La Communauté d’Agglomération de la Région Nazairienne et de l’Estuaire (CARENE) est sous le feu des projecteurs après la publication du rapport de la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire. Ce document, portant sur les exercices 2019 et suivants, met en lumière de nombreuses irrégularités dans la gestion financière, la gouvernance et la commande publique. Si la situation financière globale de l’intercommunalité reste satisfaisante, plusieurs dérives préoccupantes sont mises en évidence.
Des finances solides mais une gestion risquée
Le rapport souligne une capacité d’autofinancement en nette progression et une stratégie financière ambitieuse, notamment avec un plan pluriannuel d’investissement conséquent. Toutefois, cet investissement massif s’accompagne d’un réendettement notable, notamment pour financer des projets tels que le développement des transports en commun avec hélYce+.
Par ailleurs, la hausse des recettes de la CARENE repose en grande partie sur des ressources fragiles comme la TVA, ce qui rend son équilibre financier vulnérable aux fluctuations économiques. La Chambre appelle donc à plus de prudence dans la gestion de ces ressources.
Des dépenses incontrôlées, notamment dans la masse salariale
Un des points noirs du rapport concerne les charges de fonctionnement, qui ont augmenté de 27,1 % sur la période contrôlée. Une part importante de cette hausse est due à une explosion des dépenses de personnel, en hausse de 43 % entre 2019 et 2023. En cause : une augmentation du nombre d’emplois permanents (+18 %) et des heures supplémentaires en forte augmentation (+58 %).
L’École des Beaux-Arts de Nantes-Saint-Nazaire est également épinglée pour ses coûts exponentiels. La contribution de la CARENE à cet établissement a été multipliée par 15 en cinq ans, sans réelle anticipation ni justification solide. Pire encore, la mise à disposition gratuite des locaux à l’école est jugée irrégulière.
La CARENE affiche une ambition louable de limitation de l’artificialisation des sols. Toutefois, le rapport constate que les objectifs fixés par la loi « Climat et Résilience » ne seront pas atteints à horizon 2030. Alors que la loi impose une réduction de 50 % de la consommation des espaces naturels, la CARENE ne prévoit qu’une diminution de 26 %. De plus, le territoire a déjà consommé 42 % de son quota d’artificialisation prévu jusqu’en 2030.
Le développement urbain est donc pointé du doigt, notamment en raison d’une politique démographique jugée trop ambitieuse. La Chambre recommande de réviser les projets d’aménagement d’ici 2028 afin de limiter l’impact environnemental.
Des failles dans la commande publique et des conflits d’intérêts
Le rapport met en avant plusieurs dysfonctionnements dans la gestion des marchés publics. Il relève notamment des marchés passés en dehors des délégations de signature autorisées, ainsi que des avenants irréguliers sur certains contrats. Le projet hélYce+, avec un budget de 154 millions d’euros, est particulièrement concerné par des dérives budgétaires et des problèmes de coordination.
En outre, des risques de conflits d’intérêts sont identifiés dans la gestion de certains contrats, bien que des correctifs aient été apportés tardivement. De plus, la Chambre relève l’attribution illégale de certains avantages aux élus, notamment l’usage abusif de cartes carburant.
Une réponse peu convaincante de la CARENE
Face aux critiques, la réponse de la CARENE tente de minimiser certains points du rapport, tout en reconnaissant la nécessité de corrections. La collectivité s’engage notamment à renforcer le contrôle interne des marchés publics, mieux encadrer les dépenses de personnel et améliorer la transparence financière.
Cependant, aucune mesure immédiate et concrète ne semble être prise pour stopper certaines dérives, notamment sur les dépenses de fonctionnement et les risques liés aux projets d’urbanisme.
Ce rapport illustre une fois de plus les dérives bureaucratiques et financières qui gangrènent certaines intercommunalités. Derrière les grands discours sur l’écologie et l’efficacité des services publics, la réalité est bien différente : un endettement croissant, des dépenses incontrôlées et une gestion parfois opaque des fonds publics.
Les citoyens de la CARENE et les élus locaux doivent désormais exiger des comptes et veiller à ce que ces recommandations ne restent pas lettre morte. À l’heure où l’austérité budgétaire pèse sur les contribuables, ces dérives ne peuvent plus être tolérées.
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