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Trump. Une victoire à la Pyrrhus, mais une victoire tout de même

22/07/2016 – 18H00 Cleveland(Breizh-info.com) – Pendant les conventions républicaines et démocrates du mois de juillet 2016 aux Etats-Unis, Pierre Toullec vous présente chaque jour un résumé de la journée précédente, en exclusivité pour Breizh Info. En commençant donc par la convention républicaine.

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Jeudi 21 juillet – Une victoire à la Pyrrhus, mais une victoire tout de même

A l’exception de la bonne journée du mardi 19 juillet qui a permis de mettre à mal le mouvement #NeverTrump et permettre enfin à Donald Trump de remporter officiellement la nomination pour la présidence des Etats-Unis d’Amérique, les échecs à répétition de cette semaine faisaient craindre le pire.

Une quatrième journée qui a mal commencé

Dans les heures qui ont précédé la convention, les deux sujets de la veille, à savoir le refus de Ted Cruz de soutenir Donald Trump et le fait que ce dernier a affirmé ne pas vouloir forcément défendre les pays membres de l’OTAN, en particulier si la Russie est l’attaquant, restaient à la Une de tous les médias et étaient toujours le principal sujet de conversation, près de 24 heures après les faits.

En parallèle de cela, pour tenter de diminuer le nombre d’électeurs qui fuient le parti républicain pour rejoindre le Libertarian Party, Chris Christie a attaqué le sénateur Cruz en affirmant que d’aller voter pour un parti tiers était perdre son vote. Il a notamment nommé Gary Johnson et sa candidature . Une grave erreur de stratégie car les équipes de Donald Trump et du parti républicains se focalisent depuis des mois à ne pas mentionner cette candidature afin de ne pas lui donner d’importance et l’empêcher de monter dans les sondages.

Fort heureusement, au lancement de la dernière journée de la convention républicaine, le programme prévu était particulièrement bien préparé et a permis d’obtenir une journée de succès dans la droite ligne de la stratégie du milliardaire New Yorkais.

Les discours avant Donald Trump

L’une des choses qui manquent à Donald Trump depuis le début de sa campagne est l’absence d’une image plus « personnelle ». Les Américains ont pour habitude de voter pour une personne qu’ils ont l’impression de connaître. Il était dit en 2004 que les électeurs se sont tournés vers George W Bush car ils avaient l’impression de pouvoir se reconnaitre dans sa personnalité, son humour, utilisant l’image d’un homme avec lequel « on pouvait boire une bière autour d’un barbecue ».

Son adversaire en revanche, John Kerry, donnait une image élitiste qui a rebuté beaucoup d’électeurs qui avaient pourtant voté pour Al Gore en 2000.

Pari réussi pour Donald Trump. Sur les neuf orateurs précédents le discours du candidat, seuls deux d’entre eux étaient des élus : la députée Marsha Blackburn (Tennessee) et la gouverneure de l’Oklahoma Mary Fallin. Tous les autres étaient des proches du candidat de longue date, parlant de leurs liens avec l’homme (avec bien entendu sa fille Ivanka Trump).

Toute cette partie fut fondamentale pour humaniser un homme peu connu pour sa gentillesse ou son attention envers les autres. L’image d’un homme d’affaire froid et dominateur et représenté par sa phrase fétiche dans « The Apprentice »  : « Vous êtes viré » est l’une des raisons principales qui créent un mouvement de rejet du « Donald ».

L’ensemble de ces orateurs aura permis de réaliser ce qui était attendu depuis lundi : donner une image plus douce, plus attentive et plus humaine.

Les observateurs furent unanimes : cette première partie de la dernière journée de la convention fut un succès sans bavure.

Le discours de Donald Trump

Les commentateurs ont eu des avis extrêmement opposés suite au discours de Donald Trump. Très long (1h15), le candidat républicain a énuméré une longue liste de tout ce qui n’allait pas dans le pays à ses yeux, parlant d’une nation au bord du gouffre, économique dans un état lamentable, soumis à une violence quotidienne sans comparaison et plus menacée que jamais par les terroristes de l’intérieur, la menace extérieure d’ISIS et de la Chine et une immigration incontrôlée.

