Il faut oser. Il faut être culotté, ou totalement hors-sol, pour venir sur un plateau de CNews balancer tranquillement que « les familles qui ne travaillent pas et qui touchent 2000 euros par mois grâce aux aides sociales vivent mieux que ceux qui bossent ». C’est la petite phrase de Kevin Bossuet, journaliste de droite en quête de buzz et de reconnaissance médiatique. Une phrase lâchée comme une grenade dans le débat public, au mépris de toute décence.
« En France, un couple qui ne travaille pas et qui a 4 enfants en bas âge touche environ 2000€ d’aides sociales/mois et bénéficie souvent d’un HLM. Comment voulez-vous que ceux qui bossent dur et qui gagnent moins que cela le supportent ? Il faut en finir avec l’assistanat !»… pic.twitter.com/W18Wm2kPGn
— Kevin Bossuet (@kevinbossuet) April 19, 2025
Alors voilà. Permettez que je vous réponde, moi, ouvrier, père de famille, militant syndicaliste enraciné, qui vit de son travail et qui côtoie au quotidien ceux dont vous parlez sans jamais les avoir rencontrés. Parce que votre discours, c’est celui d’un bourgeois planqué, qui se donne des airs de révolté mais ne connaît rien à la misère concrète.
2000 euros à 6 ? La belle vie ? Sérieusement ?
Monsieur Bossuet, 2000 euros par mois pour une famille avec quatre enfants, c’est la survie, pas le Club Med. C’est des fins de mois à faire des choix : manger ou se chauffer, acheter des pompes neuves pour le gamin ou payer la facture EDF. C’est les vacances qui n’existent pas, les soins dentaires repoussés, les couches qu’on achète au compte-goutte, les machines à laver qui tombent en panne et qu’on ne remplace pas.
Vous trouvez ça confortable ? Venez vivre un mois à six dans 65 m² en HLM, avec des gamins malades, des voisins qui pètent les plombs, des flics qui passent pour des rodéos tous les soirs, et un frigo à moitié vide. Venez essayer d’expliquer à vos enfants pourquoi ils n’ont pas droit à un goûter comme les autres, pourquoi on ne peut pas les inscrire au foot, pourquoi on garde les manteaux deux hivers de suite. Ensuite, venez nous parler d’« assistanat ».
Ce n’est pas l’aide qu’il faut dénoncer, c’est l’exploitation
Votre vraie cible, c’est qui ? Le père de famille qui s’est fait broyer par 10 ans d’intérim à la chaîne avant d’être mis au placard ? La mère seule qui élève ses enfants après avoir fui un mec violent ? Vous voudriez quoi ? Qu’on les jette à la rue ? Qu’on supprime les allocations ? Qu’on stérilise les pauvres pour éviter qu’ils se reproduisent ? Qu’on privatise la compassion ?
Non, Monsieur Bossuet. Le scandale n’est pas l’aide sociale. Le scandale, c’est que des travailleurs à temps plein galèrent autant – voire plus – qu’une famille qui touche le minimum pour survivre. Le vrai scandale, c’est que travailler à deux n’assure même plus de pouvoir vivre dignement à six. Le problème, ce n’est pas qu’il y ait des aides. C’est que les salaires sont trop bas, que le SMIC est une trappe à misère, que l’on nous vend le mérite pour mieux nous faire accepter l’humiliation.
Et tant qu’on y est, certains nous parlent aussi de la sacro-sainte parité salariale, comme si c’était un combat prioritaire. Un leurre encore. Parce que l’inégalité réelle aujourd’hui, ce n’est pas entre un homme et une femme au même poste – sauf peut-être chez les cadres de la communication progressiste –, c’est entre un smicard qui trime et un parasite de bureau qui gère des budgets fictifs depuis un open-space climatisé. Le vrai combat, ce n’est pas pour l’égalité dans la misère, c’est pour revaloriser le travail, la famille, la dignité.
