Roumanie. Des dizaines de milliers de manifestant contre l’ingérence des commissaires politiques de l’UE et l’annulation des élections

La Roumanie est en ébullition politique. Depuis plusieurs semaines, des dizaines de milliers de Roumains descendent dans les rues de Bucarest pour protester contre une décision de la Cour constitutionnelle d’annuler le premier tour des élections présidentielles. Un événement sans précédent qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir démocratique de ce pays membre de l’Union européenne et de l’OTAN. Ces manifestations massives illustrent un rejet croissant de l’ingérence supposée de Bruxelles et de dirigeants comme Ursula von der Leyen dans les affaires internes de la Roumanie.

Une annulation qui choque et divise

Le 6 décembre dernier, la Cour constitutionnelle a annulé le premier tour des élections présidentielles, qui avait vu l’émergence surprise de Călin Georgescu, un outsider populiste et ultranationaliste, en tête des suffrages. Cette décision, prise deux jours seulement avant le second tour prévu le 8 décembre, a suscité l’indignation d’une grande partie de la population. Les raisons invoquées par la Cour incluent l’utilisation illégale de technologies numériques, telles que l’intelligence artificielle, et des financements non déclarés. Pourtant, Georgescu avait officiellement déclaré zéro dépense de campagne.

Dans les rues de Bucarest, les manifestants agitent des drapeaux roumains et brandissent des pancartes clamant « La démocratie n’est pas optionnelle » ou encore « Nous voulons des élections libres ». Pour beaucoup, cette décision judiciaire représente un « coup d’État » déguisé, orchestré pour maintenir au pouvoir une élite europhile rejetée par une partie de la population.

George Simion, leader de l’Alliance pour l’Unité des Roumains (AUR) s’est exprimé devant la foule : « Nous protestons contre ce coup d’État. Nous exigeons le retour à la démocratie et la reprise des élections, à partir du second tour. »

Cette colère populaire s’est également manifestée lors de manifestations précédentes, attirant des milliers de personnes. Les manifestants dénoncent une tentative de Bruxelles et des élites européennes de manipuler le processus démocratique roumain.

L’Union Européenne pointée du doigt

L’annulation des élections s’inscrit dans un contexte de tension croissante entre une partie de la population roumaine et l’Union européenne. Nombreux sont ceux qui accusent l’UE, et en particulier Ursula von der Leyen, de vouloir imposer des dirigeants pro-européens tout en marginalisant les voix critiques.

Les observateurs notent également que le recours à des arguments comme « l’ingérence russe » ou « la manipulation numérique » pour invalider les résultats semble être une stratégie commode pour écarter des candidats populistes ou eurosceptiques.

De nouvelles élections ont été programmées, avec un premier tour fixé au 4 mai prochain, suivi d’un éventuel second tour le 18 mai. Cependant, la participation de Călin Georgescu reste incertaine. Ce dernier a déposé des recours devant une cour d’appel locale et la Cour européenne des droits de l’homme, contestant la légalité de l’annulation.

Son succès initial avait été attribué à une campagne digitale innovante, notamment via TikTok, où il compte plus de 7 millions de likes. Certains experts accusent toutefois cette popularité d’avoir été artificiellement gonflée, une allégation que Georgescu réfute catégoriquement.

Élections présidentielles en Roumanie : une crise politique sans précédent

Les élections présidentielles roumaines de 2024, prévues pour élire le successeur de Klaus Iohannis, se sont transformées en un véritable chaos institutionnel. Entre annulation du scrutin par la Cour constitutionnelle et manifestations de masse dénonçant une ingérence extérieure, ce processus électoral sans précédent a plongé la Roumanie dans une crise politique majeure.

Le premier tour, tenu le 24 novembre 2024, a vu la qualification surprise de Călin Georgescu, un candidat indépendant pro-russe et nationaliste, en tête avec près de 23 % des suffrages. Face à lui, Elena Lasconi, une candidate europhile soutenue par l’Union Sauvez la Roumanie (USR). Favori des sondages, le Premier ministre social-démocrate Marcel Ciolacu a été éliminé de justesse, provoquant un bouleversement politique inattendu.

Georgescu, très actif sur TikTok, a mené une campagne axée sur la souveraineté nationale et les valeurs traditionnelles, séduisant un électorat rural et désenchanté par la classe politique traditionnelle. Cependant, des soupçons de manipulation électorale et de financement illégal ont rapidement émergé, jetant une ombre sur la validité de sa campagne.

Le second tour, initialement prévu le 8 décembre, a été annulé par la Cour constitutionnelle deux jours avant sa tenue. Cette décision, justifiée par l’utilisation présumée de technologies numériques manipulées et d’un financement opaque par Georgescu, a été perçue comme une réponse à une ingérence étrangère, notamment russe.

La Cour a également révélé des éléments troublants : des campagnes de désinformation coordonnées sur les réseaux sociaux, des paiements suspects à des influenceurs, et des cyberattaques orchestrées pour favoriser Georgescu. Ces révélations ont conduit à une décision radicale : l’annulation complète du scrutin.

Călin Georgescu a dénoncé une manœuvre orchestrée par les élites pro-européennes pour écarter un candidat jugé « anti-système ». De son côté, Elena Lasconi a également critiqué la Cour, tout en appelant à préserver les institutions démocratiques.

La crise des élections présidentielles intervient dans un climat politique déjà marqué par des tensions croissantes. La grande coalition entre les sociaux-démocrates (PSD) et les libéraux (PNL), bien que dominante, est accusée d’être déconnectée des préoccupations populaires. Cette situation a permis l’émergence de candidats antisystèmes, comme Georgescu ou George Simion, chef de l’extrême droite (AUR).

De nouvelles élections sont prévues pour mai 2025, mais la participation de Georgescu reste incertaine. Il a saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour contester l’annulation. Les mois à venir s’annoncent cruciaux pour l’avenir politique de la Roumanie.

Crédit photo : DR
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