Rassemblements pour « célébrer » la mort de Jean-Marie Le Pen. Un signe de décivilisation ?

C’était à craindre et cela n’a pas été une surprise : peu après l’annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen, des mots d’ordre ont été lancés sur les réseaux sociaux pour inviter les internautes à « fêter » publiquement la disparition de l’ancien président du Front national.

Si ces « invitations » n’ont pas déplacé les foules, on peut néanmoins s’interroger à propos des risques de troubles à l’ordre public que ces rassemblements rendaient possibles, d’autant que des boissons alcoolisées étaient consommées au grand jour et que certains participants ont employé des artifices pyrotechniques. Les déclarations de manifestation sur la voie publique ont-elles été transmises aux représentants de l’Etat ? Il est permis d’en douter puisque les demandes doivent être faites à la mairie ou à la préfecture au moins trois jours francs avant la date de l’événement. Dans cette hypothèse, les sanctions prévues pour absence de déclaration ou pour déclaration incomplète ou inexacte seront-elles appliquées ? L’avenir le dira peut-être… ou pas !

Mais au-delà du respect ou de la violation des dispositions légales, c’est-à-dire du contrat social, c’est le rapport d’une société à la mort d’un de ses membres qui pose question. Autrement dit, au-delà des lois humaines qui sont éphémères par nature, c’est la morale universelle, s’appliquant à tous les hommes en tous lieux et de tous temps, qui a été méprisée au vu et au su du monde. L’image de la France en a incontestablement souffert. Après la censure que plusieurs Etats étrangers ont appliquée à certaines scènes choquantes de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris en 2024 parce que licencieuses ou christianophobes, on aurait pu faire l’économie de cette nouvelle démonstration de décivilisation française.

Car c’est bien de décivilisation qu’il s’agit. Depuis la plus haute Antiquité, la personne humaine était sacrée. Quels qu’aient pu être les crimes commis, quelles qu’aient pu être les erreurs tragiques dont l’homme portait la responsabilité, la dépouille mortelle était traitée avec respect. C’est le mythe d’Antigone qui a inspiré Sophocle, mais aussi plus près de nous Jean Cocteau, Jean Anouilh, ou encore Marguerite Yourcenar. Plus tard, la mémoire pouvait être effacée, l’homme pouvait être frappé de damnatio memoriae, mais sa mort ne donnait pas lieu à des réjouissances publiques.

Bien sûr, il existe des exemples contraires. On songe au destin cruel de Concino Concini, haï des parisiens, dont le corps fut exhumé par la populace, traîné dans les rues, profané, pendu et finalement brûlé. C’était en 1617. On songe aussi à la Révolution française, où la Convention nationale a ordonné la destruction « des tombeaux et mausolées des ci-devant rois, élevés dans l’église de Saint-Denis », et dont l’application pendant la Terreur a conduit à plusieurs phases de profanations et de destruction des cadavres dans des fosses communes. On observe que ces agissements se produisirent toujours pendant des périodes de barbarie, des périodes où les plus vils instincts humains se déchaînaient, des périodes où la civilisation régressait, où le droit était dévoyé, où la vie humaine était méprisée. Des périodes de décivilisation.

On l’a compris, le respect dû aux morts est un marqueur de civilisation. De notre civilisation, mais aussi de toutes les autres dans le monde. Il n’y a pas si longtemps, lorsqu’un corbillard traversait une rue, les passants s’arrêtaient et se tournaient vers la procession funèbre. Les hommes se découvraient. Ceux qui avaient la foi se signaient. Les autres s’inclinaient respectueusement. Chacun s’employait à rendre au défunt un dernier hommage. Le développement d’une société libérale prétendument « avancée », qui s’appuie sur une philosophie matérialiste, a désacralisé le défunt en remettant les êtres humains en fin de vie au système médical, puis aux pompes funèbres après la mort. Fondée sur la consommation, notre société fait peu de cas des personnes improductives devenues « inutiles » et permet à l’égard des morts un mépris que nos ancêtres auraient jugé sauvage. Dès lors, quoi de surprenant si certains croient devoir « fêter » la mort d’un homme, sous prétexte qu’ils ne partagent pas ses convictions ?

Les agissements auxquels on a assisté portent atteinte à l’honneur. A l’honneur de la France en tant que pays civilisé jadis lumière des nations. A l’honneur individuel aussi puisque les « fêtards » se sont ’avilis eux-mêmes par manque d’éducation, par manque de compassion et, surtout, par manque de conscience humaine. Car celui qui ne manifeste pas de retenue devant ce que Victor Hugo appelait le « noir mystère » ne tardera pas à se montrer impitoyable aussi aux vivants. C’est parmi les individus dépourvus du sens élémentaire de l’humanité et du sacré qu’on a toujours recruté les assassins, massacreurs de toutes les périodes révolutionnaires, qui ont tué avec bonne conscience parce qu’ils croyaient contribuer à la création d’un homme nouveau idéalisé, alors que l’homme sera toujours le même, avec ses forces et ses faiblesses, tel qu’il fut créé dans l’œuvre de Dieu.

André Murawski

Illustration : DR
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