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Alain de Benoist : « Emmanuel Macron est une petite chose caractérielle, manipulable et incapable de décision » [Interview]

25/04/2017 – 05H45 Rennes (Breizh-info.com) – Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle qui a vu Emmanuel Macron et Marine Le Pen se qualifier, nous avons recueilli les réactions d’Alain de Benoist.

Breizh-info.com : Quels enseignements tirez-vous du premier tour de l’élection présidentielle ? En quoi diffère-t-elle de toutes celles qui l’ont précédée ?

Alain de Benoist : Le fait capital de cette élection, celui qui lui confère un véritable caractère historique, ce n’est ni le phénomène Macron ni la présence de Marine Le Pen au second tour. C’est la déroute totale des deux ancien grands partis de gouvernement, le PS et Les Républicains. Je l’avais laissé prévoir ici même en février dernier, à un moment où personne ne semblait s’en aviser : pour la première fois depuis que le chef de l’État est élu au suffrage universel, aucun des deux partis qui depuis près d’un demi-siècle ont gouverné la France en alternance ne sera présent au second tour.

Dans le passé, ces deux partis n’avaient jamais représenté à eux deux moins de 45 % des suffrages (57 % en 2007, 55,8 % en 2012). Aujourd’hui, ils en représentent ensemble à peine un quart (Fillon 19 %, Hamon 6 %), moins que Sarkozy en 2007 ou Hollande en 2012. Tous deux se retrouvent à l’état de champs de ruines et au bord de l’implosion. Leur décomposition marque la fin de la Ve République telle que nous l’avons connue. Ce sont eux les grands perdants du scrutin.

Ce coup de tonnerre sans précédent ne doit pourtant pas surprendre, car il est parfaitement conforme au schéma populiste. Dans tous les pays où le populisme marque des points, ce sont les partis représentant l’ancienne classe dirigeante qui en pâtissent le plus. On a vu cela en Grèce, en Espagne, en Autriche et ailleurs. Maintenant, c’est l’heure de la France. Et ce n’est sans doute qu’un début, puisque nous allons sans doute nous diriger maintenant vers une période d’instabilité, de crise institutionnelle et de grande confusion.

Breizh-info.com : Est-ce la fin du système traditionnel droite-gauche que l’on a connu depuis des décennies ?

Alain de Benoist : Les anciens partis de gouvernement étaient aussi ceux qui portaient le traditionnel clivage droite-gauche. Le curseur se déplaçait alors sur un plan horizontal, ce qui a lassé des électeurs qui de surcroît ne voient plus très bien ce qui distingue la droite de la gauche. Macron et Marine Le Pen ont en commun de surfer sur cette lassitude vis-à-vis du « Système ». Je répète ici ce que j’ai déjà écrit plusieurs fois : à l’ancien axe horizontal correspondant au clivage droite-gauche se substitue désormais un axe vertical opposant ceux d’en haut à ceux d’en bas. Le peuple contre les élites, les gens contre les puissants.

On peut bien sûr vouloir conserver à tout prix le couple droite-gauche, mais alors il faut constater que les couches populaires sont de plus en plus à droite, tandis que la bourgeoisie est de plus en plus à gauche, ce qui constitue déjà une révolution.

Breizh-info.com : Les résultats semblent également confirmer la fracture entre les métropoles et la « France périphérique », mais aussi entre la France qui compte le moins d’immigrés, qui vote Macron, et celle qui en compte le plus, qui vote Le Pen. Qu’en pensez-vous ?

Alain de Benoist : Je pense en effet que le clivage Macron-Le Pen recouvre dans une très large mesure l’opposition entre la « France périphérique », celle des couches populaires humiliées, laissées pour compte, qui s’estiment à juste titre victimes d’une exclusion à la fois politique, sociale et culturelle, et celle des métropoles urbanisées où vivent les cadres supérieurs et les bobos, les classes possédantes et la bourgeoisie intellectuelle intégrée, qui profitent de la mondialisation et aspirent à toujours plus d’« ouverture ». D’un côté la France qui gagne bien sa vie, de l’autre celle qui souffre et qui s’inquiète.

