19/01/2017 – 06H00 Belfast (Breizh-info.com) – Le Palais de Stormont, siège de l’assemblée nord irlandaise, à Belfast, est en crise. En effet, après la démission, lundi 9 janvier 2017, de Martin Mac Guiness, vice-Premier ministre du gouvernement nord-irlandais, les électeurs vont être appelés de nouveau aux urnes, le 2 mars prochain, dans toute l’Irlande du Nord.
Il s’agit d’une crise grave en Irlande du Nord, quelques mois seulement après les tensions nées du Brexit. Comme le veut la loi en Irlande du Nord, le Premier ministre Arlene Foster, issue du parti unioniste DUP a dû démissionner après que le Sinn Fein ait refusé de nommer un nouveau vice-Premier ministre . En effet, selon les règles qui régissent le partage du pouvoir entre communautés républicaines et unionistes depuis les accords de paix de 1998, la défection de l’une des parties entraîne la démission forcée de l’autre.
Le déclencheur de la démission ? Outre des raisons de santé invoquées par Martin Mac Guiness, la dénonciation de la mauvaise gestion par le DUP – et plus particulièrement par Mme Foster – d’un dossier sur les énergies renouvelables. Il aurait donné lieu à des abus qui se traduiraient par un manque à gagner de 400 millions de livres sterling (460 millions d’euros) pour le contribuable. Cette dernière a critiqué cette décision : « Ils ont forcé l’organisation d’une élection qui menace l’avenir et la stabilité de l’Irlande du Nord et qui ne convient à personne si ce n’est à eux-mêmes ».
Les tensions autour de la place accordée au gaélique en Irlande du Nord sont également au centre de la crise politique actuelle.
L’Assemblée ne sera pas officiellement dissoute avant le 26 janvier 2017. La dernière session aura lieu le 25 janvier 2017 et l’Assemblée conserve toutefois le pouvoir de conclure toute initiative qu’elle jugerait nécessaire.
Mais au delà de ce scandale financier lié aux énergies renouvelables, ce sont bien les spectres de la désunion entre loyalistes et républicains qui refont surface en Irlande du Nord, spectres alimentés par le Brexit. L’Irlande du Nord a en effet voté à 56 % en juin 2016 contre la sortie de l’Union Européenne, mais devra suivre son « Big Brother » anglais dans la sortie de l’Europe.
Avec la crainte pour les nationalistes irlandais d’une reconstitution (toutefois peu plausible) de la frontière entre les deux parties de l’Irlande, et d’un regain des tensions.
Que va-t-il se passer désormais, alors que les dernières élections datent seulement du mois de Mai 2016 ?
En mai dernier, le parti unioniste démocrate (DUP) avait récolté 29,2% des voix, et 38 sièges au Parlement, contre 24% et 28 sièges pour le Sinn Fein. Le Parti Unioniste d’Ulster avait récolté 16 sièges (12,6% des voix), les travaillistes 12 sièges, le parti de l’Alliance 8 sièges, les Verts 2, l’extrême gauche 2, les unionistes traditionnels 1, et les indépendants 1.
Lors des prochaines élections en mars, le nombre d’élus va passer de 108 à 90, en raison d’une volonté de réduire le coût de la vie politique. Les 18 circonscriptions de l’Irlande du Nord n’éliront donc plus 6 mais 5 députés chacune. Les députés sont élus au scrutin à vote unique transférable : dans chaque circonscription, les électeurs peuvent voter pour les candidats qui se présentent, en choisissant leur ordre de préférence. Les 5 candidats ayant recueillis le plus de préférences sont élus, ce qui permet d’éviter la « répartition proportionnelle » par les partis politiques, via un système de liste.
La grosse épine dans le pied pour le mois de mars réside dans le respect des accords dits du Vendredi Saint. En effet ces accords – qui ont abouti à la fin de la lutte armée entre factions nationalistes et loyalistes et de la guerre civile en Irlande du Nord – exigent que les unionistes et les républicains se partagent l’exécutif en fonction des résultats électoraux (il n y a pas d’opposition parlementaire au sein de l’Assemblée d’Irlande du Nord).
James Brokenshire, secrétaire d’Etat chargé de l’Irlande du Nord, a appelé les deux communautés à la raison en vue des élections à venir : « Personne ne devrait sous-estimer le défi qui est en jeu pour les institutions politiques d’Irlande du Nord. Bien qu’il soit inévitable que le débat pendant une période électorale soit intense, j’encourage vivement les partis politiques à conduire ces élections en vue de l’avenir de l’Irlande du Nord et à rétablir un gouvernement de partenariat le plus tôt possible après ce scrutin. C’est essentiel pour le bon fonctionnement du gouvernement autonome et cela signifie que tous doivent rester ouverts au dialogue.»
Si aucun arrangement n’était trouvé après les élections (les deux partis arrivés en tête des élections auront trois semaines pour trouver un accord après les élections), Londres pourrait reprendre la main sur la vie politique nord irlandaise, ce qui ne s’est pas vu depuis 2007.
Ces élections – qui risquent d’exaspérer les citoyens nord irlandais – pourraient également conduire à une percée significative de l’UKIP – parti qui a soutenu le Brexit et qui n’avait réalisé qu’ 1,5% des voix l’an passé.
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Belfast. Une virée dans les enclaves chargées d’histoire de la ville [photos]
Yann Vallerie
Photo : DR
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