Carhaix. Rama Yade : « La Bretagne, un exemple à suivre pour le reste du pays» [interview]

08/02/2017 – 07H30 Carhaix (Breizh-info.com) –  Le 25 janvier 2017, Rama Yade, ancienne secrétaire d’État aux affaires étrangères et aux droits de l’homme du gouvernement Fillon, était de passage à Carhaix. Elle y a notamment rencontré Christian Troadec, le maire de la ville, avant de présenter son « manifeste pour la croissance bleue et la mer » (disponible ici en intégralité) au Guilvinec,

A la tête de « la France qui ose », Rama Yade ambitionne d’être candidate à l’élection présidentielle. Elle sillonne actuellement la France entière à la recherche des précieux parrainages qui lui permettront de défendre son programme politique bâti notamment autour de dix mesures chocs.

A l’occasion de sa venue, Rama Yade a accepté de nous accorder une interview – où nous avons évoqué tour à tour sa campagne présidentielle, la Bretagne, son manifeste, la questions des migrants, de la ruralité …

Breizh-info.com : Tout d’abord, où en êtes vous de votre recherche de parrainages pour la campagne présidentielle ?

Rama Yade : J’avance au rythme prévu. Je gagne la confiance des maires grâce à un travail de proximité et de conviction.

Je suis la seule candidate qui ne se contente pas d’envoyer des mails aux maires mais les rencontre ou les appelle. Les 80.000 km parcourus en 8 mois le prouvent. Je suis également la seule candidate, au-delà d’un projet présidentiel national, qui  leur propose un projet au plus près de leurs préoccupations et inspiré par eux.

J’ai ainsi convaincu les maires ruraux grâce à un Manifeste des ruralités, quelques 1.500 maires des communes littorales grâce à un Manifeste pour la Mer et la croissance bleue et les maires ultramarins grâce à un Plan d’action pour les Outre-mer.

A chaque fois, ces propositions ont été soumises à l’examen des élus qui les ont fait évoluer grâce à leur expérience de  terrain. Ce travail collaboratif est exigeant, chronophage mais c’est ma manière à la fois de respecter le travail des élus locaux et de les associer à cette campagne présidentielle qui ne doit pas leur échapper.

Breizh-info.com : Qu’est ce que vous vous êtes dits avec Christian Troadec, maire de Carhaix ? Quels sont vos points communs, politiquement parlant ?

Rama Yade : La Bretagne m’a toujours intéressée. Sa forte identité ne l’a jamais empêchée d’avoir une ouverture sur le monde. C’est aussi une région très innovante, exemple à suivre pour le reste du pays.

Avec Christian Troadec, je voulais échanger avec celui qui incarne la Bretagne terrestre, un élu imaginatif dont on peut dire qu’il a accompli des réalisations dans son engagement d’élu.

Du lycée performant de Carhaix aux Bonnets rouges, des Vieilles Charrues à la valorisation économique de son territoire, il fait des choses fantastiques. Sur le plan politique, nous portons le même regard critique sur la vie politique. Nous voulons une démocratie plus ouverte aux citoyens et aux territoires.

Nous avons la conviction que les solutions ne viendront pas exclusivement des pouvoirs publics, mais de plus en plus de la base. La France des solutions se trouve là. Et nous souhaitons tout faire pour qu’elle soit reconnue, valorisée. Qu’on cesse de l’empêcher d’agir par des lois bureaucratiques et des taxes absurdes.

Breizh-info.com : Dans votre manifeste pour la croissance bleue et la mer, vous n’évoquez à aucun moment l’autonomie des régions maritimes en France. N’est-ce pas une des solutions pourtant pour permettre à certaines régions, comme la Bretagne, de franchir un cap économique important ?

Rama Yade : Bien sûr que si. Je vise très clairement la loi Littoral qu’il faut drastiquement assouplir pour ne pas entraver l’action des maires du littoral tout comme la jurisprudence administrative. Parce qu’il n’y a pas d’autonomie sans moyens financiers, je propose aussi la mobilisation de l’épargne privée avec la création d’un livret bleu, la création de Bioparcs avec un cadre fiscal favorable, des moyens supplémentaires pour la société nationale de sauvetage en mer.

J’ai une proximité naturelle avec le littoral breton. Je suis d’une famille qui compte 6 générations de pêcheurs. J’ai grandi devant l’océan.

Mon rapport avec le littoral est autant sentimental que politique. Je plaide pour une maritimité française qui permette à la France de valoriser son rang de seconde puissance maritime au monde. Les maires du littoral me trouveront toujours à leurs côtés.

Breizh-info.com : Sur la croissance bleue, quel avenir pour les énergies marines ? Sont elles une alternative au nucléaire ou bien doivent elles être complémentaires selon vous ?

Il est plus que temps de se donner les moyens de sortir du tout pétrole. Les algues dont les brevets sont en Bretagne ont un vrai potentiel de production.

Comme je l’indique dans mon Manifeste pour la Mer et la Croissance bleue, « A surface égale, les algues produisent trente fois plus de carburants que les agro-carburants comme le colza, tandis que l’algoculture peut prendre au moins partiellement le relais de l’alimentation par l’élevage animal ou la pêche, insuffisants pour nourrir des milliards d’humains ». Recherche, construction et déconstruction navale, algoculture, pisciculture, biotechnologie, économie circulaire, énergie hydrolienne et éolienne, tourisme bleu : dans tous ces domaines, les communes littorales portent la promesse des solutions du futur !

« La France s’honorerait à avoir une politique à l’égard des migrants »

Breizh-info.com : L’immigration, le terrorisme islamiste font partie des préoccupations majeures des Français actuellement. Quelles sont vos propositions à ce sujet ? On sent la droite comme la gauche particulièrement frileuses, notamment sur la question des migrants …

Rama Yade : Les Bretons savent qu’on ne laisse pas un homme ou une femme se noyer. La France s’honorerait donc à avoir une politique à l’égard des migrants plus humaine au nom des valeurs historiques qui sont les siennes.

L’argument qui consiste à dire que leur accueil créerait un appel d’air ne tient pas : je l’ai vu à Grande Synthe, commune qui leur a réservé un accueil humain, quelques mois après leur nombre a été divisé par deux.

Et puis quoi ? On les laisserait mourir ? Attention à ce que les générations suivantes ne nous fassent pas payer le prix de cette honte. Seule l’Italie est au front après que l’opération Mare Nostrum ait été suspendue.

Mes propositions vont néanmoins au-delà : je crois indispensable d’autoriser les militaires à entrer dans les zones maritimes libyennes pour éradiquer le trafic des migrants, le droit de poursuite existe, il a été utilisé dans le Golfe d’Aden contre les pirates.

Pourquoi user de cette possibilité dans le cas présent ?

Breizh-info.com : Vous proposez un grand plan de développement pour l’Afrique – qui permettrait justement sans doute de limiter les candidats à l’émigration hors de ce continent et de maintenir les richesses de ce continent sur ce continent. Comment résoudre par ailleurs l’expansion démographique africaine qui risque d’aggraver la crise que nous traversons ?

Rama Yade :  Vous parlez d’une Afrique d’Épinal. Mais l’Afrique a changé. Il y a plein de bonnes nouvelles de ce côté-là.

A force de refuser de le voir, la France a raté tous les contrats importants. Savez vous que l’Afrique est le nouvel atelier du monde où, Chinois mais aussi Indiens, Brésiliens, Russes se précipitent pour bénéficier de la révolution économique, financière et technologique qui s’y produit ?

Sur les 10 pays à plus forte croissance dans le monde, savez-vous que 6 sont africains ? La France doit changer son regard sur l’Afrique. Le continent ne demande plus l’aide mais des investissements ; il est sorti depuis belle lurette de son rapport quasi-exclusif avec la France.

Celle-ci gagnerait à accompagner ce mouvement historique en prenant la tête d’un mouvement international pour faire entrer au Conseil de sécurité un 6ème pays, africain cette fois.

Elle y gagnerait de nouveaux alliés dans un monde où c’est désormais le Sud qui maîtrise l’agenda international !

« Les milliards déversés sur la banlieue n’ont rien réglé »

Breizh-info.com : Vous avez publié un « manifeste pour la ruralité ». Votre candidature se veut elle celle d’une femme qui s’intéresse un peu plus à la France périphérique et un peu moins à la France des banlieues, déjà allègrement privilégiée économiquement depuis plusieurs années ?

Rama Yade : C’est faux. Les milliards déversés sur la banlieue n’ont rien réglé. Et voilà que maintenant on les oppose aux ruraux pour mettre le feu au pays. Les deux souffrent des mêmes maux : abandon et mépris. Je veux les réconcilier. Ils sont tous Français.

Ils souffrent du même apartheid géographique, scolaire, économique. Je viens des quartiers populaires donc je les comprends. Je suis par mon métier administratrice du Sénat, qui représente les communes rurales : donc je les connais.

Je suis la seule candidate à pouvoir connaître, comprendre ces deux parties de la France et à apporter des solutions.

Face à la métropolisation et à la recentralisation du pays, mon Manifeste pour les ruralités a pour but précisément de proposer des solutions pour qu’on cesse de fragiliser les communes que la loi NOTRE veut supprimer et pour qu’on cesse de mépriser la ruralité qui est une valeur d’avenir.

Savez-vous que 67% des start up s’installent dans les communes rurales ? A condition qu’il y ait du haut débit, enjeu stratégique pour elles.

Mon projet passe nécessairement par un Ministère des ruralités dont la mission serait de connecter les communes rurales au reste du pays : connecter par les transports, connecter par le haut débit, connecter les hommes (et femmes) entre eux par des équipements de proximité, culturels ou sportifs comme je l’ai fait au Ministère des Sports.

C’est ainsi que j’ai pu sauver le Creps de Bretagne quand l’Etat me demandait de le supprimer !

Breizh-info.com : Vous proposez par ailleurs de réformer le syndicalisme…vaste sujet …

Rama Yade : Des syndicats qui ne représentent que 4% des salariés et financés à hauteur de 4 milliards de subventions ne peuvent décider de bloquer le pays à leur guise !

Mais parce qu’une démocratie a besoin de syndicats, je ne propose certainement pas leur disparition. Au contraire, je souhaite leur redonner une légitimité en faisant en sorte qu’ils représentent 80% des salariés de notre pays.

Cela passe par la création d’un chèque syndical remis à chaque salarié pour payer sa cotisation syndicale et par une ouverture du dialogue social aux nouveaux syndicats qui pourraient porter de nouveaux sujets de discussion : travail indépendant, souffrance au travail, conciliation vie professionnelle et familiale etc.

A partir de là, on pourra supprimer le financement public des syndicats qui seraient alors financés par les cotisations de leurs membres ! La Belgique l’a bien fait. Pourquoi pas nous ?

« Être la candidate anti-Le Pen »

Breizh-info.com :  Comprenez vous la lassitude des Français qui ne voient aucun renouvellement dans la classe politique ? Même dans votre cas, ne vous sentez vous pas comme une « ancienne » en politique , ayant fait partie de plusieurs gouvernements ?

Rama Yade :  Je ne suis pas nouvelle, simplement différente. Je viens d’avoir 40 ans. Je n’ai aucun mandat. Je suis sortie du système partisan. J’ai créé un mouvement indépendant et transpartis, la France qui ose, dans un double objectif : être la candidate anti-Le Pen que je veux empêcher d’être au second tour ; faire émerger de nouveaux talents pour les faire entrer dans les assemblées locales et nationales.

C’est la raison pour laquelle La France qui ose présentera 577 candidats aux législatives. L’originalité de notre mouvement sera de s’appuyer sur deux piliers : les mouvements citoyens et les territoires. C’est une révolution démocratique par le bas que je porte. Les maires ruraux y occuperont une place essentielle, en tant que porte-paroles de ma campagne présidentielle et en tant que candidats aux législatives.

Je veux qu’ils aient accès à BFMTV pour que la France entière sachent qu’ils apportent des solutions au quotidien. Ils sont une solution majeure pour contrer Le Pen.

Quelles sont, parmi les 250 propositions de votre programme, celles que vous voudrez absolument faire passer par ordonnance, immédiatement après les élections, comme vous l’avez évoqué (Jean-François Copé avait d’ailleurs la même idée) ?

Rama Yade : En effet, le pays ne peut plus attendre. Forte de ma légitimité de présidente élue, j’engagerais les impulsions nécessaires immédiatement : on arrête d’abord l’assassinat des mairies ; on durcit la loi anti-cumul, on réforme les syndicats et on crée un Ministère de l’instruction publique pour réhabiliter la transmission des savoirs fondamentaux à l’école.

« Les journalistes deviennent les commentateurs de leurs propres commentaires

Breizh-info.com : Pensez vous qu’il soit une bonne chose que la presse soit subventionnée en France ? A l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, quel regard portez vous sur les médias alternatifs dont certains ont une influence certaine sur la société française ?

Rama Yade : Heureusement qu’ils existent ! Avec les politiques, les média sont l’autre institution dont les Français se méfient le plus ! Et pour cause ! Les média nationaux appartiennent de plus en plus à des groupes financiers voire à des fonds de pension. C’est insupportable.

Le journalisme est plus noble que cela. Leur indépendance est sacrée en démocratie.

C’est la raison pour laquelle j’apporte régulièrement mon soutien aux rédactions qui se battent pour la liberté de la presse. Je rappelle qu’ayant été secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, j’ai placé la liberté de la presse au cœur de mes engagements !

Les médias ne survivent à présent, pour la plupart, que par la grâce d’investisseurs fortunés dont certains, plus motivés par l’influence et les jeux que par l’information, et qui font de leurs lecteurs, téléspectateurs ou auditeurs, des consommateurs captifs plus que des citoyens critiques et responsables.

Les journalistes sont rares, aujourd’hui, à pouvoir exercer leur métier avec les exigences professionnelle et déontologique voire même matérielles qu’ils devraient et souhaiteraient avoir.

Lorsqu’ils traitent de politique, les journalistes – peu aidés il est vrai par des politiques formatés par l’usure de l’habitude et de la facilité – passent l’essentiel de leur temps à parler entre eux : la petite phrase acerbe est commentée en boucle, relancée jusqu’à l’usure, quand les enjeux majeurs sont négligés. C’est le triomphe du café du commerce.

Les journalistes deviennent les commentateurs de leurs propres commentaires. Rares sont ceux qui se remettent en cause. Le conservatisme de l’information, son indigence lorsqu’elle s’adresse au plus grand nombre, contribue à scléroser la vie politique de ce pays avec, trop souvent, un spectacle d’apparence, de complaisance, de connivence dévastatrice.

Quelques émissions surnagent – pour combien de temps encore ?

Breizh-info.com : Allez vous tenir des meetings de campagne en Bretagne ?

Rama Yade : Naturellement ! En Bretagne, je me sens comme à la maison. Si j’étais née en France, j’aurais été honorée d’être Bretonne et fière de l’être. On a tout pour se comprendre et s’apprécier.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017 Dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

 

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7 réponses à “Carhaix. Rama Yade : « La Bretagne, un exemple à suivre pour le reste du pays» [interview]”

  1. Pschitt dit :

    Pitoyable petite personne ! Mme Yade est sortie de l’anonymat comme ministre-gadget de Nicolas Sarkozy (elle a dit quelque part que ce qui lui plaisait en lui était qu’il était favorable à la discrimination positive). Elle a vite lassé tout le monde et redégringolé les échelons jusqu’à n’être plus rien du tout. Elle a touché le fond et elle continue à creuser avec sa prétention à être candidate à la présidentielle sans soutiens et sans idées. Sa langue de bois a quelque chose d’infantile. Elle est en Bretagne ? Elle adore la Bretagne ! Elle était l’autre jour en Picardie. Elle adorait la Picardie ! Elle connaît forcément les communes rurales parce qu’elle est administratrice du Sénat (la connaissance infuse est remise aux administrateurs avec leur badge d’accès, sans doute).

  2. Alain dit :

    L’Afrique se développe selon Mme Yade, elle n’a pas tord même si beaucoup reste à faire avec comme condition première de laisser les peuples africains recomposer la carte des pays en fonction de leurs identités (c’est dire, réaliser une vraie décolonisation de l’Afrique en fonction du principe de l’auto-détermination des peuples).

    Mais en même temps cela pose le problème des migrants… Si l’Afrique va mieux, cela justifie encore moins la migration…!

    Le problème des Africains est finalement assez similaire ou problème des Bretons: Ils sont colonisés, soit politiquement soit dans leur tête, et nombreux d’entre eux ne perçoivent la valorisation d’eux-même que dans le départ vers l’autre monde prétendument idéal!

    Donc, que la situation économique en Afrique soit mauvaise ou bonne, c’est la perception d’eux-même qui pousse les migrants à partir…! Et tant que cette perception sera négative, ils partiront…! Qui plus est vers une Europe qui a perdu le respect pour elle-même, suite à 2 guerres mondiales et à une colonisation des autres, et qui pour compenser prétend fallacieusement vouloir accueillir toute la misère du monde (réelle ou imaginée)!

  3. Collectif Crec dit :

    Sur le plan migratoire….
    Idem la Suisse en déroute bientôt comme Londres…
    http://feedproxy.google.com/~r/drzz/Pxvu/~3/jTuYx8QFJE0/?utm_source=feedburner&utm_medium=email

  4. jzldebretagne dit :

    Elle n ‘ a pas… torT …et non… torD …qui lui est le verbe tordre ..pffff!!

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