Suite à l’émission présentée par Laurent Ruquier « On est pas couché » , du samedi 2 octobre dernier, dans laquelle ce dernier recevait notamment le philosophe Alain Finkelkraut, Erwan Pennarun, Breton expatrié en Suisse, nous adresse une tribune libre que nous publions bien volontiers, écrite en réaction à un micro-trottoir sur la guerre en Syrie et Daech.
Cher Laurent Ruquier,
Samedi soir, j’ai regardé le début de votre émission « On n’est pas couché ».
Dans votre rubrique « Flop 10 », figurait un micro-trottoir dans lequel un journal français relatait les réponses de 4 personnes à une question « Faut-il renouer avec Bachar-Al-Assad pour combattre Daesch? ». Vous vous êtes insurgé contre ce procédé consistant à demander leur avis, sur des sujets majeurs, à des gens « lambdas ». Vous avez argumenté en disant qu’il fallait laisser ces réponses aux experts en géopolitique et que de toute façon il y avait des réunions entre Hollande, Poutine et Obama sur cette question.
Auriez-vous oublié la définition du mot démocratie? Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple? Vous estimez que les voix de nos dirigeants valent plus que celles de simples citoyens? Ne trouvez-vous pas qu’au contraire les décisions prises par nos dirigeants ne sont pas guidées par des experts, mais par des raisons bien moins avouables?
Ces décisions de politique étrangère ne sont-elles pas plutôt prises par intérêt personnel et financier? Cote de popularité, relations commerciales avec d’autres pays, ouverture de marchés, etc. Un citoyen est plus objectif qu’un homme politique. Les experts ont leur avis à donner, mais dans ce cas il faut leur laisser à tous la parole, et non pas seulement à ceux qui plaisent à ceux qui sont au pouvoir.
Avec votre attitude et vos propos tenus devant 1.6 millions de téléspecteurs, vous trahissez le concept même de la démocratie. Vous faites partie des 1% qui détiennent le pouvoir (décisionnel ou médiatique), en total décalage avec les 99% de la population.
Possédant la double-nationalité franco-suisse, j’ai le droit de vote dans ces deux pays. Seulement ce droit je ne l’exerce réellement qu’en Suisse. Savez-vous que depuis 2000 par exemple, c’est à dire en 15 ans, un citoyen suisse a voté au niveau cantonal et fédéral sur des sujets divers et variés, et même complexes parfois, plus de 150 fois ?
Hausse de la TVA, armée, salaire minimum, résidences secondaires, nombre de semaines de congés, financement de l’assurance invalidité, etc. Durant cette même période, un électeur français a été « invité » à se prononcer une seule fois sur un sujet important. Vous vous en souvenez, c’était en 2005 sur la constitution européenne?
Et dois-je vous rappeler l’issue du scrutin et la réalité quelques années plus tard? A savoir un NON à 55% et une nouvelle constitution entrée en force en 2008 dans le dos du peuple.
Votre devoir de journaliste ne serait-il pas de mettre l’accent sur cette parodie de démocratie à la française ? Au lieu de cela vous faites passer les gens, dont vos téléspectateurs qui vous font vivre, pour des ignorants dont l’avis ne compte pas. Juste bons pour élire des dirigeants qui se laisseront rapidement corrompre par un milieu nauséabond.
Cher Laurent Ruquier, regardez la situation de votre pays et dites-moi s’il ne gagnerait pas à écouter un peu plus ses citoyens ? Plutôt que d’aller droit dans le mur, pour les intérêts d’une minorité de privilégiés.
Erwan Pennarun
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