« L’immobilisme est en marche, rien ne l’arrêtera » (Edgar Faure)
J’ai écouté, comme nombre de nos concitoyens, le discours de politique générale de François Bayrou. Petit à petit, une phrase de Jacques Chirac, durant une de ses campagnes électorales, m’est venue à l’esprit : « Face aux problèmes qui se posent, nous trouverons les solutions qui s’imposent ! ». Une heure et demie de discours pour, in fine, nous dire quoi ?
Le bon docteur Henri Queuille, Président du Conseil sous la IVème République, disait d’un ton sentencieux : « Il n’existe pas de problème que l’absence de solution n’ait fini par résoudre ! »François Bayrou nous ramène-t-il à cette vision politique qui n’est que l’expression de l’impuissance caractérisée des régimes soumis uniquement au bon vouloir des partis politiques ? Aristide Briand l’avait décrite sans appel ni ambiguïté comme « la politique du chien crevé au fil de l’eau ».
Dans le marasme général du climat politique actuel, nous pouvions espérer un peu mieux. Certes, tous les problèmes qui s’accumulent ont été évoqués, mais aucun début d’amorce de solution n’a été donné. L’Union européenne, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas en bon état, semble n’avoir d’autre avenir qu’un « plus d’Europe » alors même que les peuples crient de plus en plus pour retrouver leur souveraineté. François Bayrou tente de nous émouvoir en citant Jean Monnet et Robert Schuman, ces « pères fondateurs » alors même que de plus en plus d’historiens remettent en question la réalité de leur rôle et notamment leurs relations privilégiées avec l’administration américaine et la CIA volontairement cachées.
Dans un ouvrage paru il y a quelques années, Christophe Deloire et Christophe Dubois , écrivent ent à leur sujet (p 158) la phrase : « De Gaulle voulait que les contacts avec la CIA soient concentrés au niveau des services et que les gens de la CIA cessent de voir directement Monnet et Schuman ». Jean Loup Isambert, dans un livre plus récent, ajoute de son coté (p 169) « La CIA comme Monnet et Schuman passeront outre et les collaborateurs que de Gaulle a laissé réhabiliter et revenir dans l’appareil d’État vont s’employer à mettre en difficulté sa politique de souveraineté nationale ».
La réalité est que François Bayrou est partisan d’un fédéralisme européen (tout comme Emmanuel Macron) qu’il ne veut jamais évoquer. Pourquoi ne pas dire clairement qu’il est favorable à la création d’un ensemble européen supranational et que la conséquence évidente sera la perte de souveraineté des peuples ?
Lorsqu’il parle de la dette, il remonte à François Hollande afin de minimiser autant que faire se peut l’action d’Emmanuel Macron. Pourquoi ne pas remonter à la loi de 1973 et la nécessité dans laquelle s’est trouvé l’État d’emprunter avec intérêts les sommes nécessaires pour financer les déficits alors que la Banque de France les donnait sans qu’il y ait d’intérêts à payer ?
Evidemment, cela impliquerait de retrouver notre souveraineté monétaire et de quitter l’euro et l’UE, ce qui est impensable pour les « euro-mondialistes.
Un plaidoyer pour le monde monopolaire
En fait, tout le discours de politique générale de François Bayrou s’inscrit volontairement dans un plaidoyer pour le monde monopolaire dont le projet est aujourd’hui menacé par une autre vision du monde qui est celle d’un monde multipolaire qui s’articule autour des continents tout en conservant les souverainetés nationales. Et c’est le dilemme auquel se trouvent confrontés nos gouvernants depuis des décennies qui doivent agir en catimini contre la souveraineté du peuple afin de faire avancer leur projet euro-mondialiste tout en faisant croire que leur action est conforme à l’esprit de notre Constitution dont cette souveraineté du peuple est la clé de voûte.
Leur marge de manœuvre se réduit d’autant plus vite que la vérité sur la construction europ éenne et du rôle primordial joué par l’État profond américain apparaîssent de plus en plus clairement au fil de la parution d’ouvrages très documentés et qui laissent peu de place au doute. Et le phénomène ne semble pas se circonscrire à la France. Alors, tant que cela est possible, on joue sur les peurs afin de rendre les peuples plus dociles. S’appuyant sur le conflit ukrainien, on en extrapole le résultat en faisant passer pour acquis le fait qu’une victoire de la Russie conduirait cette dernière à envahir le reste de l’Europe. Certains vont même jusqu’à dire que les démocraties sont aujourd’hui menacées par les pays du « grand-Sud » mais la réalité conduit à dire que ces pays représentent plus de 80 % de la population planétaire et que cette proportion va augmenter au fil du temps.
Sur le plan intérieur, on préfère agiter le spectre d’une motion de censure qui conduirait inévitablement à la venue au pouvoir du Rassemblement national.
Ce discours, qui semble avant tout être un aveu de faiblesse fait penser aux vers de la pièce de théâtre de Pierre Corneille qui écrit, au sujet de la fuite apparente d’Horace :
« N’eût-il que d’un moment reculé sa défaite
Rome eut été du moins un peu plus tard sujette »
Jean Goychman
Crédit photo : Jacques Paquier/Wikimedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine