A Dixmude, la plaque bilingue en mémoire des 2000 fusiliers marins bretons morts lors de la Première guerre mondiale va-t-elle réapparaitre ?

En août 2006, une initiative locale à Dixmude, en Flandre belge, visait à honorer les 2 000 fusiliers marins bretons tombés lors de la Première Guerre mondiale. L’éditeur Yoran embanner qui a édité un livre Les colonisés de l’hexagone pendant la Grande Guerre, l’auteur y mentionne l’apparition d’une plaque commémorative, en breton et en français  qui a été inaugurée à Dixmude, pour rappeler le sacrifice de ces bretons.

Une plaque commémorative bilingue (puisque le Breton était la langue maternelle d’une large majorité de ces fusiliers marins) était inaugurée – à côté de celle en Français – pour rendre hommage à ces hommes morts pour la liberté. Cependant, cette plaque a disparu dans des circonstances troubles, en raison de pressions diplomatiques et politiques orchestrées par l’ambassade de France. Près de deux décennies plus tard, la question reste ouverte : qu’est devenue cette plaque, et pourquoi un hommage si légitime a-t-il été supprimé ?

Une initiative locale sous pression

À l’origine, c’est Jan Colaert, membre du conseil municipal de Dixmude et affilié à la NVA, parti nationaliste flamand, qui a pris l’initiative d’ajouter une plaque en breton au monument des fusiliers marins. Cette démarche avait pour objectif de rappeler l’engagement et le sacrifice des soldats bretons en novembre 1914, lors des combats acharnés pour défendre Dixmude.

La plaque portait l’inscription en breton suivante : « Enor d’ar Vretoned marv e Diksmuide evit ar frankiz d’ar 16 a viz Du 1914 » (Honneur aux Bretons morts pour la liberté le 16 novembre 1914).

Cependant, l’idée a rapidement suscité des tensions. L’association française Souvenir Français, par l’intermédiaire de son délégué en Belgique, le colonel Marchant, aurait tenté de bloquer cette initiative. Des pressions diplomatiques ont été exercées par des associations téléguidées par l’ambassade de France, arguant que cette plaque en breton n’était pas opportune.  Le colonel Marchant indiquait à l’époque que toute modification d’un monument ne pouvait se faire sans l’accord des autorités du pays concerné et des associations qui œuvrent pour conserver le souvenir de ceux qui sont morts au champ d’honneur. « En aucun cas, les inscriptions ne peuvent comporter de référence locale ou régionale » , ajoutait le courrier.

Malgré cela, la commune de Dixmude, propriétaire du monument, a résisté et a maintenu son projet. La plaque a été inaugurée le 27 août 2006.

Une plaque retirée sous des prétextes fallacieux

L’histoire ne s’est pas arrêtée là. En 2008, des graffitis ont été découverts sur le monument. Sous prétexte de travaux de restauration, la plaque en breton a été retirée… et n’a jamais été remise en place. Depuis, elle demeure entreposée dans les locaux techniques de la ville.

À plusieurs reprises, la bourgmestre de l’époque, Lies Laridon (CD&V), a été interrogée sur le sujet. Ses réponses ont oscillé entre l’argument d’un manque d’unanimité et le fait qu’un autre monument dédié aux Bretons existe à quelques kilomètres, à Boezinge (calvaire breton). Ces explications semblent masquer une volonté délibérée d’éviter de rouvrir un dossier devenu politiquement sensible, sous la pression d’associations d’anciens combattants francophones et de l’ambassade de France.

Depuis janvier 2025, la mairie de Dixmude a un nouveau bourgmestre, Koen Coupillie, membre de la NVA. Ce changement offre une opportunité unique pour les associations bretonnes de rouvrir le dossier. La NVA, parti au pouvoir en Flandre, pourrait se montrer plus favorable à la réinstallation de cette plaque, symbole d’un hommage légitime aux soldats bretons.

La disparition de cette plaque est un affront non seulement aux Bretons, mais aussi à la mémoire des fusiliers marins. Les associations culturelles et politiques bretonnes, ainsi que les élus, vont-elles se mobiliser pour exiger la réinstallation de cette plaque à Dixmude ?

La bataille de Dixmude : le sacrifice héroïque des fusiliers marins bretons

La bataille de Dixmude, en octobre et novembre 1914, demeure l’un des épisodes les plus emblématiques de la Première Guerre mondiale. Ce combat acharné, marqué par le sacrifice de nombreux fusiliers marins bretons, a joué un rôle crucial dans l’arrêt de l’avancée allemande vers la mer du Nord. À travers leur courage et leur ténacité, les « demoiselles au pompon rouge » ont écrit l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire militaire française.

À l’automne 1914, l’Allemagne cherche à contourner les lignes alliées en avançant vers le nord pour atteindre les ports stratégiques de Dunkerque et Calais. Les Alliés, eux, s’efforcent de stabiliser le front occidental le long de l’Yser. Dans ce contexte, la ville belge de Dixmude devient un point stratégique majeur.

Le 7 octobre 1914, la brigade des fusiliers marins, placée sous le commandement de l’amiral Ronarc’h, est envoyée en Belgique pour soutenir l’armée belge en retraite depuis Anvers. Constituée de 6 585 hommes, dont une majorité de Bretons, cette brigade improvisée rassemble marins, mousses inexpérimentés et tirailleurs sénégalais. Inexpérimentés mais animés d’un esprit combatif exemplaire, les fusiliers se préparent à affronter un ennemi largement supérieur en nombre. Le 16 octobre 1914, les fusiliers marins, épaulés par 5 000 soldats belges et 1 200 tirailleurs sénégalais, brisent le premier assaut des forces allemandes, estimées à 40 000 hommes. Malgré leur infériorité numérique et matérielle, les défenseurs de Dixmude tiennent leur position, infligeant de lourdes pertes à l’ennemi.

Les combats s’intensifient sous un déluge de feu, l’artillerie allemande rendant chaque jour plus meurtrier que le précédent. Les pertes sont terribles : les fusiliers manquent de tout, mais leur détermination reste inébranlable. Le 24 octobre, l’amiral Ronarc’h reçoit l’ordre de tenir « tant qu’il restera un fusilier vivant ». Les Belges décident alors d’ouvrir les écluses de l’Yser, inondant les plaines environnantes et ralentissant l’avance allemande.

Le 10 novembre, après quatre semaines de combats acharnés, les fusiliers marins reçoivent l’ordre d’évacuer Dixmude. Cette journée, la plus meurtrière, met hors de combat plus de 2 000 hommes. La ville est perdue, mais l’avance allemande est stoppée. La « course à la mer » se solde par un échec pour l’Allemagne.

La bataille de Dixmude coûte la vie à environ 8 000 soldats allemands, 1 250 Belges et près de 47 % des fusiliers marins engagés. Les tirailleurs sénégalais, eux, subissent des pertes avoisinant les 60 %. Ce sacrifice n’est pas vain : en tenant Dixmude aussi longtemps, les fusiliers marins ont permis à l’armée belge de se replier et à l’armée française de consolider ses lignes de défense.

La résistance acharnée des fusiliers marins bretons est saluée par la presse et l’opinion publique, et devient un symbole de courage et d’abnégation. Le président de la République, Raymond Poincaré, rend hommage à la brigade en lui remettant solennellement un drapeau le 11 janvier 1915. Ce geste souligne l’importance de leur sacrifice dans la défense du territoire.

Illustration : DR
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