22/02/2017 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) ‑ « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur », plaisantait Cocteau. Pour Jean-Marc Ayrault, la déconfiture de la gauche qu’il a incarnée est un mystère, mais il a bien compris ce qu’elle signifie pour lui personnellement. Dans un entretien avec Arnaud Wajdsik, d’Ouest France, il a préféré annoncer son prochain départ en retraite avant que ses propres troupes ne le lui imposent.
« Je ne briguerai plus aucun mandat », dit-il. Cela tombe bien : il est probable qu’aucun mandat ne voudra plus de lui. Pour lui, l’avenir est clair : Premier ministre de François Hollande, puis ministre des Affaires étrangères, il est voué à rester dans l’histoire comme l’un des principaux acteurs d’une déconfiture politique d’anthologie. Il ferait même un bouc émissaire assez crédible pour avoir rendue inextricable en quelques mois une situation qui ne se présentait pourtant pas trop mal au début.
Désavoué au bout de deux ans, il a accepté en silence l’humiliation d’une rétrogradation dans la hiérarchie gouvernementale. Cela ne lui assurera même pas l’indulgence de François Hollande quand il écrira l’histoire de son quinquennat. Jean-Marc Ayrault « est tellement loyal qu’il est inaudible », a déjà confié le président aux auteurs d’Un président ne devrait pas dire ça (Stock). Le mépris est encore plus clair sous la plume d’Aquilino Morelle, ancien conseiller de l’Élysée, qui essuie ses chaussures bien cirées sur l’ancien Premier ministre dans L’Abdication (Grasset). Pour lui Jean-Marc Ayrault est une « erreur de casting » de François Hollande.
A-t-il mieux réussi au Quai d’Orsay qu’à Matignon ? Pour le Club Vauban, qui réunit des diplomates de haut rang « en matière de politique étrangère, le quinquennat qui s’achève aura été celui de la confusion et du renoncement ». La France n’est même plus invitée aux réunions internationales sur la Syrie, elle n’occupe plus aucun des postes importants à Bruxelles, le ministère des Affaires étrangères a été transformé en « un gigantesque moulin à paroles ».
Un héritage compromis… voire compromettant
Face à un tel bilan gouvernemental, on comprend pourquoi, trois mois avant de faire ses bagages, Jean-Marc Ayrault préfère braquer le projecteur sur sa carrière politique locale de député-maire. « Trente-cinq ans maire ! », se rengorge-t-il. « Et puis j’ai été élu député, depuis 1986 ! Dans les deux cas, j’estime que c’est ma responsabilité de transmettre à d’autres générations. » Dans les deux cas, pourtant, la notion de « transmission » doit être relativisée.
Johanna Rolland fait bien partie d’une autre génération, mais ce n’est pas cette génération qui l’a élue maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole : elle a été imposée par Jean-Marc Ayrault, dont elle a été l’assistante parlementaire – la « créature », selon certains. « Ayrault et elle, c’est quasiment le père et la fille », disait ainsi le député écologiste François de Rugy. Et si Johanna Rolland a su imposer son autorité dans l’administration municipale, son passé d’apparatchik ne lui garantit pas l’oreille des militants : alors qu’elle soutenait officiellement Manuel Valls pour la primaire de la gauche, les militants nantais ont plébiscité Benoît Hamon. L’avenir électoral de la fille spirituelle de Jean-Marc Ayrault est rien moins qu’assuré.
Quant à Karine Daniel, députée de la 3ème circonscription de Loire-Atlantique, elle aussi membre d’une autre génération (elle est née en 1974), Jean-Marc Ayrault ne lui a rien transmis. Experte respectée, docteur en sciences économiques, elle doit son élection au choix des militants après le décès prématuré de Jean-Pierre Fougerat, suppléant de Jean-Marc Ayrault… qui appartenait à la même génération que lui.
Le bilan des nombreux mandats municipaux de Jean-Marc Ayrault reste à dresser. Dans une ville où ses anciens obligés occupent encore beaucoup de places, les langues ne se délieront pas tout de suite. Par la suite, les questions ne manqueront pas. Jean-Marc Ayrault a quitté Nantes Métropole au milieu d’un réaménagement de l’île de Nantes mal mené (il s’est fâché en cours de route avec l’architecte-conseil qu’il avait d’abord retenu), laissant derrière lui un projet de construction d’un nouveau CHU très contesté et un projet de construction d’un nouvel aéroport qui ne l’est pas moins, une piétonnisation du centre-ville pas très réussie, une insécurité de plus en plus difficile à nier, des modifications cosmétiques du réseau de transport en commun, une image internationale de la ville recentrée sur le parc d’attraction des Machines de l’île davantage que sur sa vitalité économique, et une fiscalité locale considérablement alourdie. « Le seul succès incontestable de sa carrière municipale, c’est le développement de la zone commerciale Atlantis », ricane un opposant.
Il est donc sage pour Jean-Marc Ayrault de tourner dès aujourd’hui la page de la vie publique. Il compte se consacrer davantage à sa famille. Ce qui ne signifie pas qu’il l’ait oubliée au cours de sa carrière : sa femme Brigitte, originaire comme lui de Maulévrier (Maine-et-Loire), professeur de collège (elle détient comme lui un CAPES de lettres) a été longtemps conseillère générale et sa fille Élise a été son assistante parlementaire avant de commencer à la télévision une carrière que la position de son père n’a pas handicapée.
Crédit photo : présidence de Russie
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3 réponses à “Jean-Marc Ayrault prend les devants : il va quitter la vie politique”
Ai-je le droit de dire, en pensant à toute autre chose, qu’ils sont de plus en plus nombreux à quitter le navire.
Compte tenu des multiples retraites qu’il va pouvoir toucher, il est sûr que ça ne sera pas trop difficile pour lui!!!
Pour Jean-Marc Ayrault Nantes est une ville « coupable » et elle doit expier ( un reste de son militantisme chrétien au MRJC). Sa culpabilité est de s’être enrichie avec la traite négrière. Pour racheter ses crimes il faut donc qu’elle devienne une ville africaine. C’est ce que m’avait dit un de ses proches il y a une quinzaine d’années. Depuis, outre la repentance permanente (mémorial, commémorations…) on peut constater que l’africanisation est en bonne voie.