Ce type de rhétorique est particulièrement étrange aux Etats-Unis. Le commentateur politique de CNN Van Jones l’a qualifié de « discours le plus noir de l’histoire des Etats-Unis », allant jusqu’à comparer l’image donnée dans ce discours à une « Amérique à la Mad Max ». En effet, les candidats à l’élection présidentielle ont pour habitude d’utiliser ce discours regardé par le pays tout entier pour montrer une image positive d’eux-mêmes. Ronald Reagan, Bill Clinton, George W Bush, John McCain, Barack Obama et Mitt Romney ont chacun utilisé l’humour, une forte propension à l’autodérision, certes la description de ce qui ne va pas dans le pays mais en entrant dans le détail de leurs méthodes de gouvernement en proposant des politiques précises et en projetant un avenir radieux.

Donald Trump a choisi de faire l’inverse.

Le discours d’acceptation de la nomination de Mitt Romney en 2012 en français

Cela ne signifie pas que ce choix fut mauvais pour Donald Trump. Dans l’ensemble, il a conservé le même ton que durant la campagne de la primaire. Il évite ainsi l’écueil que beaucoup de candidats ont eu à subir dans les dizaines d’années précédentes : l’image d’un homme qui propose certaines solutions pendant la primaire de son parti puis modifie sa vision au moment de l’élection générale pour attirer de nouveaux électeurs. Le problème est qu’il est resté toujours aussi vague, utilisant beaucoup de slogans à l’exception de quelques propositions phares qu’il défend depuis le début de sa campagne : la construction d’un mur sur la frontière Mexicaine, la suppression de l’ALENA (œuvre des présidents républicains Ronald Reagan et George H W Bush) et la taxation des importations à hauteur de 35 à 45%.

Le lecteur Européen qui lit ces lignes doit trouver cette analyse étrange. En effet, ce type de discours est connu en Europe. De nombreux candidats, pas forcément d’extrême droite, tiennent ce type de langage. En Bretagne, c’est le cas d’Adsav, qui a un programme particulièrement similaire à celui de Donald Trump, mais aussi de Breizhistance.

En France, le Front National, le Parti de la France, le Front de Gauche et certains cadres de l’UMP tels que Nicolas Sarkozy, Christian Estrosi ou Eric Ciotti tiennent des discours remarquablement semblables, décrivant une nation à bout de souffle et marquée par la peur plutôt que de proposer une vision positive de l’avenir et d’utiliser l’autodérision. François Hollande lui-même a peint une image d’une France divisée particulière noire pendant la campagne de 2012. Au-delà de ces frontières, ce même type de discours se retrouve en Autriche avec le FPÖ, en Hongrie, en Pologne, en Italie ou encore en Espagne avec le mouvement d’extrême-gauche « Podemos ».

L’observateur Européen, en particulier venant des pays latins ou d’Europe de l’Est, ne trouvera pas le discours de Donald Trump tellement étonnant. En revanche, il brise les codes politiques appliqués dans les pays Anglo-Saxons. Dans une Amérique qui se sent perdue, à la recherche de nouveaux repères et vivant dans un sentiment de déclin, peut-être que Donald Trump a trouvé la formule pour attirer à lui les électeurs déçus de huit années de présidence Obama.

Le succès tant espéré enfin arrivé

Si l’on regarde la journée en entier, le discours dur de Donald Trump était finalement très bien préparé. En termes de communication politique, il a laissé sa famille et ses proches, notamment plusieurs de ses collaborateurs dans le monde économique, parler de lui en bien.

Il est ainsi passé à côté du piège dans lequel il était plusieurs fois tombé pendant la primaire, à savoir sa propension à se vanter de ses propres accomplissements. En laissant ce travail à ceux qui le connaissent le mieux et en se focalisant sur la politique qu’il veut mettre en place et sur l’image qu’il a de l’Amérique actuelle, il a pu se concentrer sur sa vision.