Revenir au réel, et vite
Il est facile de cracher sur les pauvres quand on ne les connaît pas. De condamner ceux qui ne « veulent plus travailler » sans jamais s’interroger sur les raisons de cette démotivation généralisée : la perte de sens, la précarité, le mépris social, les salaires minables, les métiers ingrats, l’effondrement de tout espoir. Vous vous demandez pourquoi les gens fuient le monde du travail ? Mais regardez donc ce que vous leur proposez !
Quand on vous vend l’intérim à vie, des horaires décalés, des congés refusés, des accidents ignorés, des chefs méprisants, des collègues absents, il faut être fou ou désespéré pour y retourner chaque matin.
Alors oui, je suis ouvrier. Syndiqué même. Et patriote. Et je refuse de choisir entre ma culture, mon peuple, et la justice sociale. Ce que je veux, c’est que le fruit du travail revienne à ceux qui le produisent, que nos familles soient respectées, que nos solidarités soient défendues, que l’on arrête de diviser les pauvres entre eux pendant que d’autres vivent sur le dos du système.
Monsieur Bossuet, à force de tirer sur les « assistés », vous tirez surtout sur la classe populaire française, celle qui souffre, qui se tait, mais qui n’oublie pas. Alors un conseil : quittez un peu vos studios parisiens, venez passer une semaine dans les quartiers, dans les bourgs ruraux oubliés, dans les familles nombreuses précaires, chez les travailleurs pauvres. Vous verrez que l’assistanat, c’est surtout un fantasme de nantis.
Ce qu’il faut abolir, ce n’est pas l’aide aux pauvres. Ce qu’il faut abolir, c’est le mépris.
Ronan L.
Crédit photo : DR
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10 réponses à “Assistanat, pauvreté et mépris : réponse à Kevin Bossuet (Cnews), depuis la France qui se lève tôt… et qui n’en peut plus [L’Agora]”
CNews appartient à un milliardaire et cette chaîne diffuse naturellement l’idéologie libérale. Bossuet, qui est un type odieux, à l’esprit étroit, et qui rame pour exister sur un plateau de télévision, tient régulièrement des propos outranciers. Mais, tout ce qui est excessif est insignifiant.
Il est vrai qu’il y a des gens qui sont dans la précarité pour qui ces aides sociales sont vitales, mais il est aussi vrai qu’il y a un tas de profiteurs qui en bénéficient, ils sont la majorité et j’en connais un tas au tour de moi, des gens qui me disent que depuis le covid ils n’ont plus envie de travailler, qu’en fait la coupure dans la vie professionnelle qu’il a causée leur a fait perdre le gout du travail, en fait ils ont trouvé sympa de ne plus travailler et de jouer à la play station. D’autres, qui voyant que tout le monde peut en profiter se disent que pourquoi pas eux, ou de voir tous ces gens qui nous dirigent profiter largement du système. D’autres qui veulent un travail pas fatiguant, qui paie bien, avec peu d’heures de travail et à coté de la maison, et avec souvent pas un diplôme en poche. On a formé une génération de fénéants, de profiteurs du système, de gens qui ont perdu tout espoir dans leur futur ou qui vivent sur une autre planète. Si du ciel tombent des citrons, apprends à faire de la limonade
La réponse à Kévin Bossuet est pleine de bon sens. On peut y ajouter les fonctionnaires d’État, catégorie C, qui souvent bossent très dur et sont payés sous le SMIC…
Cependant les très nombreux systèmes d’aide qui existent en France sont quand même sources d’inégalité, de gaspillage et forment un système ubuesque.
Kevin Bossuet, s’il enseigne encore, doit être un piètre formateur..
Bonjour,
Grand texte. Le prolétariat est pris entre la bourgeoisie de gauche et de droite. A gauche, on vit de la pauvreté des masses. A droite, on vit du mépris des masses. C’est pas glorieux. Pourtant, ils veulent tous relever la france (sans le peuple, en l’esclavageant ou en le substituant).
Cdt.
M.D
je pense que le rédacteur de cette diatribe à l’encontre de K. Bossuet est à côté de son vélo et n’a rien compris à certains qui exploitent le système !!!
