Avec 40 millions de titres vendus en 2023, la France est le deuxième pays consommateur de mangas au monde, après bien sûr le Japon. Pourtant, le manga est en noir et blanc, se lit de droite à gauche et use de mimiques exagérées (gros yeux) exprimant les sentiments (colère, joie, tristesse…) de manière exacerbée. Mais le succès vient de la richesse des scenarios, un manga pouvant facilement contenir plusieurs milliers de pages.
Au Japon, les mangas traitent de la religion chrétienne le plus souvent avec irrespect, puisant même dans l’ésotérisme. Il faut savoir que le Japon ne compte qu’une petite minorité chrétienne. Mais certains mangas sur Jésus, plus sérieux, ont été publiés en France.
C’est toutefois un manga créé par des Français qui est le plus adapté pour révéler l’Evangile aux jeunes.
1- Le manga français : Jésus, le Sauveur (par Dalmasso).
Ce manga français retrace avec fidélité la vie de Jésus de sa naissance à sa résurrection, telle qu’elle résulte des Evangiles. Le scénariste Nicolas Meylaender bâtit un récit chronologique. Ce dessinateur de jeux vidéo (La cité des enfants perdus, Tintin, Lucky Luke, Lanfeust de Troy…), traducteur pour Delcourt, Panini et Urban Comics, a écrit le scénario des séries « Shi Xiu » (2011-2015) illustrée par Wu Qing Song, « Nankin » (2011) avec le dessinateur Zong Kai, et « La légende de Guillaume Tell » (2016) illustrée par David Boller.
Ce scenario a été relu par deux prêtres pour mieux respecter les Evangiles.
Le Père Christophe Raimbault est vicaire général du diocèse de Tours. Docteur en théologie, diplômé de l’École biblique et archéologique de Jérusalem, il enseigne la Bible à l’Institut catholique de Paris. Son commentaire de l’Évangile de Jean, publié par la revue Prions en Église, s’est vendu à plus de 50 000 exemplaires.
François Campagnac est le curé de la cathédrale de Sens. Le souci de faire connaître la Bible aux jeunes l’a amené à concevoir avec Karine Marie Amiot et le père Christophe Rambault une série de livres intitulés Les grandes histoires de la Bible.
Le dessin est de Fabien Dalmasso, né en 1980, également connu sous le pseudonyme Le Fab. Dans sa jeunesse, il illustre les exposés au collège et les journaux scolaires. Il lit des mangas (Dragon Ball, Les Chevaliers du Zodiaque…) et en collectionne les figurines. Il commence alors à chercher un style mixant les écoles franco-belge et japonaise. Il se lance dans le fanzinat mais en 2003, après divers contacts infructueux avec les éditeurs, il rentre à Lyon où il finit sa licence en biologie et géologie. Il participe en tant que scénariste à la bande dessinée d’une parodie du jeu en ligne World of Warcraft, puis signe une nouvelle série de fantasy comique, appelée Paladin, ainsi que les séries WaoW, Un Pour Tous – la jeunesse des mousquetaires, Reflets d’Acide, Les Mythics, Control-V…
Dans ce manga français, les codes graphiques du manga japonais sont respectés : découpage dynamique, place centrale de personnages expressifs aux grands yeux, décors limités… Mais pour ne pas dérouter le lecteur, le sens de lecture français de gauche à droite a été conservé.
Le dessin expressif en noir et blanc de Fabien Dalmasso donne vie aux personnages et aux dialogues.
Jésus, le Sauveur, 272 pages, 12,90 euros. Editions Mame.
2- Jésus (par Yasuhiko).
Dans ce manga japonais, sans doute le plus beau sur le plan artistique, l’histoire de Jésus de Nazareth est contée par Josué, jeune charpentier mais aussi espion pour le compte de Barabbas. Josué se souvient de l’enseignement de Jésus, mais aussi des complots qui se forment afin de le tuer. Avec Jésus, il est condamné à être crucifié sur la colline du Golgotha.
Le japonais Yoshikazu Yasuhiko, né en 1947, est un célèbre animateur, réalisateur et auteur de bande dessinée. Dès l’école primaire, il lit « Comment écrire un manga » d’Osamu Tezuka et dessine 20 pages de manga qu’il soumet à un magazine. Au lycée, il apprend les bases du marxisme auprès d’un professeur. Membre de la Nouvelle Gauche, il s’implique dans les manifestations contre la guerre du Vietnam, considérant le Japon comme complice car soutenant les États-Unis par le biais des bases aériennes de Yokota et de Misawa. Après avoir déménagé à Tokyo à l’âge de 22 ans, Yasuhiko commence à travailler pour l’animation afin de gagner sa vie. Il fait ses débuts dans le manga avec Arion (1979-1984) et Venus Wars (1986-1990). Au milieu des années 1990, il créé des œuvres historiques telles que Joan, une histoire en trois volumes d’une jeune française vivant à l’époque de la guerre de Cent Ans, dont la vie est parallèle à celle de Jeanne d’Arc (1995-1996). Ses mangas, acclamés par la critique, ont remporté de nombreux prix.
