Ce 14 janvier, François Bayrou a prononcé son discours de politique générale devant une Assemblée nationale particulièrement agitée. Si l’objectif du Premier ministre était de dessiner une feuille de route ambitieuse pour un gouvernement en quête de crédibilité, le résultat soulève bien des interrogations, tant sur le fond que sur la forme.
Des priorités ambitieuses… sur le papier
François Bayrou n’a pas mâché ses mots en évoquant la dette colossale de la France, qualifiée d’« épée de Damoclès ». À hauteur de 3 228 milliards d’euros, cette dette est, selon lui, un obstacle majeur à toute refondation de notre modèle social. Mais au-delà de ce constat, le Premier ministre a surtout déployé un ensemble de mesures qui peinent à convaincre de leur faisabilité.
La réforme des retraites, pourtant déjà adoptée sous Élisabeth Borne, sera « remise en chantier ». Une décision qui laisse perplexe, tant elle semble relever d’une tentative de replâtrage d’un système profondément fragilisé. Bayrou propose un « conclave » de trois mois réunissant partenaires sociaux et experts, mais cette initiative a déjà des airs de concertation stérile.
De même, le Premier ministre annonce des « efforts budgétaires » à tous les niveaux, évoquant la réduction du déficit à 5,4 % du PIB d’ici 2025. Une ambition louable, mais qui s’appuie sur des hypothèses de croissance fragiles et des coupes budgétaires dont l’impact concret reste flou.
Une vision confuse de l’immigration et de la démocratie
L’immigration, selon François Bayrou, est une « question de proportions ». Derrière cette formule, une tentative de jouer sur les deux tableaux : satisfaire une droite qui réclame des mesures fermes et ménager une gauche qui exige de la compassion. Résultat ? Une absence totale de vision claire et cohérente. Les chiffres alarmants sur les obligations de quitter le territoire non exécutées (93 %) ne sont pas nouveaux, mais les solutions proposées restent aussi vagues qu’inefficaces.
Sur le plan démocratique, Bayrou prône une réforme du mode de scrutin législatif avec une dose de proportionnelle et envisage même le retour du cumul des mandats. Des propositions qui donnent l’impression de chercher à apaiser toutes les tendances politiques sans véritablement répondre aux attentes des Français en matière de représentativité.
Un exercice de communication plus qu’un cap clair
Au-delà des annonces, le discours de François Bayrou s’apparente davantage à un exercice de communication qu’à une véritable déclaration de politique générale. Le Premier ministre évite soigneusement un vote de confiance, un aveu de faiblesse face à un hémicycle où le bloc présidentiel ne dispose pas de la majorité absolue.
Les engagements, notamment en matière de transition écologique ou de simplification administrative, sonnent creux face à l’ampleur des défis. Si le nucléaire est érigé en pilier de la décarbonation énergétique, aucune annonce concrète ne vient appuyer cette ambition.
Un pari risqué pour Emmanuel Macron
En choisissant François Bayrou comme Premier ministre, Emmanuel Macron a misé sur une figure consensuelle. Mais ce discours souligne les limites de cette stratégie. Entre les tensions sociales, les attentes populaires et les divisions politiques, Bayrou peine à se poser en leader capable de fédérer.
À la veille d’une motion de censure déposée par La France insoumise, et avec un gouvernement fragilisé, la route s’annonce chaotique. Si 84 % des Français estiment que l’exécutif ne passera pas l’année, ce sentiment trouve un écho troublant dans la difficulté du Premier ministre à incarner une vision forte et à dessiner un avenir clair pour le pays.
Le discours de François Bayrou illustre à lui seul les maux de la politique française actuelle : une éloquence sans substance, des mesures qui peinent à convaincre et une déconnexion croissante avec les préoccupations des citoyens. À l’image d’un gouvernement qui vacille sous le poids de ses propres contradictions, ce discours risque bien d’être rapidement relégué au rang des promesses non tenues.
Illustration : DR
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