Royaume-Uni 1984. La liberté d’expression en péril outre-Manche

À qui veut bien ouvrir les yeux, le spectacle du Royaume-Uni d’aujourd’hui offre un visage méconnaissable, sinon inquiétant. Jadis terre de Magna Carta, patrie de John Locke et de l’habeas corpus, ce pays qui donna jadis le ton en matière de libertés publiques semble aujourd’hui mû par une toute autre dynamique. Les récents événements entourant la journaliste Allison Pearson ne sont que l’ultime manifestation d’un glissement progressif vers une société où la libre parole se voit corsetée par des dispositifs de surveillance idéologique dignes des pires dystopies.

Allison Pearson, plume acérée du Daily Telegraph, a récemment décidé d’assigner en justice la police d’Essex après avoir subi un véritable harcèlement institutionnel à la suite d’un simple tweet. Son cas, hélas, n’est pas isolé. Des citoyens ordinaires se voient régulièrement intimidés par les forces de l’ordre pour avoir osé émettre des opinions jugées offensantes par des censeurs zélés. On pense ici à Helen Jones, une grand-mère de 54 ans, visitée à son domicile par deux policiers en civil pour avoir osé critiquer un élu local sur Facebook. L’infraction ? Aucune. Si ce n’est le crime inexpiable de déranger les âmes sensibles d’un parti au pouvoir.

Ces dérives ont pour nom les« non-crime hate incidents »(NCHI), absurdité orwellienne où l’on consigne des « infractions » qui n’en sont pas, de simples opinions devenues suspectes. Derrière leur appellation technocratique, ces dispositifs constituent une mise sous surveillance d’une partie de la population, un moyen détourné d’instaurer une police de la pensée. La Haute Cour britannique elle-même a jugé ces pratiques liberticides, mais les forces de police continuent, contre toute logique, de les appliquer avec un acharnement croissant.

Ce climat de répression sourde ne se limite pas au seul Royaume-Uni. J.D. Vance, sénateur américain et voix discordante dans le concert des élites, a récemment dénoncé depuis Munich la dérive européenne en matière de liberté d’expression. À l’heure où, sur le Vieux Continent, la parole publique se resserre sous l’effet de législations toujours plus contraignantes, la tendance semble se généraliser. Des tribunaux réduits au rôle d’inquisiteurs d’opinion, des citoyens sommés de rendre compte de leurs propos sur les réseaux sociaux : l’Europe moderne se mue en une bureaucratie tatillonne où le débat d’idées devient périlleux.

Ceux qui jadis brandissaient la liberté comme un étendard se retrouvent aujourd’hui muselés par des normes absurdes. La presse elle-même, pourtant censée incarner la conscience critique des nations, voit ses marges de manœuvre s’amenuiser sous la pression de l’État et de ses appendices. Le cas d’Allison Pearson est emblématique : en intentant une action judiciaire, elle ne défend pas seulement sa cause, mais celle de tous ceux qui refusent de plier l’échine face à la peur et à l’intimidation.

La question demeure : jusqu’où faudra-t-il aller pour enrayer ce mouvement ? L’expérience montre que les libertés, une fois perdues, se rétablissent rarement sans heurts. À défaut de vigilance, l’Europe pourrait bien se réveiller un matin avec l’amère surprise d’avoir troqué ses traditions de libre-pensée pour les chaînes d’une conformité imposée.

L’ironie du sort veut que, depuis Buenos Aires, où je me trouve, la situation ne soit guère plus rassurante. L’Argentine, dirigée par Javier Milei, un président affichant une volonté d’alignement parfait avec le gouvernement Trump, est pourtant le théâtre de lois liberticides restreignant gravement la liberté d’expression. Ce paradoxe criant montre à quel point, même sous des gouvernements prétendument attachés à la défense des libertés, les tendances répressives restent profondément ancrées. La vigilance, en tout lieu, s’impose comme une nécessité vitale.

Par Balbino Katz

Photo : DR
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Une réponse à “Royaume-Uni 1984. La liberté d’expression en péril outre-Manche”

  1. Ar Baot dit :

    Merci Balbino pour cet article bien troussé !!!

    Pour la conclusion, j’ajouterais cependant que c’est beaucoup plus que de la vigilance à quoi il faut être prêts…

    Dans la vie, cela se vérifie constamment, il y a ceux qui ont des « corones », et ceux qui ne se paient que de mots…

    À un moment donné, il arrive que les mots ne suffisent plus, et que l’action ferme, déterminée, s’impose…

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