Comment le FN s’implante aux marges de la Loire-Atlantique et autour de Saint-Nazaire

16/12/2015 – 05H30 Nantes (Breizh-info.com) – Entre les deux tours des régionales, le FN a gagné 27 873 électeurs en Bretagne historique, passant de 300,000 électeurs  à 329.519 très exactement, tout en reculant en pourcentage à cause d’une mobilisation plus grande des électeurs de droite et gauche. Ce gain a pour l’essentiel été fait en Bretagne administrative, le FN ne gagnant que 170 électeurs nouveaux en Loire-Atlantique. Cependant, cette quasi-stabilité cache une situation très contrastée qui laisse clairement apparaître deux clivages majeurs, entre les aires urbanisées et périurbaines du département d’un côté et les périphéries non intégrées de l’autre, mais aussi entre les agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire.

A l’échelle du département, le FN fait 15.61% et réunit 83 342 voix au second tour, contre 17.76% et 83 172 voix au premier. Il n’est en tête dans aucune commune. En revanche, dans 48 communes, le parti à la flamme fait entre 24.5% et 30%. Enfin dans six communes il dépasse les 30% : cinq situées nord-Loire dans les pays de Châteaubriant (3) et Guéméné (1), 1 au sud de la Loire près de Pornic. Il s’agit, dans l’ordre, de Juigné des Moutiers (40.12%), Soulvache (34.40%), Pierric (33,16%), Saint-Julien de Vouvantes (32.88%), Fercé (31.58%) et Bourgneuf-en-Retz (30.27%).

Le FN boudé par une bonne part de l’agglomération nantaise

A l’échelle du département, le FN obtient 15.61% des suffrages et réunit 83 342 voix au second tour, contre 17.76% et 83 172 voix au premier. Près de 16 communes ont accordé moins de 13.5% des voix au FN au second tour – elles sont toutes situées dans la périphérie de Nantes. Avant tout, c’est la commune de Nantes elle-même où le FN enregistre son pire score du département (8.94%), puis Basse-Goulaine (9.80%), Carquefou, Haute-Goulaine, La Chapelle sur Erdre, Rezé, Orvault, Sainte-Luce, Vertou, Treillières, Sautron, Saint-Sébastien, Thouaré et Bouaye. On y trouve aussi deux communes plus rurales : l’assez résidentielle Sucé-sur-Erdre (11.10%) et la commune de France dont le plus de surface est occupée par la vigne, Saint-Fiacre-sur-Maine (10,83%).

Dans toutes ces communes, le FN y a déjà réalisé des contre-performances au premier tour par rapport à sa moyenne départementale et est en retrait au second tour. Il perd ainsi 46 voix à Basse-Goulaine (434 voix au second tour), 91 à Carquefou (907), seulement 3 à Haute-Goulaine (357), 67 voix (983) à la Chapelle-sur-Erdre, 9 à Saint-Fiacre sur Maine (61), 807 à Nantes (8696), 72 à Rezé (1736), 109 voix à Vertou (1160), 112 à Sainte-Luce (684), 117 à Saint-Sébastien sur Loire (1238), 86 voix à Treillières (489), 27 à Sucé (385), 73 à Sautron (508) et 50 à Thouaré (442). Seul contre-exemple : Orvault où le FN gagne 8 voix entre les deux tours.

On remarquera cependant qu’il s’implante dans plusieurs communes de l’agglomération où il réalise des scores nettement meilleurs, voire supérieurs par endroits à ses moyennes départementales. Par exemple à Saint-Herblain, le FN fait 14.03% et 2282 voix dimanche 13 décembre, perdant là encore 99 voix entre les deux tours. Dans la commune de la Montagne longtemps très rouge à cause de la proximité de l’arsenal d’Indret il réalise 15.44%, gagnant 11 voix entre les deux tours. Même scénario dans la non moins rouge commune d’Indre, pour les mêmes raisons : 14.40% et 14 voix grappillées en une semaine. A Bouguenais le FN atteint même 18.20%, perdant 14 voix entre les deux tours. Plus loin, à Notre-Dame-des-Landes, le FN qui avait fait un carton – ainsi que les Verts – car il est comme eux opposé à l’aéroport, ne perd que trois électeurs (195 voix, 24 .5%).

