Géopolitique. Retour sur les fondamentaux

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde était divisé en deux entre le bloc communiste et ce qu’il était convenu de désigner comme « le camp de la liberté ».

De même que la Première Guerre mondiale avait vu disparaître les empires monarchiques, les conséquences de la seconde furent la disparition des empires coloniaux. La voie était alors libre pour ceux qui, depuis plus de deux cent ans, aspiraient à dominer le monde, à l’unique condition de faire disparaître les souverainetés nationales.

Un tel dessein ne pouvant s’accomplir qu’au détriment des peuples qui allaient voir leurs cultures et leur identités diluées dans un ensemble informe et déshumanisé, il était impératif d’entourer tout ceci d’un halo de mystère propre à dissimuler les intentions réelles de cette infime minorité.

La montée des puissances souterraines

Devant cette nécessité d’agir dans l’ombre, il fallait  donner aux opinions publiques, et notamment à celle du pays le plus puissant, l’illusion d’un pouvoir issu de la volonté populaire.

Afin d’exercer la réalité de ce pouvoir, désigné aujourd’hui comme étant « l’État profond », celui-ci s’est progressivement mis en place et a patiemment et discrètement  colonisé tous les étages de l’administration fédérale américaine avant de s’internationaliser, ou plus exactement de « s’extraterritorialiser ». Pour y arriver, il fallait continuer à contrôler l’émission du dollar qui, tout en restant la monnaie domestique américaine, était devenu la monnaie mondiale après les accords de Bretton-Woods de 1944. Mais il fallait également contrôler l’armée américaine, devenue sans rivale depuis 1945 et, plus important encore, prendre le contrôle des médias et plus particulièrement ceux de grande diffusion née des technologies récentes.

Peter Dale Scott a consacré trois livres à cette mise en place progressive de cet État profond devenu tentaculaire au fil du temps.

Pourtant, dès 1934, les mises en garde adressées au peuple américain n’ont pas manqué, telle celle-ci : « Nous avons dû lutter contre les vieux ennemis de la paix: le monopole commercial et financier, la spéculation, la pratique bancaire immorale, l’antagonisme des classes, la défense des intérêts particuliers, les profiteurs de guerre. Ils ont commencé à considérer le gouvernement des États-Unis comme un simple appendice de leur propres affaires. Nous savons maintenant qu’il est tout aussi dangereux d’être gouverné par le crime organisé que par l’argent organisée ».
Franklin Delano Roosevelt, 1936

Dwight Eisenhower puis JFK respectivement en 1961 et 1963 ont également lancé l’alerte.

La guerre qui surplombe toutes les autres

Il est dans la nature des choses (et des hommes) que tout pouvoir ayant une propension à l’absolutisme génère tôt ou tard un contre-pouvoir. Aujourd’hui, ce contre-pouvoir semble incarné par Donald Trump. Dès son arrivée à la Maison Blanche en janvier 2017, il n’a jamais caché que son adversaire était le « deep state » qu’il comparait à une sorte de « marigot qu’il fallait assainir » (drain the swamp) de même qu’il n’a jamais fait mystère de son opposition à un monde « monopolaire ». Il a pu se faire une idée assez exacte de l’étendue du pouvoir de l’État profond tout au long de son premier mandat et en perdant l’élection de 2020 qui l’a écarté des affaires, sans pour autant que cessent les attaques, notamment judiciaires, contre lui pendant les presque quatre ans qui suivirent.

Durant cette période, ses équipes ne sont pas restées inactives. Elles semblent avoir soigneusement mis au point le plan destiné à porter un coup fatal à cet adversaire.

Son récent retour à la Maison Blanche a démontré l’efficacité des actions entreprises et a conduit cet État profond à se replier là où il pouvait encore le faire, c’est à dire en Europe de l’Ouest. Il y dispose notamment de la City londonienne pour la finance et de l’OTAN pour la puissance militaire.

En outre il y dispose de la « bienveillance » de certains dirigeants européens qu’il a contribué, d’une façon ou d’une autre, à mettre en place.

Mais Donald Trump ne semble pas pour autant avoir cessé de combattre cet État profond supranational dont l’objectif principal est d’établir un monde monopolaire dirigé par un gouvernement mondial. Le discours remarqué du vice-président Vance à Munich contre les élites européennes et les actions de soutien aux partis souverainistes des pays membre de l’UE menées par Elon Musk participent  de ce combat.

La recherche des alliances

Donald Trump a pu mesurer le pouvoir énorme dont dispose encore ses adversaires à la tête de cet État profond et il paraît logique qu’il cherche à s’allier avec des pays ayant un intérêt commun à lutter contre lui. D’après le principe quasi-mathématique « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » le rapprochement entre Donald Trump et Vladimir Poutine trouve sa justification et on peut douter de la sincérité de ceux qui semblent s’en étonner. Par ailleurs, le rapprochement avec la Chine paraît également être amorcé et, en dépit d’une apparente guerre des droits de douane, va se poursuivre dans le but d’obtenir, à minima, une forme de « neutralité bienveillante » de la part de cette dernière dans ce combat de titans qui s’annonce, opposant l’État profond supranational et mondialiste au reste du monde.

