lequel il estimait que mener toute une série d’ordonnance durant l’été suivant l’élection présidentielle permettait de mettre directement le pays sur les rails du changement souhaité par les électeurs ayant remporté le scrutin (on peut toujours remettre en cause la légitimité d’une élection, dire qu’Emmanuel Macron n’est pas élu, et c’est vrai, par une majorité de Français, mais dans ce cas encore faut-t-il avoir le courage de prendre position contre le système électoral actuel).
A droite également, à un niveau moindre, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Lemaire voulaient faire passer quelques ordonnances.
Comment peut-t-on légiférer par ordonnance ?
Une ordonnance est un moyen pour le gouvernement de légiférer plus vite, sans passer par le traditionnel processus parlementaire. L’exécutif peut ainsi mettre en place des mesures presque immédiatement. Mais cela ne veut pas dire que le Parlement n’intervient pas dans le processus. Il intervient en amont et en aval. Pour schématiser, il y a trois grandes étapes :
1) Pour pouvoir légiférer par ordonnance, le gouvernement doit d’abord obtenir l’autorisation préalable du Parlement (article 38 de la Constitution) :
« Le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. ».
Cela passe donc par le fait d’avoir une majorité à l’Assemblée nationale, sinon il y aura sans aucun doute blocage.
Cette autorisation lui est donnée par le vote d’une loi d’habilitation (ce texte précise le (ou les) domaine(s) sur lesquels peuvent porter les ordonnances, la durée pendant laquelle le gouvernement pourra procéder par ordonnance et le délai au cours duquel le gouvernement devra déposer un projet de loi afin de ratifier la ou les ordonnances).
2) L’ordonnance est ensuite prise en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Le texte doit être signé par le président de la République. Elle entre en vigueur dès sa publication.
3) L’Assemblée nationale et le Sénat examinent ensuite un projet de loi destiné à ratifier l’ordonnance.
Un projet de loi de ratification doit être déposé par le gouvernement. Le Parlement peut alors :
– approuver l’ordonnance, et celle-ci acquiert alors valeur de loi ;
– ou la rejeter. L’ordonnance conserve alors une valeur simplement réglementaire (inférieure à la loi).
Si ce projet de loi de ratification n’est pas soumis au Parlement dans les délais prévus, l’ordonnance devient caduque.
Les réformes (réformettes ?) par ordonnance souhaitées par Emmanuel Macron :
Priorité à l’accord d’entreprise
Emmanuel Macron entend donner la priorité à l’accord d’entreprise, notamment pour fixer la durée du travail. Il ne reviendra pas sur la durée légale (35 heures) mais donnera «plus de souplesse et d’agilité» aux entreprises, ou à défaut aux branches, pour fixer, par accord majoritaire, un autre seuil de déclenchement des heures sup.»
Un «droit à l’erreur» administrative
Emmanuel Macron veut mettre en place un droit à l’erreur pour tous face aux administrations. Une entreprise, ou un particulier, qui commettent une erreur de bonne foi, révélée lors d’un contrôle administratif, ne seront pas sanctionnés la première fois. « L’administration qui contrôle un individu ou une entreprise ne sera plus immédiatement dans la sanction, mais dans l’accompagnement et le conseil», avait expliqué Emmanuel Macron au JDD le mois dernier. «Par exemple, aujourd’hui, un employeur qui oublie de déclarer à l’URSSAF la prime de Noël qu’il verse à ses salariés est condamné à une amende. Il pourra demain faire valoir son droit à l’erreur» expliquait le candidat dans son programme.
Plafonner les indemnités prud’homales
Le président élu souhaite encadrer le montant des dommages et intérêts accordés par les prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Supprimer les normes européennes «surtransposées»
Emmanuel Macron compte supprimer par ordonnance des normes issues de la transposition, en droit national, des directives européennes. Une spécialité française amplement démontrée par un récent rapport de l’Inspection des Finances.
Rien de révolutionnaire donc – ce qui laisse présumer finalement de très peu de changement de cap par rapport au quinquennat précédent.
A suivre …
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