La División Española de Voluntarios, connue sous le surnom de División Azul, était composée de volontaires espagnols qui firent le choix de combattre auprès des Allemands contre les forces communistes russes. Deux récentes bandes dessinées révèlent ce pan de l’histoire méconnu du grand public, en se focalisant l’une sur l’infanterie, l’autre sur l’aviation.
1- L’enfer bleu.
En 2001, à Almeria, en Espagne. Agé de 78 ans, Alberto parle devant une caméra. Soixante années plus tôt, il est allé se battre contre les Russes et affirme que, si c’était à refaire, il le referait ! Il se souvient de cette fin juin 1941, à Madrid. La nouvelle de l’opération Barbarossa, offensive allemande en URSS, provoque un immense rassemblement de joie. Les slogans anticommunistes fusent. A la radio, la propagande invite les jeunes à s’enrôler pour aller se battre aux côtés des Allemands.
Alberto, sans idéal politique, a comme tant d’autres soif d’aventure. Il se présente au quartier général de la Phalange et s’engage. Il veut démontrer à son père qu’il est capable d’aller se battre. Son frère s’engage aussi. Mais sa mère est désespérée. Alberto commence par un long périple à travers l’Europe. Parqués dans des wagons à bestiaux, sous une chaleur torride, les jeunes Espagnols traversent la France où l’opposition à leur présence est manifeste. Mais en Allemagne, l’accueil de la population est enthousiaste. Les jeunes Espagnols, qui suivent une formation de cinq mois, vont être équipés d’uniformes allemands, sauf la chemise bleue et un insigne à l’épaule révélant leur nationalité.
Au début plein d’illusions, membre du 2e bataillon du régiment Esparza, Alberto va se retrouver confronté à la dure réalité : une discipline de fer, des rations insuffisantes, des soldes qui ne sont pas à la hauteur des promesses, des uniformes de mauvaise qualité… Puis, par des conditions hivernales particulièrement rudes, il découvre l’horreur de la guerre. Il devient un soldat important, servant de lien avec le commandant et témoin de nombreuses batailles sur le front de Volkhov. Il fera preuve d’humanité à l’égard de prisonniers russes.
Paco Asenjo, professeur d’histoire dans un lycée en Espagne, est depuis son enfance fan de bandes dessinées sur la guerre. Son coup de cœur est La Guerre d’Alan, parce que le dessinateur Emmanuel Guibert y reflète les expériences réelles d’un soldat. Après avoir eu accès aux souvenirs d’un vétéran espagnol de la Seconde Guerre mondiale, il se lance dans la bande dessinée. Il réalise le scénario, le dessin et la colorisation. Cette bande dessinée a vu le jour en Espagne grâce à un projet de financement participatif. Ceux qui finançaient ce projet recevaient en cadeau des Playmobil hors-série représentant des soldats de la division Azul !
Ce récit prévu en deux tomes se fonde sur le témoignage, au quotidien, d’Alberto Díaz Galvéz, soldat du IIe bataillon du régiment Esparza. Ce corps était composé de volontaires espagnols, issus pour la plupart des milices phalangistes, incorporés dans la Wehrmacht. La Division Bleue était le surnom donné à la 250e division d’infanterie de la Wehrmacht, en raison de la couleur des chemises de la Phalange espagnole à laquelle appartenaient la plupart de ses soldats. Pour bâtir son scénario, Paco Asenjo a bénéficié des conseils de l’historien Carlos Caballero, auteur d’un livre sur la División Azul.
Le premier tome, qui court de juin à novembre 1941, détaille la vie quotidienne de ces soldats. Alberto devient cycliste de liaison. On découvre les batailles les plus emblématiques de la División Azul d’une manière nouvelle, avec des personnages qui révèlent pour la plupart leur humanité. Ces jeunes espagnols affrontent en effet la guerre avec crainte et courage.
Le dessinateur, par son trait fin et épuré, s’inspire de la célèbre « ligne claire » d’Hergé. Il ne cherche pas à reconstituer de façon ultraréaliste le matériel de guerre, mais à montrer le ressenti des soldats de la División Azul.
L’enfer Bleu, t. 1, 206 pages, 24 euros, Editions Paquet.
2- La première escadrille bleue.
Juillet 1941. L’Espagne franquiste envoie des pilotes et des mécaniciens, tous volontaires, pour former une escadrille de chasse aux côtés de l’Allemagne. Le commandant Ángel Salas Larrazábal boucle la liste. Au nombre de 113, il s’agit souvent d’anciens Phalangistes qui déjà s’étaient battus pendant la Guerre d’Espagne. Le 24 juillet, le train de volontaires en uniformes bleus quitte Madrid. Arrivés sur le front, après des exercices de pilotage, les hommes de Salas reçoivent leurs Bf 109…
Le scénariste Daniel Ortega del Pozo, né à Valladolid en 1979, a complété ses études à l’Université de Burgos. Il est l’auteur de plusieurs romans sur la Seconde Guerre mondiale : Berlin 1945, Renégats de la Wehrmacht… Il adapte ainsi, en bande dessinée, son livre Ciel rouge, aigles bleus, traitant de l’escadrille bleue. On y suit le parcours d’un personnage fictif, le lieutenant Carlos Guillén, jeune pilote même s’il est un vétéran de la guerre civile espagnole. Daniel Ortega explique que « les vaincus et leur point de vue vilipendé ont été quelque peu malicieusement oubliés… Où est le témoignage des « perdants » des conflits de guerre ? » (https://danielortegaescritor.com).
Dessinateur espagnol, Antonio Gil est un spécialiste de l’histoire militaire. Ses illustrations figurent dans plus d’une centaine de périodiques et dans des ouvrages consacrés à différentes périodes de l’histoire, de la Rome antique aux opérations récentes en Afghanistan et en Irak. Il a également réalisé plusieurs bandes dessinées historiques, comme Flandes 1566-1573. Avec le scénariste espagnol Daniel Ortega, il a déjà réalisé 1941 : Voljov (éd. Cascaborra, 2021), une bande dessinée sur la Division Bleue.
Son dessin réaliste convient bien à ce récit historique. Les pilotes de l’escadrille Bleue se signalent par leur courage et leur efficacité.
Kristol Séhec
La première escadrille bleue, 80 pages, 22,95 euros. Editions Clair de Lune, Collection Envergure.
Illustrations : DR
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