France des Bobos vs France des « prolos ». Une fracture définitive ?

L’Institut Terram publie une étude choc signée Jérôme Fourquet sur l’évolution sociologique et territoriale de la France. Le rapport Re-mettre Walincourt sur la carte dresse un état des lieux saisissant des mutations qui ont bouleversé l’Hexagone ces dernières décennies. Entre fracture sociale et géographique, déclin industriel et américanisation des classes populaires, l’étude met en lumière un pays où les élites et le peuple ne vivent plus dans le même monde.

Un pays divisé : la séparation des enracinés et des « sans frontière »

L’un des principaux enseignements du rapport repose sur la distinction entre deux catégories de Français : les Somewhere, enracinés dans leurs territoires, souvent issus des classes populaires et moyennes, et les Anywhere, urbains, diplômés et globalisés. Cette opposition, conceptualisée par David Goodhart, s’est creusée au fil des décennies, au point de devenir l’un des marqueurs politiques et culturels les plus profonds.

L’étude souligne que cette fracture ne se limite plus à une question de mode de vie ou d’idéologie politique, mais s’est traduite géographiquement. Les grandes métropoles concentrent désormais les classes dominantes et les jeunes diplômés, tandis que les villes moyennes et les zones rurales subissent les conséquences du désintérêt des décideurs politiques. Une sécession culturelle et électorale s’opère entre ces deux blocs, renforcée par l’accélération des mutations économiques et technologiques.

Désindustrialisation : une identité ouvrière en lambeaux

Autre point majeur du rapport, la disparition des bastions industriels a laissé un vide béant dans de nombreux territoires. Si la désindustrialisation a débuté dès les années 1980, son impact se fait toujours ressentir dans les régions ouvrières, où le chômage de masse et la précarité ont transformé en profondeur la structure sociale.

Cette mutation a aussi frappé l’identité masculine. Les ouvriers, longtemps piliers de l’économie locale, ont vu leur statut s’effondrer avec la disparition de l’emploi manufacturier. Conséquence directe : une déstructuration des familles, avec un essor fulgurant des foyers monoparentaux dans les anciennes zones industrielles, souvent tenus par des femmes. Un phénomène que l’on retrouve à l’étranger dans des régions marquées par le même déclin économique.

Une américanisation accélérée des classes populaires

Face à l’effacement des repères traditionnels (famille, religion, métier), l’étude de Fourquet montre comment les classes populaires ont progressivement adopté des références culturelles venues des États-Unis. L’essor des blockbusters américains, du rap et de la fast fashion ont profondément transformé les habitudes et les mentalités des Français des classes populaires.

Mais cette américanisation ne se limite pas aux loisirs. Elle influence également les comportements sociaux et politiques. Loin d’une simple fascination, elle représente souvent une réponse identitaire pour ces Français déclassés, en quête de nouveaux repères face à une élite perçue comme déconnectée et méprisante.

L’étude met en évidence la congruence entre cette fracture sociale et les choix électoraux des Français. Plus on s’éloigne des métropoles, plus le vote contestataire progresse, traduisant une volonté de rupture avec un système jugé inadapté aux préoccupations du quotidien. Cette dynamique s’est exprimée avec force lors des révoltes des Gilets jaunes, qui ont marqué une fracture encore plus nette entre les Somewhere et les Anywhere.

L’ouvrage rappelle que cette opposition s’est aussi exprimée dans les urnes, notamment lors du référendum de 2005 et des dernières présidentielles. Alors que les métropoles votent massivement pour les partis mondialistes et progressistes, les territoires ruraux et périurbains s’orientent vers des alternatives souverainistes et populistes.

Une fracture désormais irréconciliable ?

Le rapport de Jérôme Fourquet ne se contente pas de dresser un état des lieux, il met en garde contre l’aggravation de cette séparation qui, si elle perdure, pourrait mener à une sécession culturelle et politique définitive. La France est aujourd’hui un pays à deux vitesses, où Paris et quelques grandes villes concentrent le pouvoir et les richesses, tandis que le reste du territoire voit son influence décliner.

Si des ponts sont encore possibles entre ces deux mondes, force est de constater que les fractures s’accélèrent et que l’avenir semble réservé à une opposition de plus en plus marquée entre ces deux Frances qui ne peuvent plus vivre ensemble, et auxquelles s’ajoutent désormais d’autres « Nouvelles France », permise par ceux qui ont favorisé l’immigration massive depuis des décennies. L’avenir de nos enfants passera-t-il par une grande séparation, par un grand divorce collectif entre ces peuples ?

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