Pour le manga Jésus (1997), Yasuhiko imagine un nouveau disciple, Josué, jeune charpentier, qui raconte l’histoire. Ce manga est donc une sorte d’Évangile selon Josué. Celui-ci, au début sceptique, devient un disciple fidèle après que Jésus ait guéri sa sœur. Mais on comprend rapidement qu’il s’agit d’un récit politique. Judas d’Iscariote est un agent du grand prêtre juif Caïphe, qui veut trouver la preuve que Jésus est un hérétique afin de pouvoir l’exécuter. A l’inverse, Barabbas, le révolutionnaire, veut utiliser Jésus pour inciter les Juifs à une rébellion contre les Romains. Quant à Jésus, présenté comme compatissant et grand orateur, il attire une bande hétéroclite de disciples qui sont pleins de défauts humains comme la jalousie et la mesquinerie. Mais la divinité de Jésus n’apparaît même pas. Lorsque Jésus guérit la sœur de Josué, il le fait en restant éveillé toute la nuit à ses côtés et en la soignant, mais Barabbas demande à Josué de dire à tout le monde que Jésus a effectué une guérison miraculeuse. Dans une autre scène, Barabbas envoie quelqu’un avec de l’argent acheter des pains et des poissons pour donner l’impression que Jésus est capable de nourrir une multitude avec une petite quantité de nourriture…
Yasuhiko ne crée pas de croquis. Il dessine directement, en commençant par les visages des personnages, puis il encre avec un pinceau. Le manga Jésus bénéficie d’une colorisation, ce qui est peu fréquent. Il commence ainsi par la vision de Josué se tordant de douleur sur la croix, attendant que Jésus le sauve, dans la lumière rouge du coucher du soleil.
Jésus, 29,95 euros, 418 pages. Naban Editions.
3- Manga, Le Messie (par Shinozawa).
Alors qu’elle traverse une période très difficile, la mangaka Kozumi Shinozawa découvre l’Evangile, en 2002, lors d’un séjour à New-York. Elle retrouve l’espérance et demande le Baptême. Quand le projet de la Bible en manga lui est proposé au Japon par la Société biblique, elle accepte avec enthousiasme : « Je pense que Dieu m’a remise à la bonne place ».
La Bible Manga est ainsi réalisée par trois mangaka, les illustratrices Kozumi Shinozawa et Ryō Azumi, ainsi qu’Hidenori Kumai pour les textes. Le Messie, l’histoire de Jésus, paraît au Japon en 2006, suivi par La Métamorphose qui raconte les Actes des Apôtres. Après les deux volumes du Nouveau Testament, les Trois volumes de l’Ancien Testament (La Mutinerie, Les Magistrats, Les Messagers), sont illustrés par Ryō Azumi.
Cette Bible en manga est traduite en vingt langues, à plusieurs millions d’exemplaires, dont 340 000 en français. L’œuvre, saluée par la critique, reçoit plusieurs prix. Le premier volume, Manga le Messie, reçoit en 2009 le prix Gabriel du jury du Centre religieux d’information et d’analyse de la BD (CriaBD). Puis La Métamorphose reçoit en 2010 le prix de la bande dessinée chrétienne à Angoulême.
La Bible Manga, Volume 4 : Le Messie, 12,90 euros, 288 pages, BLF Éditions.
4- Le nouveau testament (par Variety Art Works).
Dans la ville de Nazareth, en Galilée, Marie reçoit la visite d’un ange qui lui annonce qu’elle va enfanter, bien qu’elle n’ait jamais connu d’homme. Son fiancée, le charpentier Joseph, reçoit lui aussi la visite d’un ange qui lui explique que Marie ne l’a pas trompé. Quelques mois plus tard, l’empereur romain vaut faire recenser la population. C’est pourquoi Joseph et Marie se rendent à Bethléem. Mais le couple doit s’abriter dans une grotte. C’est ainsi que naît celui qui deviendra le Messie…
Dans la collection japonaise « Manga de Dokuha », réalisée par Variety Art Works pour révéler aux jeunes nippons des récits occidentaux, un tome est consacré à la vie de Jésus. Mais ce récit des Evangiles est trop rapide. Quant au dessin, très épuré, il manque souvent de finesse…
Le nouveau testament, 180 pages, Soleil manga.
En conclusion, c’est le manga français qu’il faut lire : Jésus, le Sauveur.
Kristol Séhec.
Crédit photo : DR
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Une réponse à “Noël. Jésus en manga”
Il est malheureux que l’Évangile selon saint Luc soit ainsi contredit: saint Zacharie est muet de l’annonce de la future grosssesse de sainte Élisabeth à la naissance de saint Jean-Baptiste, comment fait-il pour accueillir la sainte Vierge en parlant?
Si deux prêtres ont relu, ils devaient être bien inattentifs!