Saint-Nazaire et son agglomération plus perméables au FN

A l’inverse de l’aire métropolitaine de Nantes et sa ceinture de communes périurbaines qui résiste au FN, la banlieue de Saint-Nazaire se laisse séduire par le bleu marine. A Saint-Nazaire même le FN confirme son implantation, avec 15.71% et 3771 voix ; il n’en perd que 67 entre les deux tours. A Trignac il en gagne même 32 (23.99% et 617 voix). La Baule, bastion de droite résiste : avec 16.64% le FN est en retrait de presque 3% et 67 voix sur le premier tour.

Le FN dépasse 24.5% dans des communes qui sont à la fois dans l’immédiate banlieue de Saint-Nazaire et plus éloignée : aux marges du territoire comme Saint-Molf (27.13%), dans la zone de transition entre Nantes et Saint-Nazaire comme Prinquiau (24.75%), le Temple de Bretagne (27.87%), Cordemais (25.02%), Bouée (27.85%), mais aussi dans les communes de Brière marquées par une forte population ouvrière comme Saint-Joachim (26.26%) où le candidat de droite Bruno Retailleau fait son pire score du département (21.59%) et Saint-Malo de Guersac (27.03%). Ainsi que dans les banlieues ouvrières qui jouxtent Saint-Nazaire : outre Trignac précitée – une commune qui n’avait été arrachée au Parti communiste qu’avec le soutien du FN à l’UMP David Pelon – il y a aussi Donges (26.70%) et Montoir-de-Bretagne (26.88%).

Pour le chef de file du FN sur Saint-Nazaire, Jean-Claude Blanchard, « notre ancrage se confirme, c’est un fait. Il y a une logique quant à nos résultats : ce sont toutes des communes où les communistes étaient très forts ». Le Parti communiste a dirigé Montoir-de-Bretagne jusqu’en 1995, Saint-Joachim et Saint-Malo de Guersac jusqu’en 2008 et Trignac jusqu’en 2014. « On récupère l’électorat communiste et ouvrier », analyse le frontiste, « car nous sommes les seuls à proposer des solutions sur les travailleurs détachés, l’arrêt de l’immigration etc. Nous on met en pratique le slogan  »Vivre et travailler au pays » et ça plaît aux Briérons qui veulent rester maîtres chez eux ».

Le FN s’implante dans le pays de la Mée et le Pays de Retz, dans la Loire-Atlantique périphérique

Outre les différences entres les agglomérations de Nantes et Saint-Nazaire, le vote FN met en lumière aussi les clivages entre Nantes et ses ceintures urbaines – cette Loire-Atlantique intégrée et riche à qui la ville profite – et les marges du département au nord, à l’est et au sud-ouest. Une sorte de France périphérique à l’échelle locale, qui recouvre les zones historiques du pays de Retz et surtout du pays de la Mée, entre Redon, Châteaubriant et Ancenis.

Dans neuf communes du Pays de Retz, le FN dépasse les 24.5% et même la barre des 30% à Bourgneuf-en-Retz où il gagne 27 électeurs en une semaine (425 au soir du second tour). Outre cette localité, il y a la Plaine sur Mer (27.48%), Chauvé (29.58%, 8e meilleur résultat du FN dans le département), Arthon-en-Retz, Fresnay-en-Retz, Saint-Etienne de Mer-Morte (28.69%), La Marne (27.16%) avec près de 52% d’abstention, la plus haute du département, Sainte-Lumine de Coutais et Vue (25.04%). Dans cette dernière commune qui avait placé le FN en tête au premier tour, le parti est maintenant troisième mais gagne 22 voix en une semaine.

