Marc Le Fur (LR) : « j’ai refusé toute intervention parisienne » [interview]

25/11/2015 – 06H30 Loudéac (Breizh-info.com) – Suite de nos entretiens à l’occasion des élections régionales qui approchent, avec aujourd’hui Marc Le Fur, tête de liste de la droite et du centre.  Les Bretons reçoivent actuellement un tract de plusieurs pages dans leur boîte aux lettres, présentant sur le plan départemental et régional le programme de Marc Le Fur. Une singularité de proximité avec la population, que les autres candidats – sans doute aussi faute de moyens – n’ont pas mis en place.

Multipliant les réunions publiques dans toute la Bretagne , réunions qui, toutes étiquettes confondues,  séduisent globalement de moins en moins de personnes, hormis retraités et militants, Marc Le Fur a pris le temps de s’entretenir avec nous sur les fondamentaux de son engagement pour la Bretagne.

Breizh-info.com : Pouvez-vous présenter votre liste ainsi que les grands axes de votre campagne. Comment est-elle perçue sur le terrain ?

Marc Le Fur : La liste que je mène est une liste d’union qui regroupe à la fois, des Républicains bretons, des UDI bretons, des Modem bretons, des divers-droite bretons et des régionalistes bretons. Cette liste a été construite en Bretagne et pour la Bretagne. J’ai refusé toute intervention parisienne. Si je me bats pour que les centres de décision économiques demeurent et se développent en Bretagne, ce n’est pas pour délocaliser les centres de décision politiques à Paris. L’alliance avec les régionalistes est une nouveauté dans ma famille politique et je crois que c’est une très bonne chose.

Je fais une véritable campagne de terrain, toutes les semaines, depuis le mois de mars. J’applique la méthode qui est la mienne comme député : rencontrer, échanger, rentrer dans le détail et le concret des choses, souvent loin des caméras, pour mieux comprendre et mieux décider.

Breizh-info.com : Les sondages donnent à nouveau Jean-Yves le Drian vainqueur. Quel bilan tirez-vous de la majorité régionale ? Comment espérez-vous renverser la balance ?

Marc Le Fur : Je ne tiens pas compte des sondages. Je me fie à ce que les Bretons me disent. Ils me disent que la Bretagne a décroché et que l’équipe élue avec Jean-Yves Le Drian en 2010 ne veut pas le reconnaître. L’agriculture, l’agro-alimentaire, l’automobile et le bâtiment vivent une crise sans précédent. La Bretagne occidentale décroche démographiquement, même la métropole brestoise, car la majorité sortante la délaissée.

Pour renverser la vapeur il ne faut pas être dans le déni ou admettre une sorte de fatalité. Au contraire, il faut avoir le courage de faire le bilan réel de la situation et se retrousser les manches. Il faut donner toutes leurs chances aux Bretons qui ont des projets, qu’ils soient économiques, culturels, sociaux, sportifs, territoriaux, alors qu’on fait tout pour les décourager à coups de contraintes administratives, réglementaires et fiscales.

Breizh-info.com : La direction de l’UDI s’est dissociée de votre liste. Une réaction ? Pourquoi tenir absolument au rassemblement de la droite et du centre, avec des personnalités qui ont pourtant de profondes divergences, notamment sur les questions sociétales ?

Marc Le Fur : Je veux avant tout rassembler les Bretonnes et les Bretons. Qu’importe leur étiquette, pourvu qu’ils aient la Bretagne au cœur et la volonté politique de privilégier d’abord les intérêts de la Bretagne. Les socialistes ont voulu nous faire croire qu’ils privilégiaient la Bretagne et ont trahi le projet de réunification. C’est l’inverse que je veux. Bretagne d’abord.

J’assume toutes mes convictions comme je l’ai toujours fait. Parmi celles-ci figure la conviction qu’on ne fait pas de la politique seul mais que c’est un travail d’équipe avec des personnalités différentes qui apportent au groupe.

J’ai aussi le soutien des trois parlementaires bretons de l’UDI, le Député Thierry Benoit, et les sénateurs Michel Canevet et Françoise Gatel. Par ailleurs le député au Parlement européen de notre secteur, Jean Arthuis, me soutient ainsi que l’ancien ministre, maire de Vitré, Pierre Méhaignerie. C’est beaucoup plus important que les instances parisiennes.

Breizh-info.com : La question des « réfugiés» a été au cœur de l’actualité en Bretagne ces dernières semaines. Les élus de droite ou du centre (Ploërmel, Quimper, Dinan, Fougères …) n’ont-ils pas cédé à la pression de la gauche en proposant d’accueillir ces nouvelles populations ? La droite ne risque pas de se déconnecter totalement d’une grosse partie de la population, opposée à cette immigration sans consultation ? Les directives de l’Etat qui souhaitent étaler l’immigration sans consultation ne sont-elles pas un retour au centralisme ?