Le détonateur de la guerre en Ukraine

Dans ce contexte, la guerre en Ukraine doit être examinée avec attention. Présentée comme une agression délibérée de la Russie envers l’Ukraine, les conséquences immédiates furent des sanctions économiques contre la Russie, sanctions qui devaient « mettre son économie à genoux »

Il est rapidement apparu que tout ceci n’était qu’une sorte de prétexte qui devait conduire à un affrontement entre l’OTAN et la Russie, ou plus précisément entre l’État profond et la Russie. Car les causes de ce conflit étaient bien antérieures à 2022 et remontaient à 2014 et les évènements de la place Maidan, dans lesquels Victoria Nuland, numéro deux du département d’État, avait reconnu être impliquée. L’attitude de Donald Trump face à cette guerre montre clairement qu’il en fait porter la responsabilité non pas à la Russie de Poutine mais bel et bien à l’État profond et que, si elle ne s’arrête pas, ce sont les États-Unis qui se dégageront et cesseront toute aide à l’Ukraine et (même s’il ne le dit pas clairement) sortiront de l’OTAN.

Car la crainte, probablement justifiée de Donald Trump est que cette guerre se transforme en un affrontement entre la Russie et des puissances nucléaires européennes toujours sous l’influence mondialiste de l’État profond. Ces deux pays sont la France et l’Angleterre et on ne voit pas à quel titre elles pourraient être menacées par la Russie. Par contre le danger grandissant est celui décrit dans « le piège de Thucydide », non pas entre la Chine et les États-Unis mais entre l’État profond et le reste du monde. Une guerre entre puissances nucléaires ne peut que déboucher sur un conflit nucléaire car on ne voit pas comment le perdant pourrait renoncer de lui-même à l’emploi de l’arme nucléaire si celui-ci lui évite la défaite…

L’enjeu est l’ordre mondial

La guerre en Ukraine a été un accélérateur prodigieux en faveur d’un monde multipolaire car elle a permis, au travers d’un certain nombre de votes dans le cadre de l’ONU, de constater que la Russie était de moins en moins isolée et qu’un nombre très important de pays ne voulaient plus subir la domination occidentale, souvent imposée par la puissance de l’armée américaine.

La réélection de Donald Trump et sa reprise en main de l’armée et de l’administration américaine a encore renforcée cette tendance lourde. Nombreux sont les observateurs qui, comme Jeffrey Sachs, admettent d’une manière quasi-officielle que la venue d’un monde multipolaire est inéluctable.

Aujourd’hui, l’inventaire des forces en présence est de moins en moins favorable aux partisans d’un monde monopolaire. L’État profond américain ne peut pratiquement plus intervenir sur la politique étrangère américaine, que ce soit sur le plan diplomatique comme sur le plan militaire. Son influence médiatique est très diminuée par la cessation d’activité d’USAID. Il lui reste, et c’est loin d’être négligeable, le pouvoir d’émettre des dollars, mais pour combien de temps encore ?

En face, nous avons la création de nouvelles alliances, reposant sur la perspective d’un monde respectueux des souverainetés nationales et dont les pivots seront les continents dans lesquels les grandes puissances exerceront naturellement leur influence en les dotant des infrastructures nécessaires au développement des voies de communication internes à ces continents.

Cela mettra probablement un terme à la domination vieille de plus de cinq siècles des puissances maritimes dont la propension naturelle a toujours été de dominer la planète en se rendant maître de tous les acheminements des denrées et des produits.

Tels sont les véritables enjeux de la partie qui se déroule sous nos yeux.

Jean Goychman

Illustration : DR
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Une réponse à “Géopolitique. Retour sur les fondamentaux”

  1. Pschitt dit :

    Que voilà une démonstration lumineuse à propos des origines de la guerre en Ukraine ! La stratégie a parfaitement réussi puisque la Russie, déjà en déficit démographique, a dû sacrifier des centaines de milliers de jeunes hommes, a subi une émigration massive de jeunes diplômés, a perdu une grande partie de son arme blindée, a gagné 1340 km de frontière avec l’OTAN à quelques verstes de Saint-Pétersbourg, engloutit 10% de son PIB dans ses dépenses militaires, etc. La vraie question est : comment un homme aussi intelligent, déterminé et bien renseigné que Vladimir Poutine a-t-il pu tomber dans ce piège ? Evidemment, l’inconvénient de cette manoeuvre, du point de vue du « deep state » était d’entraîner une vassalisation de la Russie envers la Chine. Heureusement que voilà Trump pour obtenir le meilleur des deux mondes : la Russie ruinée par Biden mais désinisée (peut-être) par Trump.

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