De quoi s’agit-il ? Mais de «frappes» aériennes bien françaises, bien à nous ! Voilà François Hollande qui entend « frapper » tout seul, comme un grand, en Syrie, sans consulter personne, au risque de perdre ce qui lui reste de dignité et de crédibilité (1). L’ennui, c’est qu’il représente la France, enfin pour l’instant, à 22 % dans les sondages (il devrait offrir un cierge au général de Gaulle qui lui a légué des institutions qui tiennent toutes seules debout même quand il n’y a plus personne dedans). Ces fameuses frappes vont vraisemblablement disperser quelques crottes de chameau éparpillées dans un désert immense, comme le disait naguère plaisamment Georges Bush à propos des frappes américaines de Clinton contre les Talibans. Ceci étant, la niaiserie chronique des leaders occidentaux, France en tête, devant la gravité et la complexité de la crise en Syrie, a quelque chose d’exemplaire. lls n’ont toujours rien compris au film et n’y comprendront jamais rien.
Le problème est pourtant simple. Il oppose Bashar El Assad, un fameux coquin, il est vrai, un tyran sans scrupules, mais qui tient bien en main sa minorité alaouite, (au surplus très régulièrement élu à la dernière consultation) (2), à un conglomérat confus d’opposants où le sinistre Daech (ou El ou le Caliphat, car la bête a plusieurs visages) tient la rampe. Et c’est à ces gens- là que notre président bien aimé -qui prend sans doute ses informations dans les entrailles d’un poulet comme les anciens Romains (3) – voudrait remettre les clefs du royaume (de la Syrie) : « Plus bête que moi tu meurs ». Ou alors à quelque homme de paille soigneusement choisi pour sa nullité et sa totale incapacité à gouverner comme nos amis américains ont déjà su le faire à deux reprises, en Irak et en Afghanistan.
C’est exactement la copie conforme de la brillante démonstration mise en œuvre il n’y a pas si longtemps par l’illustrissime Nicolas Sarkozy, son compère en balourdises. Rappelons-nous. Conseillé par le fameux BHL (4), notre Nicolas national avait renversé, et très vraisemblablement, fait assassiner le malheureux Kadhafi (5). Résultat : la Lybie « libérée » de l’affreux tyran, qui avait séquestré d’innocentes infirmières bulgares (mais que diable allaient-elles faire dans ce pays perdu ?) baigne aujourd’hui dans un chaos complet où néanmoins Al Quaïda, toujours lui, mène la danse. Bravo l’artiste.
Qu’on se le dise une fois pour toutes. Chaque fois que les Américains et la France (car les Anglais et les Allemands, pas fous, se tiennent désormais à carreau) ont la fantaisie, au nom de l’humanité et des bons sentiments, de se mêler des affaires du Moyen-Orient (ou ailleurs), il en résulte inévitablement une catastrophe supplémentaire. Ce scénario s’est déroulé 36 fois sous nos yeux. Ou ses troupes.
On a vu ça en Afghanistan (mais il y avait eu quand même le terrible attentat du 11 septembre contre les Twin Towers), avec une longue guerre, terriblement coûteuse en vies humaines et en dollars ; on l’a vu en Libye (où la France n’avait rigoureusement rien à « cirer » sauf à contenter l’ « ego » du président Sarkozy et de BHL) ; et on risque de le voir en Syrie si François-la-Gaffe arrivait à imposer ses vues (peu probablement fort heureusement).
Car notre grand stratège a fini par se rendre compte que, Daech après tout, était bien l’ennemi principal qu’il fallait combattre et éliminer. Mais le « brave général » Hollande veut absolument, au préalable, chasser du pouvoir l’abominable Bashar devenu, on ne sait trop pourquoi, son ennemi héréditaire. Et pour mettre qui à sa place ? Quelque homme de paille tiré de la diaspora émigrée, comme nos amis américains l’ont fait tant de fois et -avec quel succès !- en Afghanistan ?! et en Irak ?! Mais, manque de chance, les Américains, bien que parfois lents, ont fini quand même par comprendre eux aussi, et ne sont plus tellement d’accord. Et que faire sans nos amis américains ?
Pire encore, voilà que les Russes, pourtant nos amis de toujours (6), se mettent de la partie. Ils viennent d’exécuter une brillante manœuvre au nez et à la barbe du pauvre François, qui en est resté tout pantois ? (et bien silencieux ces jours -ci). Anticipant les mauvaises intentions franco américaines, Vladimir Poutine a débarqué, en force et par surprise, en Syrie, sur mer et sur terre, tout en occupant l’espace aérien, sous le pieux prétexte de combattre Daech. Mais personne ne s’y trompe. Il s’agit surtout de protéger leur ami Bashar et les installations portuaires russes. Résultat : le ciel et la terre de la Syrie sont à l’abri de toute incursion occidentale malvenue. Voilà la Syrie sanctuarisée aux occidentaux et notamment aux va-t-en-guerre français. Sinon, c’est l’incident diplomatico-militaire garanti. Et cela, personne n’en veut.
Car les Américains à la veille d’une élection présidentielle difficile n’ont nullement envie d’aller se frotter aux Russes et se lancer dans une nouvelle guerre au sol en Syrie, pays dont ils se moquent d’ailleurs éperdument. Quant à notre François national, il est hors de question d’aller jouer les matamores tout seul face aux moujiks russes. Car ce serait risquer une déculottée garantie. Et au grand jour au surplus. Outre le fait que la Russie, toujours prévenante, vient de donner la preuve qu’elle détient des missiles de type Tomahawks fort efficaces capables de frapper à très longue distance. (Tiens, tiens, on nous avait caché ce petit détail. Cela donne à réfléchir).