Chirac avait très bien imagé la chose !
BRAVO monsieur Bossuet
Cet article, non signé, pose très mal le problème et son auteur ne comprend pas le propos de Bossuet.
Bossuet ne veut pas dire que 2000 €/mois avec des enfants est la « Dolce Vita », pas du tout, mais qu’il y a des BRANLEURS QUI VIVENT D’AIDES SOCIALES sans rien foutre et qui vivent mieux que ceux qui travaillent. Bref, l’auteur de cet l’article n’a rien compris et mélange tout. Il est vrai que 2000 € par mois avec des enfants c’est loin d’être l’Amérique, mais pour ceux qui NE BRANLENT RIEN de la journée et vivent du travail des autres c’est Cool! C’est si difficile à comprendre? Perso j’ai travaillé comme mécano, employé dans un garage avec 1850 €/mois et 2 enfants. Aujourd’hui je suis retraité. Ma femme était sans salaire car elle a préféré instruire les enfants à la maison et leur donner une bonne éducation et c’est sans regret car nos enfants très bien éduqués ont une vie meilleure que la nôtre. Ma femme a aujourd’hui pour son travail de jeunesse 5125 €/mois à peine de retraite, une misère. On a vécu difficilement mais la tête haute. Alors les mecs qui NE BRANLENT RIEN et VIVENT SUR LE DOS DE CEUX QUI BOSSENT, Merci !
Bossuet a raison et j’approuve son propos ! Bravo monsieur Bossuet de balancer des Vérités qui piquent les oreilles des « grands humanistes ».
Il ne s’agit pas « d’abolir l’aide aux pauvres », mais d’abolir les aides sociales aux parasites, des parasites dans la force de l’âge qui vivent du travail des autres sans rien faire, de ces gens qui ne mettent jamais un sou dans la caisse commune et qui profitent du système. Non aux parasites et Oui à ceux qui travaillent.
Bien sûr le travail aujourd’hui est mal payé mais ça c’est une autre question et ce n’est pas ce que dit Bossuet.
Votre description des pauvres n’est pas loin des romans de Zola adaptés au XXI ème siècle…de plus, dans certaines familles, il est impensable que la femme travaille pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’emploi…quant à l’impossibilité de se soigner, la CMU est toujours présente pour les plus démunis. Certains agriculteurs ou professions indépendantes n’arrivent même pas à gagner l’équivalent du SMIC et on en rédige pas un article larmoyant pour autant. On connait une aide soignante, seule avec 2 enfants, qui bosse et prépare un examen pour devenir infirmière et oui, il faut parfois ne pas attendre qu’on vous propose la super place, mais se bouger un peu pour essayer d’évoluer…il faudrait dans les jugements hâtifs, voir les tranches d’âge concernées car le chômage à 50 ans et plus, est un véritable drame, mais pour certains jeunes, il faudrait se bouger un peu pour évoluer surtout si on n’a pas fait d’études…
Sans tomber dans le piège de monter des catégories sociales les unes contre les autres, le delta entre un salaire et les aides n’est pas assez dissuasif pour pousser certains à traverser la rue ou pousser la porte pour trouver du boulot !
Juste une anecdote de ce dimanche de Pâques où, au moment d’allumer le four pour le repas de fête, plus d’électricité dans la maison isolée en Bretagne, près de Combourg. En moins de 90 mn, un camion de dépannage EDF est venu changer le disjoncteur général gratuitement . Il est bon, aussi, de remercier ceux qui bossent un jour férié et qui font bien leur boulot ! La France est un pays exceptionnel même si tout n’est pas parfait, mais comparez à d’autres et si c’est mieux ailleurs allez y !
On peut supposer que ce journaliste visait plutôt une certaine catégorie de la population habitant sur le sol français. Mais comme il n’a pas le courage de le dire clairement, ce flou génère des interprétations.
En revanche, il ne parlait pas des travailleurs pauvres. Ce qui est un vrai scandale dans notre pays (surtout par rapport à des ministres qui ne fichent rien et qui se permettent de donner des leçons).