Certes les observateurs plutôt orientés à la gauche dure ainsi que les analystes les plus conservateurs et les plus libéraux (Libertarian en anglais) n’ont pas apprécié ce discours et l’ont violemment attaqué sur les réseaux sociaux et au cours des heures qui ont suivi. Mais Donald Trump n’a pas dévié de sa stratégie qui pour le moment lui a permis de remporter la victoire au sein du parti républicain, une chose qui semblait impossible il y a seulement un an (et je reconnais que je faisais partie de ceux-là et que je me suis trompé sur ses chances de l’emporter .

Au final, cette dernière journée de la convention républicaine fut un réel succès basé sur la stratégie de Donald Trump. Enfin cette convention s’est terminée sur une note positive.

Conclusions de la convention républicaine 2016 de Cleveland

Au final, comment juger l’ensemble de cette convention ? Entre l’absence de près d’une centaine de hauts responsables du parti républicain, le chaos de la journée du lundi 18 juillet, le refus de Ted Cruz, principal adversaire de Donald Trump, de soutenir le nominé et une conclusion de cette journée de quatre jours finie sans unité du parti et la volonté de nombreux cadres de soutenir Gary Johnson (du côté des républicains les plus conservateurs et libéraux) ou même Hillary Clinton (pour le cas des cadres néo-conservateurs) la convention républicaine de Cleveland fut une catastrophe.

Elle ne fut pas aussi grave que ce que beaucoup d’observateurs, moi y compris, craignions. La convention démocrate de 1968 était dans toutes les mémoires . Il reste que le chaos de ces quatre jours n’a pas eu lieu dans une convention républicaine depuis 1964. En 1976, certes le parti était divisé entre les pro-Gerald Ford et les pro-Ronald Reagan à un moment où les branches conservatrice et libérale commençaient à prendre le pouvoir sur le parti, mais même cette année-là, l’union était relativement solide pour faire barrage à Jimmy Carter, le candidat démocrate.

1964 fut une autre histoire. Richard Nixon, modéré mais populaire dans l’ensemble du parti, décida de ne pas se présenter à la primaire après avoir perdu en 1960 contre le président Kennedy. La primaire de 1964 fut pleine de rancœurs et d’attaques personnelles, notamment entre les deux favoris, Nelson Rockfeller, gouverneur de New York et leader de la frange progressiste du parti, contre Barry Goldwater, sénateur de l’Arizona et premier candidat réellement conservateur et libéral au sein du parti républicain à avoir une chance de remporter la primaire depuis les années 1910.

Finalement Goldwater a remporté la primaire avec 38,33% des voix et parvint à gagner la nomination du parti malgré l’équivalent d’un mouvement #NeverTrump contre sa candidature. La convention fut particulièrement tendue de manière très similaire à celle de 2016. Nombre de cadres et d’élus progressistes ont quitté la convention et ont rejoint les rangs du parti démocrate, donnant au président Johnson la plus large victoire d’un candidat démocrate à ce jour avec 61,1% des voix et le gain de quarante-quatre Etats sur cinquante. Seul Ronald Reagan et Richard Nixon sont depuis parvenus à battre ce score historique.

Les similarités entre les conventions de 1964 et de 2016 sont frappantes mais pas aussi profondes. La division idéologique l’est mais Donald Trump a pour lui un immense avantage : son principal adversaire est Hillary Clinton, une candidate aussi peu respectée et aussi peu populaire que Donald Trump. 55,9% des américains ont une mauvaise image de la candidate démocrate et seuls 38,2% ont une image positive d’elle . Ses résultats sont remarquablement proches de ceux de Donald Trump, qui obtient 59,1% d’opinions défavorables contre 34% d’opinions favorables .

Ainsi, malgré une convention particulièrement difficile pour le parti républicain et un grand nombre d’inconnues dans les mois à venir (notamment, quel sera l’impact de la candidature libérale de Gary Johnson ?), Donald Trump sort victorieux de ce qui aurait pu être une bérézina.

Désormais, les cartes sont entre les mains des démocrates qui, s’ils veulent avoir une chance de prendre l’avantage sur Donald Trump, doivent réussir leur convention nationale la semaine prochaine en Pennsylvanie.

La convention républicaine est terminée. Retrouvez l’analyse de la première journée de la convention démocrate le mardi 26 juillet en exclusivité pour Breizh Info !

Crédit photo : Wikipedia
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