Pour l’essentiel, ce sont des communes qui sont aux marges du Pays de Retz, puisque le FN ne perce pas dans la métropole de Nantes, et ne brille pas beaucoup sur la côte à l’exception de la Plaine sur Mer : il fait 17.03% à Pornic, 18.10% à Saint-Brévin, 23.02% tout de même à Saint-Michel-Chef-Chef, 20,46% à la Bernerie et 20,87% aux Moutiers. En revanche, parmi les bastions attendus du FN – puisque le parti y a deux conseillers municipaux d’opposition dont l’ancienne secrétaire départementale (théorique) Marguerite Lussaud – on ne trouve pas Paimboeuf. Pourtant la commune est plus pauvre, plus marquée à gauche et plus ouvrière que ses voisines, pour des raisons historiques évidentes – ce fut la seule commune restée fidèle à la République dans un pays de Retz dominé par la chouannerie, puis elle abrita l’usine Kuhlmann (Octel) qui fabriquait le plomb pour l’essence et des chantiers navals. Mais aussi car frappée rudement par le déclin suite à la fermeture quasi-simultanée des chantiers et de l’usine Kuhlmann, elle compte plus de friches et les prix immobiliers y sont restés très modérés. Le FN réalise 20,20%, avec 201 voix au second tour, quatre de moins qu’au premier. La faute en revient peut-être au manque d’implication de Mme Lussaud, selon ce militant frontiste : « elle n’a rien fichu dans son secteur. Les affiches n’étaient même pas collées partout ». Cependant, elle fait partie des conseillers régionaux élus.

Dans le pays historique de la Mée, de Redon à Ancenis en passant par l’ex-pays minier de Châteaubriant, le FN dépasse 30% dans cinq communes (voir ci-dessus) et 24.5% dans 29 communes. A savoir Belligné, Conquereuil, Bonnoeuvre, Grand-Auverné, Issé, la Chapelle saint Sauveur, Louisfert, la Rouxière (29.75%, septième meilleur résultat du parti dans le 44), le Pin, Montrelais, Rougé, Massérac, Mouais, Ruffigné, Petit-Auverné, Maumusson, Saint-Herblon, Mésanger, Saint-Aubin des Châteaux, Noyal-sur-Brutz, Saint-Vincent des Landes, Sévérac, Sion-les-Mines, Soudan, Treffieux, Saint-Sulpice des Landes (à ne pas confondre avec celui d’Ille-et-Vilaine), Trans-sur-Erdre, Saint-Mars la Jaille (28.94%) et Vritz. Ce sont des communes peu importantes, de 349 habitants (Juigné des Moutiers) à 1000 habitants pour la plupart. Mais il y a aussi des communes plus importantes en population, comme Issé (1837 habitants) Soudan (2000), Rougé (2240) ou encore Saint-Mars la Jaille (2437). Dans nombre de ces communes, le FN est stable entre les deux tours, voire gagne des électeurs.

Dans le Pays de la Mée, huit communes avaient placé le FN en tête au premier tour. A Avessac, le parti gagne 21 voix en une semaine et perd 2% (23,22% au second tour, hors carte). A Bonnoeuvre il en perd neuf et 5,5 % (31,87% et 81 voix au premier tour). A Louisfert il en perd neuf aussi en une semaine (115 voix et 27.32% au soir du second tour). A Pouillé-les-Coteaux le FN cède 13 voix et 8% (96 voix et 24.30% le 13 décembre). A Sion-les-Mines le recul de 2% cache en réalité le gain de 16 voix (25.15% et 167 voix au second tour). A Treffieux le FN perd 3% mais seulement une voix en réalité (26.55% pour 73 voix au second tour).