Mais l’affaire se complique avec les inquiétudes de la Turquie devant les incursions russes sur son territoire aérien. La Turquie, laquelle, il n’y a pas si longtemps, regardait avec détachement, sinon une certaine complaisance, les boucheries de Daech à ses portes, sans pour autant s’en émouvoir outre mesure, solidarité musulmane oblige, sans doute, appelle maintenant l’OTAN à l’aide. Du coup, l’organisation de l’Atlantique Nord fronce les sourcils et montre les dents. Il ne s’agit pas de s’en prendre à un de ses membres : article 5 du Traité oblige. Sinon gare. Heureusement pour les Russes que les forces de l’OTAN, à force de restrictions budgétaires pour payer les dépenses sociales, ne représentent plus grand-chose (7), sauf aux Etats-Unis qui eux, n’ont pas baissé la garde. Mais les capacités européennes, à elles seules, seraient tout juste bonnes à monter une modeste opération de police, sous protection américaine, bien entendu. Pas de quoi faire frémir Wladimir Poutine.
La leçon, mais ce n’est pas la première fois, de ce dernier épisode est limpide. En matière de sécurité et de géopolitique, Il ne faut pas être trop regardant sur le choix des moyens. Les nobles sentiments, c’est bon pour les belles consciences, en France, pour la consommation intérieure. Ce n’est pas un produit à l’exportation. D’ailleurs, en ce domaine, le choix se ramène malheureusement le plus souvent entre deux solutions également fâcheuses. Il faut choisir « la moins pire », ce qui n’est pas toujours possible.
Un certain nombre de régions dans le monde, et au Moyen Orient en particulier, (comme toujours) sont le théâtre de conflits inextricables et confus où il est bien difficile de distinguer les amis des ennemis (8). Il faut donc absolument se garder d’intervenir pour renverser de dictateurs locaux qui emploient sans doute des moyens parfois regrettables, que notre morale réprouve, pour tenir en main leurs populations le plus souvent travaillées par des courants extrémistes violents et contradictoires. Ce sont des barrages, ou des digues, qui contiennent, tant bien que mal, la poussée des eaux. Qu’on les fasse sauter, et les flots déchainés se répandent partout.
Nos idéaux de démocratie paisible ne sont pas applicables en dehors de nos frontières. Le régime républicain parlementaire n’y a pas cours. C’est comme cela. Il faut s’y faire. Nous n’avons pas été mandatés pour être les gendarmes du monde ni les gardiens de la morale internationale. Tout au moins aussi longtemps que notre sécurité et nos intérêts fondamentaux ne sont pas menacés. Car alors, c’est une toute autre histoire. Ce n’est nullement le cas en Syrie où Bashar, aussi peu sympathique qu’il soit, ne nous cause aucun souci. Laissons-le donc tranquille (9).
En d’autres termes, et pour conclure, c’est une petite dose de cynisme géopolitique qu’il importe de s’administrer de temps à autre. Sinon, nous risquons fort d’épuiser nos forces et de nous trouver sans ressort le jour où il faudra vraiment prendre le risque de réagir. L’histoire n’est pas faite pour les tendres, ni les faibles, ni pour les belles consciences.
Yves-Marie Laulan
1) Heureusement pour lui que l’opinion publique française ne se soucie gère de la politique étrangère de la France et encore moins des « foucades » du président de la République.
2) Il a été élu par referendum présidentiel une première fois le 10 juillet 2000 et reconduit dans ses fonctions le 27 mai 2007. François Hollande ne peut certes pas en dire autant.
3) Pour être honnête, il s’agissait surtout des haruspices, des devins. D’où le proverbe latin que nous avons tous ânonné dans notre enfance ; « Haruspex haruspicem cum videt, ridet » : un haruspice ne pouvait pas en voir un autre sans rire.
4) Lequel, avide de gloriole, n’avait pas hésité se faire filmer ,dressé, tel un général vainqueur, sur le châssis d’un half-track loué pour l’occasion. Heureusement pour lui que le ridicule ne tue pas en France.
5) Ce malheureux, dit-on, en savait trop sur certains financements de campagne….
6) Surtout depuis que la France a manqué à sa parole à propos des fameux Mistrals.
7) Le budget de la défense tourne autour de 1 % du PNB, une misère contre 4% aux Etats-Unis.
8) De Gaulle n’écrivait-il pas dans ses Mémoires « Je m’envolais vers l’Orient compliqué avec des idées simples ». Il nous montre la voie à suivre, celle du bon sens.
9) J’avais déjà écrit cela dans mon blog voici trois ans. Hélas, personne ne me lit ni ne m’écoute. Pas même le ministre des Affaires étrangères. Et pourtant.
Photo : Arnaud Gaillard/Wikimedia (cc)
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3 réponses à “François Hollande a encore frappé !”
Je cite « les Russes, pourtant nos amis de toujours », quelle blague, dites cela à Napoléon, et faut-il rappeler que la Russie a soumis l’est de l’Europe pendant quasiment 50 ans à l’abominable régime soviétique après leur victoire en 45 avec leur alliés US. Si vous aimez tant la Russie (pays devenu ultralibéral où la GPA est légale etc), allez y vivre et foutez nous la paix, idem avec les US; il y a des sujets plus importants comme l’invasion migratoire que subit l’Europe et qu’il va falloir combattre très très concrètement.
Ce ne sont pas les Soviétiques qui ont soumis l’Europe de l’Est, ça, c’est la version du camp du soi-disant bien et sa désinformation. En fait, ce sont les pourritures, qui sont nos héros, comme Churchill, Roosevelt and Co qui ont donné, livré même l’Europe de l’Est à Staline à Yalta!
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