Le 28 février 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille a rendu sur renvoi du Conseil d’Etat, un arrêt majeur pour la défense de la biodiversité et plus particulièrement de la protection des abeilles et des pollinisateurs. La Cour a en effet annulé les autorisations de mise sur le marché (AMM) de deux pesticides de la multinationale Corteva Agrisciences, en retenant notamment l’illégalité de la méthode d’évaluation de la toxicité que l’ANSES tolère de la part des producteurs en violation des exigences réglementaires européennes.
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille retient que « l’ANSES a évalué les produits sans tenir compte de la formulation globale des produits phytopharmaceutiques » et que « La méthodologie d’évaluation des produits n’est pas conforme aux exigences du règlement (CE) n°1107/2009 du 21 octobre 2009 ».
Pour Christian Pons, président de l’UNAF : « Cette victoire de l’UNAF marque un tournant majeur dans la lutte pour la protection des abeilles et des pollinisateurs, indispensables à la biodiversité et à l’agriculture. Plus que jamais, l’UNAF reste déterminée à défendre une réglementation plus stricte sur les produits chimiques en agriculture et à promouvoir l’usage de solutions moins nocives pour l’environnement et la santé humaine. »
Et d’ajouter : « Dans un contexte de régression évidente de la protection des abeilles et de l’environnement, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille vient rappeler que l’ANSES doit exiger des firmes agrochimiques qu’elles démontrent l’innocuité de leurs produits au moyen de la seule méthode d’évaluation réglementaire admise qui impose tout à la fois une évaluation dans des conditions réelles d’utilisation du produit et en prenant en compte les effets synergiques des substances actives et des co-formulants des produits ».
Pour l’Union nationale de l’apiculture française, syndicat d’apicultrices et d’apiculteurs, il revient aujourd’hui aux autorités compétentes de faire évoluer sans délai les méthodes d’évaluation imposées aux fabricants des produits phytosanitaires pour les contraindre à respecter la règlementation européenne protectrice de l’environnement.
La décision du 28 février remet clairement en cause la méthode d’évaluation théorique et lacunaire de la toxicité, communément admise par l’ANSES.
Par cet arrêt, le juge administratif sanctionne les simplifications admises par souci de facilité dans le traitement des dossiers par les producteurs et l’administration et il apporte ainsi une contribution essentielle à la jurisprudence sur l’évaluation de la dangerosité pour les abeilles des produits phytosanitaires.
Dans son arrêt, la Cour relève s’agissant des conditions d’évaluation : « dès lors que ces conclusions se sont fondées sur des essais réalisés dans des conditions semi naturelles « en tunnel », à l’exclusion de tout essai en milieu naturel alors que les deux produits ont vocation à être utilisés plein champ et à l’air libre, il n’est pas établi que ces études auraient été menées dans les conditions prévues au point 2.5.2.3 du règlement précité, qui impose d’effectuer une évaluation appropriée du risque à la fois dans des conditions naturelles et dans les conditions d’utilisation proposées. Il suit de là que la méthodologie d’évaluation suivie n’a pas permis d’établir de manière suffisamment concrète et précise que l’utilisation des deux produits phytopharmaceutiques dans les conditions prévues n’aurait pas d’effet inacceptable, notamment à long terme, sur les larves d’abeilles, le comportement des abeilles ou la survie et le développement de la colonie. »
Cet arrêt qui rappelle les principes d’évaluation imposés par la règlementation européenne, trouve toute son utilité au moment même où le législateur s’apprête à réautoriser certaines substances néonicotinoïdes fatales pour les abeilles et jusqu’à présent interdites.
Pour Christian Pons, « l’UNAF reste vigilante face à toute tentative de contournement des réglementations de protection des abeilles et continuera de défendre en justice l’apiculture française contre les dangers de l’agrochimie ».
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