Marc Le Fur : Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, je préfère faire confiance aux décideurs locaux qui savent s’ils sont en mesure d’accueillir des réfugiés. Certains jugent qu’ils le peuvent, d’autres considèrent qu’ils ont fait leur part du travail. C’est une position qui est à l’inverse du centralisme.

Je crois en revanche que le rôle du pouvoir central est de garantir que les réfugiés que nous accueillons sont réellement réfugiés et non pas migrants économiques. Je crois par ailleurs qu’il doit garantir que les réfugiés accueillis ne sont pas infiltrés par des terroristes comme nous l’ont malheureusement démontré les attentats de Paris.

Je crois enfin que le nombre de réfugiés que nous pouvons accueillir doit être limité afin d’être en mesure de ne pas créer de nouveaux « Calais ». Ce n’est malheureusement pas la direction que prend le gouvernement en gérant dans l’urgence la répartition des migrants de Calais.

Breizh-info.com : Si vous êtes élus à la tête du conseil régional de Bretagne, quelles seront vos premières mesures ? Qu’allez-vous faire par rapport au dossier Notre-Dame-des-Landes ? La LGV ?

Marc Le Fur : Les premières mesures iront vers l’emploi et notamment l’emploi des jeunes. Nous voulons mettre le paquet pour relancer l’apprentissage. Pour cela, nous faciliteront la mobilité des jeunes en alternance en finançant une partie du coût de leur permis de conduire (300 euros par permis de conduire).

Parmi ces premières mesures figurera aussi la mise en place d’un prêt à taux zéro en faveur de ceux qui accèderont pour la première fois à la propriété de leur logement. C’est une mesure importante pour les familles mais également pour le secteur du bâtiment qui vit une crise sans précédent.

Quant aux infrastructures de transport comme la Ligne LGV et l’aéroport Notre-Dame des Landes, il faut que Paris apprenne à nous respecter. Nous sommes loin du centre de l’Europe, ces infrastructures sont donc indispensables en Bretagne si nous ne voulons pas être uniquement la banlieue de Paris mais une région qui compte en Europe au même titre que la Catalogne ou la Bavière. Mais attention, ces infrastructures doivent servir à l’ensemble de la Bretagne, Bretagne occidentale comprise.

Breizh-info.com : Votre collègue des Pays de la Loire, Bruno Retailleau, assume pleinement son personnage d’homme de droite « dure ». Où est passé le Marc Le Fur proche de la Droite populaire et de la Manif pour tous ? N’est-ce pas une erreur politique de mener une grosse partie de la campagne électorale sur le thème de l’économie bretonne ?

Marc Le Fur : Je ne sais pas ce que veut dire la droite « dure ». Je ne connais que la droite de conviction. Ma conviction, c’est que la politique doit servir la vie concrète des gens. Si j’aborde les questions économiques, c’est qu’elles sont cruciales pour la vie des familles, et que la famille demeure la cellule de base de la société. Connaissez-vous des familles qui vivent bien sans travail, sans logement et sans sécurité ? Moi, non. C’est pourquoi je veux que les 25 000 offres d’emploi non pourvues en Bretagne le soient grâce à une politique de formation réellement adaptée aux besoins des entreprises. C’est pourquoi je veux que les familles puissent devenir propriétaires de leur logement. Je suis un homme du concret. Permettre l’accès aux transports, au numérique, à l’apprentissage, à l’internat pour mieux étudier, c’est travailler concrètement pour les familles bretonnes.

Breizh-info.com : Comment percevez-vous la montée, en France et en Bretagne, d’un vote Front national de moins en moins contestataire et de plus en plus d’adhésion. Ne va-t-on pas vers une large recomposition dans les prochains mois de la scène politique ?

Breizh-info.com : La recomposition du paysage politique n’est pas ce qui intéresse les Bretonnes et les Bretons. Ils s’intéressent plus aux actes qu’aux paroles et c’est une bonne chose. Dans cette période qui suit les attentats du 13 novembre à Paris, les Bretons, comme tous les Français, demandent avant tout de la sécurité. J’ai voté le prolongement de l’Etat d’urgence jusqu’en février, mais je souhaite que cet Etat d’urgence s’applique également chez nous.

Je pense notamment à cet imam qui dans le quartier de Pontanezen, à Brest, prêche la charia à des jeunes qui pourraient être tentés par le djihad. Dans ce domaine régalien, l’Etat doit prendre ses responsabilités. Et s’il n’arrive pas à tout faire, qu’il se concentre sur le bon fonctionnement de la justice et de la sécurité intérieure et qu’il nous laisse faire ce que nous pouvons mieux faire que lui en Bretagne.

Photo : DR
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