Mais cette opposition spatiale, particulièrement bien explorée par Christophe Guilluy, a aussi (et surtout) le sens d’une opposition de classe. Je partage à ce sujet l’opinion, non seulement de Guilluy, mais aussi de Mathieu Slama, selon qui « la lutte des classes ressurgit politiquement à la faveur d’un duel de second tour qui oppose le libéral Emmanuel Macron à la souverainiste Marine Le Pen ».

« Derrière cette lutte des classes, ajoute Slama, se cache un affrontement entre deux visions du monde : la vision libérale et universaliste, qui ne croit ni en l’État ni en la nation, et la vision que l’on nomme aujourd’hui populiste ou encore souverainiste, qui veut restaurer l’État, les frontières et le sens de la communauté face aux ravages de la mondialisation ».

L’erreur symétrique de la droite et de la gauche classiques a toujours été de croire que la politique pouvait s’extraire des enjeux de classe – la droite par allergie au socialisme et au marxisme, la gauche parce qu’elle croit que la classe ouvrière a disparu et que le peuple ne l’intéresse plus.

Breizh-info.com : Que représente Macron ?

Alain de Benoist : La morphopsychologie nous dit déjà qu’Emmanuel Macron est une petite chose caractérielle, manipulable et incapable de décision. Disons que c’est un algorithme, une image de synthèse, un milliardaire issu des télécoms, un joueur de flûte programmé pour mener par le bout du nez « selzésseux » qui ne voient pas plus loin que le bout de ce nez. C’est le candidat de la Caste, le candidat des dominants et des puissants. C’est un libéral-libertaire qui conçoit la France comme une « start up » et ne rêve que d’abolition des frontières et des limites, des histoires et des filiations. C’est l’homme de la mondialisation, l’homme des flux migratoires, l’homme de la précarité universelle. Le chef de file des « progressistes » par opposition à ceux qui ne croient plus au progrès parce qu’ils ont constaté que celui-ci n’améliore plus, mais au contraire assombrit leur ordinaire quotidien.

Dans le passé, les milieux d’affaires soutenaient le candidat qu’ils estimaient le plus apte à défendre leurs intérêts (Alain Juppé en début de campagne). Cette fois-ci, ils ont jugé plus simple d’en présenter un eux-mêmes. Aude Lancelin n’a pas tort, à cet égard, de parler de « putsch du CAC 40 ».

Breizh-info.com : L’échec de Jean-Luc Mélenchon ?

Alain de Benoist : Échec tout relatif ! Orateur hors pair, tribun véritablement habité, Jean-Luc Mélenchon est celui qui, dans la forme et dans le fond, a fait la meilleure campagne électorale. En l’espace de quelques semaines, il a plus remonté dans les sondages qu’aucun autre candidat, écrabouillant au passage le Schtroumpf du PS, parvenant pratiquement au niveau de Fillon et doublant son score par rapport à 2012.

Plus important encore, cette élection présidentielle lui a donné la possibilité d’incarner un populisme de gauche qui, avant lui, n’existait qu’à l’état d’ébauche. Vous aurez peut-être remarqué qu’il a commencé à monter dans les sondages à partir du moment où il n’a plus parlé de la « gauche » dans ses discours, mais seulement du « peuple ». C’est un détail révélateur. Ajoutons à cela que, contrairement à Hamon ou Duflot, il a eu le courage de ne pas appeler à voter en faveur de Macron. Personnellement, je regrette beaucoup qu’il ne soit pas au second tour.

Breizh-info.com : Marine Le Pen a-t-elle encore des chances de l’emporter ? Quels doivent être les principaux axes de sa campagne ? Où se trouve son réservoir de voix ?

Alain de Benoist : Ses chances au second tour sont a priori assez faibles, puisque tous les sondages la donnent pour battue. Ses principaux concurrents ont appelé à voter pour Emmanuel Macron, à commencer par François Fillon (ce qui ne manque pas de sel), mais il reste à savoir si leurs consignes seront suivies. Les reports de voix ne sont jamais automatiques. Outre les abstentionnistes, Marine Le Pen peut espérer recueillir au moins un tiers des voix de Fillon, plus de la moitié de celles de Dupont-Aignan, voire 10 ou 15 % des voix de Mélenchon, mais je doute que cela lui permette de remporter la victoire. Le score du second tour devrait s’établir à 60/40, ou à 55/45 dans le meilleur des cas.

