Roumanie : la présidentielle confisquée, l’Union européenne refuse le débat

L’Union européenne affiche souvent en façade son attachement à la « démocratie en action », un slogan largement repris par le Parlement européen. Mais lorsque cette démocratie produit des résultats qui déplaisent aux élites bruxelloises, la règle du jeu semble pouvoir être réécrite à volonté.

Lundi 10 mars, la coalition majoritaire du Parlement européen, surnommée la « coalition Ursula », a rejeté une demande des conservateurs visant à organiser un débat sur l’élection présidentielle roumaine. Motif invoqué ? Il ne saurait être question de laisser des « extrémistes » et des « amis de la Russie » remettre en cause l’État de droit en Roumanie.

Cette décision intervient dans un contexte explosif : la veille, le candidat nationaliste Călin Georgescu arrivé en tête du premier tour en décembre dernier, a été interdit de concourir pour l’élection de mai. Un coup de force qui a déclenché des manifestations massives à travers le pays, dégénérant en affrontements violents avec la police anti-émeute.

Une élection confisquée

Depuis l’annulation du premier tour en décembre dernier, la Roumanie traverse une crise politique profonde. À l’époque, la Cour constitutionnelle roumaine (CCR), majoritairement composée de socialistes, avait invalidé le scrutin en raison de supposées interférences russes dans la campagne de Georgescu.

Malgré cette annulation, le candidat souverainiste n’a cessé de gagner du terrain dans les sondages. À ce jour, il est crédité de 38 % des intentions de vote, soit bien au-dessus de ses concurrents. La décision du Bureau électoral central, qui s’appuie sur le jugement initial de la CCR pour justifier son exclusion du scrutin de mai, est donc perçue par une partie de l’opinion comme un déni de démocratie.

Face à cette situation, des centaines de milliers de Roumains ont défilé dans les rues pour dénoncer une élection « volée » et exiger la démission du gouvernement de coalition dirigé par le PSD (Parti social-démocrate, affilié au S&D européen) et le PNL (Parti national libéral, rattaché au PPE). Dimanche, la tension est montée d’un cran, les manifestations se transformant en affrontements violents avec la police anti-émeute.

Bruxelles verrouille le débat

Alors que la crise politique s’envenime, deux groupes conservateurs du Parlement européen, le groupe Réformistes et conservateurs européens (ECR) et le groupe Europe des Nations souveraines (ESN), ont demandé l’ouverture d’un débat lors de la session plénière de la semaine. Leur requête a été immédiatement rejetée par la majorité pro-UE, qui préfère ignorer la contestation populaire.

Siegfried Mureșan, vice-président du PPE et membre du PNL roumain, a revendiqué le blocage du débat en affirmant que « tous les groupes pro-européens – PPE, socialistes, Renew et Verts – ont voté contre cette tentative de manipulation ».

Dans une déclaration qui a choqué certains observateurs, Mureșan a ensuite qualifié les députés de l’ECR et de l’ESN « d’extrémistes pro-russes », allant jusqu’à déclarer :

« La Roumanie est gouvernée par l’État de droit, et nous n’avons pas besoin d’amis de la Russie au Parlement européen pour le remettre en question. »

Cette accusation semble pourtant bien fragile, car si le groupe ESN est dirigé par l’AfD allemande – habituée aux attaques médiatiques – l’ECR, lui, est dominé par Fratelli d’Italia, le parti de Giorgia Meloni, une formation notoirement pro-Ukraine et favorable à un soutien militaire occidental à Kiev.

Une issue déjà scellée ?

Georgescu a déposé un recours contre son exclusion devant la Cour constitutionnelle, qui a été rejeté mardi 11 mars.  En cas d’éviction définitive, l’AUR devrait désigner un autre candidat, probablement son chef de file George Simion, également vice-président du groupe ECR.

Cette manœuvre politique, associée au refus du Parlement européen d’ouvrir un débat sur la situation roumaine, renforce l’idée d’une démocratie sous contrôle, où les choix électoraux sont validés ou censurés en fonction des intérêts des élites bruxelloises. Alors que les Roumains continuent de descendre dans la rue pour réclamer la transparence et l’équité du processus électoral, la réponse de Bruxelles ne fait que jeter de l’huile sur le feu.

Crédit photo : DR
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Une réponse à “Roumanie : la présidentielle confisquée, l’Union européenne refuse le débat”

  1. Ronan dit :

    Demat ; pour appuyer et compléter cet article, voici un article de France soir lu ce matin en anglais et en français : « Dictat européen ou crise démocratique ? La grève parlementaire de l’AUR après l’exclusion de Georgescu secoue la Roumanie » avec le lien ci-après : »https://www.francesoir.fr/politique-monde/dictat-europeen-ou-crise-democratique-la-greve-parlementaire-de-l-aur-apres-l » : mon commentaire est que nous ne vivons hélas plus dans une Europe de la Paix et en démocratie. Mais gardons espoir et soutenons nos amis roumains. Kenavo an holl

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