A Juigné des Moutiers le FN cède 3% mais garde exactement le même nombre de voix (67 et 40.12% au second tour) avec une abstention en baisse de 8%. Dans cette commune qui détient le record des voix FN dans le département aux deux tours, l’écart avec les autres partis était particulièrement marqué le 6 décembre : avec 40% d’abstention pour 265 inscrits, l’UMP-LR qui venait juste derrière le FN avait 15% et 23 voix de retard. L’écart s’est resserré au second tour : le candidat de droite, qui vire en tête dans la commune, n’a que 3 voix et presque 2% d’écart. A Pierric, près de Guéméné-Penfao, le FN perd 4,5% mais gagne sept voix (33,16% et 120 voix au second tour) bien que l’absention recule de 9%. Là encore, l’écart était très marqué entre le FN et l’UMP-LR arrivé en second au premier tour : 13% et 42 voix pour 696 inscrits et 52% d’abstention.

A l’exception de Sévérac, un peu isolée puisqu’elle est entre Redon et Pontchâteau, toutes les autres communes s’étendent dans un grand arc de Guéméné-Penfao à Ancenis via Châteaubriant, sur les marges du département. Par ailleurs ces anciens pays miniers ont développé une forte industrialisation rurale qui souffre – ainsi à Châteaubriant, ville encore dominée par l’industrie de transformation (abattoirs Castel Viandes) et surtout l’industrie lourde qui souffre. La fonderie (FMGC) a survécu mais a une histoire récente très tourmentée, et l’atelier de réparation ferroviaire, le dernier de Bretagne, a fini par fermer après un feuilleton judiciaire interminable. Les mines fermées, l’activité dominante de ces marges rurales reste l’agriculture.

Sans établissement scolaire d’excellence, manquant de service publics et trop éloignées de Nantes ou Rennes pour espérer attirer les familles qui recherchent de la place et des prix modérés, elles sont plus que le reste de la Loire-Atlantique soumises au vieillissement, au départ des jeunes pour étudier et travailler, à la désertification économique et médicale. « Nous sommes toujours sous le radar », note un habitant du Castelbriantais. « En toutes ces années, le seul grand investissement qui a été faite pour nous, c’est le tram-train Nantes-Châteaubriant. C’est bien, c’est très bien même, mais ce n’est pas assez. Tous les efforts d’investissement vont à la métropole Nantes – Saint-Nazaire. On ne fait attention à nous qu’aux élections, lorsque le FN a battu un nouveau record chez nous ». Il propose une solution : « plutôt que de nous donner des leçons de morale, nous dire que le FN c’est pas bien etc. si on veut vraiment lutter contre l’emprise du FN l’urgence, c’est de nous reconnecter au reste du département ».

Louis-Benoit Greffe

Photo : DR
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3 réponses à “Comment le FN s’implante aux marges de la Loire-Atlantique et autour de Saint-Nazaire”

  1. Cadoudal dit :

    Les partis sont la ruine de la France.

  2. Didier VERNET dit :

    Article intéressant et détaillé. Deux corrections cependant.

    Entre les deux tours, le FN a perdu à La Baule 53 voix et non 67 (comme indiqué dans l’article au moment de ce commentaire), ce qui est relativement peu par rapport à la tentation assez forte du « vote utile » (LR) dans la région.

    D’autre part, même si je comprends les sympathies de l’auteur de l’article, présenter Marguerite Lussaud comme une secrétaire départementale « théorique » du FN44, de surcroît avide de mondanités, est erroné. Marguerite Lussaud, militante du FN44 depuis une trentaine d’années, a été, au contraire, une secrétaire départementale « pratique », préférant fédérer les forces militantes sur le terrain et lutter contre les divisions intestines plutôt que de se mettre en avant dans les médias. Nous en connaissons suffisamment qui font l’inverse !

    Quant à être déçu par le résultat de 20,20% à Paimboeuf, fief de Marguerite Lussaud, alors que celui du département est de 15,6%…

    Didier VERNET, Conseiller municipal de La Baule.

    • jaouen dit :

      Paimboeuf est dans la même situation sociale que le Haut-Castelbriantais. Les scores du FN devraient en toute logique y être similaires.

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