Cela dit, avec 21,4 % des voix (contre 17,9 % en 2012), Marine Le Pen marque sérieusement des points, non seulement parce qu’elle accède au second tour, mais aussi parce qu’elle rassemble près de huit millions de suffrages (le double de son père en 2002), contre seulement six millions aux dernières élections régionales. Le plus important est qu’elle surclasse le PS et Les Républicains, ce qui pose le FN en principale force d’opposition face à la future coalition « progressiste » de Macron.

Disons néanmoins que sa campagne fut assez inégale. Pas assez de lyrisme, pas assez d’émotion : elle sait se faire applaudir, mais elle ne sait pas faire vibrer. Dans son clip de campagne, le peuple était d’ailleurs absent.

Sa seule chance de gagner est de faire comprendre à la majorité des Français que le second tour ne sera pas un vote pour ou contre le Front national, mais un référendum pour ou contre la mondialisation. Il faudrait aussi qu’elle soit capable de convaincre en priorité les électeurs de gauche qu’il serait insensé de leur part d’apporter leur suffrage à l’homme de la casse sociale et de la loi El Khomri, de la dictature des actionnaires et de la toute-puissance des marchés financiers, au porte-parole du Capital pour qui la politique n’est qu’un instrument à mettre au service des intérêts privés.

Breizh-info.com : Êtes-vous surpris de la faible mobilisation dans la rue contre Marine Le Pen, contrairement à ce que l’on avait vu en 2002 ?

Alain de Benoist : Je n’en suis pas surpris du tout. L’élection de 2002 n’a aucun rapport avec celle que nous venons de vivre. Il n’y a que les diplodocus et les « antifas » pour ne pas comprendre que nous avons changé d’époque.

Breizh-info.com : Une remarque finale ?

Alain de Benoist : Si un scénariste avait écrit par avance l’histoire de cette campagne électorale telle qu’elle s’est effectivement déroulée, aucun réalisateur n’aurait jugé son scénario crédible. Elle a en effet déjoué tous les pronostics. François Hollande a rêvé pendant des années de solliciter un second mandat, mais il a finalement dû y renoncer. On le donnait pour un fin manœuvrier, mais il a perdu le contrôle de son propre parti. La droite considérait que cette élection était « imperdable », et pourtant elle l’a perdue. Les primaires étaient censées renforcer le pouvoir des partis et consacrer les mieux placés pour l’emporter (Sarkozy ou Juppé, Valls ou Montebourg), elle les a définitivement affaiblis et n’a sélectionné que des « outsiders » qui n’ont pas brillé.

Quant au phénomène Macron, personne ne l’imaginait possible il y a encore un an. Cela montre qu’en politique, rien n’est jamais joué par avance. L’histoire est toujours ouverte.

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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23 réponses à “Alain de Benoist : « Emmanuel Macron est une petite chose caractérielle, manipulable et incapable de décision » [Interview]”

  1. Gwendal Pennanech dit :

    Analyse franco-française qui ne rend absolument pas compte de la réalité bretonne. Les deux candidats sont mauvais pour la Bretagne. Je doute d’ailleurs que le fossé entre les deux visions soit aussi immense qu’on nous le présente : aucun ne veut véritablement mettre en cause le système de contrôle par le haut qui tient l’Hexagone . Patriotisme français contre nationalisme français pour reprendre les paroles d’un des deux candidats. Deux faces d’une même médaille en somme.

    • François Arondel dit :

      Macron parle de patriotisme mais ce n’est que de la com. Il déteste les patries, toutes les patries, comme tous les gens de sa caste libérale-libertaire. Quant à la Bretagne, il n’en a rien à faire et pourtant les Bretons ont voté massivement pour lui, l’immigrationniste virulent, le mondialiste radical. Il est vrai qu’ils ont voté aussi massivement pour un autre immigrationniste tout aussi mondialiste et tout aussi indifférent aux patries en général et à la Bretagne en particulier, l’admirateur de Castro et de Maduro : Mélenchon !!!!!!

      • Alain dit :

        Oui, mais que proposons nous d’autre aux citoyens bretons???

