C’est peut-être l’énième envolée du Donald sans grand lendemain, ou plutôt un autre effet d’annonce choc pour tâter le terrain, mais la déclaration de transformer la bande de Gaza en Côte d’Azur du Moyen-Orient, en un « endroit magnifique » en a fait réagir plus d’un. Entre applaudissements et colère, peut-on se réjouir d’une telle prospective ?
Posséder Gaza
La première considération est d’ordre identitaire. Le président américain, dans son discours qui semble avoir laissé Benjamin Netanyahou perplexe, utilise un mot bien précis : « to own Gaza » , « posséder » Gaza. Toute personne un tant soit peu patriote, qui ressente un minimum de lien entre une terre et le peuple qui l’habite, ne peut qu’avoir en horreur le souhait américain de « posséder » Gaza. Cela ne choquera peut-être pas grand monde outre-Atlantique, puisque telle est l’histoire des États-Unis, mais tous les peuples historiquement légitimes sur leur sol, ne peuvent qu’être effarés par une telle froideur dans le traitement d’une chose aussi charnelle que la terre.
Cette annonce, qui relève plus de la marchandisation du monde capitaliste que d’une quelconque considération d’ordre géopolitique oublie en outre un petit détail… Le petit détail de deux millions de Gazaouis qui désirent rester chez eux, ajouté à un autre : la volonté des pays environnants qui n’ont aucune intention d’accepter ces millions de réfugiés. Rappelons que seule la Jordanie intègre les Palestiniens, les autres pays limitrophes rechignant à les accepter et les considérant encore des réfugiés, même après plusieurs générations nées en leur sein. Emblématique le cas de l’Égypte qui leur avait carrément interdit de quitter la bande de Gaza !
Les hommes, les femmes et leurs enfants ne sont pas des pions que l’on peut déplacer à l’envie, ou pire, pour le profit. L’histoire nous rappelle plutôt que partout où les populations ont été déplacées en masse, cela n’a débouché que sur des sociétés hautement conflictuelles, et que le temps a bien du mal à résoudre les frictions.
Gaza beach ou gaz beach ?
Si la Maison Blanche semble déjà avoir fait quelque peu marche arrière ou entend au moins tempérer les vues immobilières de Trump sur Gaza, il y a de grandes chances pour voir se réaliser la prise de contrôle américaine promise. Les champions de la reconstruction de terres dévastées, se laisseraient-ils échapper les très alléchants champs gaziers qui se trouvent à seulement 36 kilomètres au large de la bande ? Des réserves estimées à environ 35 milliards de m3 et qui n’attendent que preneur (et son investissement de 1,4 milliard de dollars pour développer les champs).
Le contrôle sur Gaza serait aussi un bon moyen de tenir l’allié israélien, qui a, ces derniers temps, un peu trop tendance à s’émanciper de son bailleur de fonds…
Vaines identifications
Mais soyons honnêtes, que l’on déplore ou que l’on se réjouisse d’une ultérieure mainmise yankee sur un lointain territoire ne changera pas la donne. Ce conflit territorial doublé d’une guerre de religion semble toujours plus inextricable, et même à construire un magnificient Las Gazas, cela ne résoudra pas le véritable problème qui empêche tout accord de paix : la poursuite de la colonisation juive. Le « combat de la civilisation contre la barbarie » n’est ainsi qu’un cache-sexe, pour détourner de cette réalité.
Et si, en tant que pays colonisé, nous devrions éprouver une immédiate solidarité pour les Palestiniens, envahis, traités comme des citoyens de seconde zone sur leur propre terre, on peut se demander s’il est vraiment réaliste que nos concitoyens ressentent une quelconque empathie pour des Arabes. Quels qu’ils soient.
Bref, sombrer dans l’antisionisme hystérique ou faire de la cause palestinienne l’Alpha et l’Oméga du combat identitaire, en voilà un non-sens : nos problèmes sont ailleurs.
Audrey D’Aguanno
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7 réponses à “Gaza beach : doit-on se réjouir du plan Trump pour la Palestine ?”
L’évocation est peut-être exagérée, mais il est pratiquement certain que quelque chose sera faite en faveur (Ou contre pour d’autres…) concernnat la Bande de Gaza. A cela, on peut faire confiance à Trump. Et ce ne sont certainement pas les Israeliens qui vont s’en émouvoir.
De toutes manières, geographiquement et politiquement, la bande de Gaza doit devenir soit un n’ man’s land, soit un territoire totalement neutre, nettoyé de tout Arabe revanchard.
c’est du nettoyage ethnique ce projet
Votre conclusion est très juste, ce qui n’empêche pas d’avoir un avis sur la question. Shimon Peres imaginait Gaza en « Singapour du Moyen-Orient ». Trump l’imagine en « nouvelle Riviera », mais il ajoute un codicille : « …sans les Gazaouis, évacués vers d’autres pays ». Peut-on aujourd’hui faire à Gaza ce que les Soviétiques ont fait à Königsberg en 1945 : faire démolir l’essentiel de la ville par l’aviation alliée puis le reste par une offensive terrestre, chasser tous les Prussiens survivants, installer des Russes à la place et rebaptiser la ville avec un nom russe (Kaliningrad) ? L’opération Kaliningrad a fonctionné : l’Allemagne n’a plus jamais revendiqué cette enclave (qui par ailleurs n’est nullement devenue une Riviera de la Baltique — c’était l’URSS, quand même…). Mais les Allemands de 1945 avaient morflé bien plus que les Palestiniens contemporains et ont été tenus depuis lors sous un étroit contrôle idéologique. Le plan de Trump est incomplet sans ce volet idéologique — que personne sans doute ne serait disposé à assumer.
Rappel : il y a des chrétiens dans la Bande de Gaza (église de la Sainte-Faille).
L’appropriation des terres et la déportation des populations est une longue tradition américaine. Il n’y a plus qu’à trouver des réserves où parquer les Gazaouis.
Certains des commentaires qui précèdent sont à vomir !
@Nicole.
Il ne reste que 800 chrétiens à Gaza (probablement les seuls dont la présence est légitime sur ce territoire).