Chronique de lecture – Les Campagnes rouges de Bretagne de Ronan Le Coadic

Ronan Le Coadic a rédigé en 1991 le livre Les Campagnes rouges de Bretagne une étude approfondie et surprenante sur une singularité politique : l’enracinement du communisme dans certaines communes rurales de Bretagne. À l’heure où, à la fin du XXe siècle, l’idéologie marxiste s’effondrait en Europe, ces « villages rouges » semblaient défier la logique politique et sociologique traditionnelle. L’ouvrage, publié en 1991 chez Skol Vreizh, se veut à la fois un constat et une analyse de cette particularité électorale qui va à l’encontre des clichés habituels sur une Bretagne catholique et conservatrice.

Une approche empirique et historique

Le livre ne se limite pas à une simple étude électorale. Le Coadic adopte une méthode d’analyse rigoureuse pour comprendre pourquoi ces communes, principalement situées en Côtes-d’Armor, en Finistère et dans une moindre mesure en Morbihan, affichent des scores communistes élevés depuis l’après-guerre. L’auteur s’attarde sur des critères géographiques, historiques et culturels pour expliquer ce phénomène. Il établit notamment une corrélation entre la persistance du vote communiste et l’altitude : les bastions rouges bretons étaient majoritairement situés dans les zones les plus montagneuses de la région, notamment les Monts d’Arrée et les Montagnes Noires.

Le livre explore une hypothèse originale : l’influence de la quévaise, un ancien système agraire communautaire présent en Bretagne jusqu’à la Révolution. Cette forme de tenure foncière, qui interdisait la propriété privée des terres et favorisait l’exploitation collective, aurait laissé une empreinte culturelle durable dans certaines régions. L’auteur avance que cette tradition de gestion collective des terres aurait préparé ces populations rurales à une adhésion naturelle aux idéaux communistes du XXe siècle. Loin d’être un simple accident électoral, le vote communiste breton s’inscrirait ainsi dans une longue continuité sociétale et culturelle.

Le rôle de la résistance et des luttes sociales

Si l’héritage de la quévaise explique en partie cette singularité politique, Le Coadic met également en lumière le rôle joué par la Seconde Guerre mondiale et la Résistance. Dans ces territoires, le Parti Communiste s’est imposé comme un acteur majeur de la lutte contre l’Occupation, gagnant ainsi une forte légitimité auprès des populations locales. Cette adhésion au communisme s’est renforcée après-guerre par des luttes sociales et agricoles menées par des militants issus de ces bastions rouges.

L’auteur décrit aussi comment ces communes ont souvent été le théâtre d’affrontements entre les structures catholiques conservatrices et un monde ouvrier et paysan en quête d’émancipation. Dans cette opposition, le Parti Communiste a trouvé un terreau fertile pour sa propagation, s’appuyant sur des syndicats et des réseaux militants bien implantés.

Contrairement à l’idée reçue d’une Bretagne homogène, conservatrice et chrétienne, Les Campagnes rouges de Bretagne révèle une complexité insoupçonnée. L’existence d’un bastion communiste en plein cœur de la Bretagne bretonnante remet en question l’image d’une paysannerie monolithiquement attachée aux valeurs traditionnelles.

L’auteur va même plus loin en contestant certaines théories sociologiques dominantes de l’époque. Selon lui, l’électeur rationnel, souvent présenté comme influencé par son appartenance sociale et ses intérêts économiques directs, ne suffit pas à expliquer ces choix politiques. Car, si l’on s’en tenait à ces critères, les agriculteurs bretons, possédant leurs terres et intégrés dans un système économique majoritairement libéral, auraient dû voter massivement à droite. Or, ces populations rurales ont, contre toute attente, soutenu le Parti Communiste bien au-delà des tendances nationales.

Une lecture toujours pertinente ?

Plus de 30 ans après sa publication, Les Campagnes rouges de Bretagne demeure une référence précieuse pour comprendre l’évolution politique de la région. Même si le communisme a largement reculé depuis, et s’est même globalement effondré, l’étude de Le Coadic apporte un éclairage pertinent sur les dynamiques électorales bretonnes et sur l’influence des structures sociales et historiques sur le vote.

Ce livre intéressera non seulement les passionnés de l’histoire politique de la Bretagne mais aussi ceux qui cherchent à comprendre comment certaines communautés peuvent défier les tendances générales et conserver des spécificités électorales singulières sur plusieurs décennies.

YV

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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