        Car cela fait des années qu’on critique les autres en France, mais nous que faisons nous sauf à nous battre entre Bretons pour des gens qui n’ont ni respect pour nos citoyens ni pour les leurs…!

      • Gwendal Pennanech dit :

        Evel just! Et ça urge car la France étant au bord du gouffre il faut préparer la relève!

      • François Arondel dit :

        Lla France est sans doute au bord du gouffre mais la Bretagne est déjà au fond du gouffre. Les Bretons ne sont pas plus intéressés par l’avenir de la Bretagne que ne le sont les politiciens parisiens. Leur vote massif en faveur de Macron et de Mélenchon le montre clairement. Vous opposez les uns aux autres mais ce n’est que de la rhétorique à laquelle n’est sensible qu’une très mince partie de la population bretonne (1% environ lors des dernières élections régionales).

      • Gwendal Pennanech dit :

        Vous avez une vision statique alors que l’Histoire est dynamique et faite par les minorités agissantes. La masse sera toujours apathique. Il n’en reste pas moins que pour tout peuple il n’y a pas de choix : se réveiller ou disparaître . Donc il faut choisir son camps celui des eveilleurs ou des fossoyeurs. Et comme Bretons notre peuple est notre affaire. Que les Franciens ou ce qu’il en reste se réveillent ou pas c’est leur affaire. Mais ce qui est certain c’est que l’hexagonisme , l’idée de faire vivre tout ce petit monde ensemble par l’assimilation est une idée finie.Breizh n’est pas au fond du gouffre puisqu’elle reste à construire!

      • Alain dit :

        Très bonne réponse!

      • Alain dit :

        « Il n’y a pas encore de citoyens Bretons »…
        Ca se discute… déjà parce que légalement l’état breton existe toujours…
        Puis par le fait que si nous n’avons pas l’ambition de retrouver notre démocratie, on ne l’aura jamais…

        (D’ailleurs la France considère que les Bretons sont de nationalité française ce qui est encore moins vrai… donc l’un dans l’autre, il est temps que les Bretons se perçoivent à nouveau comme des citoyens bretons… comme les acteurs de leur propre démocratie)

      • Gwendal Pennanech dit :

        MLP est aussi très bonne en com. Macron et Le Pen ce n’est au fond pas si différent c’est bien de la pensée francaoui tout ça. L’attitude à adopter lors de l’élection présidentielle française c’est l’abstention ! Mondialiste , pas mondialiste etc on s’en moque ils sont tous pour la France et anti-Bretagne. Ils veulent le même État centralisateur, ils se moquent également du peuple breton et puisque c’est l’immigration qui semble surtout vous motiver et bien force est de constater que ni l’un ni l’autre ne prévoit de réserver la terre bretonne aux Bretons !

      • guylaine dit :

        Entre un mondialiste et une Patriote, il y a une énorme différence que seuls les vrais Patriotes peuvent voir !

    • André du Pôle dit :

      On reconnaît les gens du système à ce qu’ils se définissent comme « patriotes » et jamais comme nationalistes. De Macron à Soral, tous appuient le conditionnement gauchiste qui consiste à diaboliser le nationalisme, en lui substituant un « patriotisme » absolument vide de contenu et donc impuissant.

      • Gwendal Pennanech dit :

        Oui d’ailleurs MLP aussi se dit patriote. Elle aussi est dans le système franco-républicain. Le nationalisme français est d’ailleurs impossible puisque la France est avant tout un Etat qui régit un conglomérat de peuples.

      • Dominique dit :

        La Suisse est un état fédéral qui revendique un certain nationalisme il est pourtant un conglomérat de peuples et de langues. Mais c’est une fédération d’états d’ou le centralisme est absent doublé d’une démocratie directe ou le culte de la personnalité politique est très relatif, voir absent. Les Suisses n’attendent pas tout les 5 ans un nouveau leader qui va les « sauver », ils ne sont pas dans la discontinuité politique.

  2. Criticus dit :

    « Dans le passé, ces deux partis n’avaient jamais représenté à eux deux moins de 45 % des suffrages (57 % en 2007, 55,8 % en 2012). »

    Si, en 2002 (36%).

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