Les écosystèmes côtiers européens, éléments clés de la biodiversité marine, ont été profondément marqués par les activités humaines au fil des décennies. Une étude ambitieuse menée par l’Ifremer et ses partenaires européens, dans le cadre du projet Paleocore, met en lumière ces bouleversements. En examinant des sédiments marins recueillis sur 15 sites côtiers à travers neuf pays, les chercheurs retracent l’influence de grands événements historiques et des pratiques humaines sur ces zones sensibles.
Des archives naturelles au service de la science
Les sédiments marins se présentent comme des témoins silencieux, conservant dans leurs strates les traces des événements passés. Le projet Paleocore vise à analyser ces archives naturelles pour identifier les impacts d’événements marquants tels que la Seconde Guerre mondiale, la catastrophe de Tchernobyl ou encore l’introduction massive de pesticides dans les années 1980.
Raffaele Siano, chercheur en écologie moléculaire à l’Ifremer, précise : « Les carottes sédimentaires permettent de corréler des changements majeurs dans les écosystèmes côtiers à des activités humaines spécifiques. » En étudiant l’ADN ancien et les contaminants présents dans ces sédiments, les scientifiques espèrent mieux comprendre les interactions entre ces événements et les évolutions des écosystèmes.
Les principaux bouleversements révélés par l’étude
Les 124 carottes sédimentaires prélevées en 2023 et 2024 offrent un aperçu des impacts humains sur les côtes européennes. Voici quelques exemples marquants identifiés par les chercheurs :
- Seconde Guerre mondiale : Les sédiments collectés à Brest, Lorient ou Gdansk témoignent des perturbations liées aux activités militaires et portuaires. Ces zones stratégiques ont subi des transformations majeures, laissant des traces visibles des décennies plus tard.
- Agriculture intensive et pesticides : À Naples, les analyses montrent comment l’introduction massive de produits chimiques agricoles a affecté les écosystèmes côtiers dès les années 1980. Ces pratiques ont profondément modifié les équilibres biologiques marins.
- Pollution aux microplastiques : Partout en Europe, les sédiments révèlent une contamination progressive par des particules de plastique depuis les années 1990, conséquence directe de l’industrialisation et de l’urbanisation.
- Tchernobyl : Les isotopes radioactifs issus de la catastrophe nucléaire de 1986 ont également été identifiés dans certains sédiments marins, notamment en Méditerranée et en mer Baltique.
Pour mener à bien ce projet, les équipes de l’Ifremer ont collaboré avec de nombreux partenaires européens, s’appuyant sur des technologies avancées pour analyser les échantillons. Chaque carotte, mesurant entre 50 et 120 cm, a été étudiée sous plusieurs angles :
- Analyses chimiques : Identification des polluants tels que les hydrocarbures ou les métaux lourds.
- Études ADN : Recherche des traces génétiques de planctons et d’autres micro-organismes.
- Observation microscopique : Détection d’organismes minuscules comme la méiofaune ou les kystes de phytoplancton.
Ces données permettent de reconstituer les changements survenus dans les écosystèmes en réponse à des perturbations humaines et naturelles.
Les résultats de Paleocore, attendus pour fin 2025, seront intégrés à des initiatives européennes telles que TREC (Traversing European Coastlines) et BIOcean5D. Ces programmes visent à mieux comprendre la biodiversité marine et son évolution sous l’effet des pressions humaines. Les informations recueillies contribueront également à des réflexions sur la gestion des zones côtières et la préservation des écosystèmes marins.
Les enjeux pour l’avenir des côtes européennes
L’étude Paleocore met en lumière l’importance de comprendre l’histoire des écosystèmes pour mieux anticiper leur avenir. Si les bouleversements passés sont évidents, ils rappellent aussi l’importance d’une gestion prudente et rigoureuse des côtes, en tenant compte des spécificités locales et historiques.
Alors que les résultats détaillés sont encore en cours d’analyse, Paleocore s’affirme déjà comme une étape clé pour éclairer les décisions futures concernant les littoraux européens. Un travail qui, loin de s’arrêter à l’observation, ouvre des perspectives sur la manière dont ces écosystèmes peuvent se reconstruire ou s’adapter face aux défis à venir.
Crédit photo : Crédit : Ifremer – T. Pellissier
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