Le succès de la série Say Nothing sur Disney+, inspirée du livre de Patrick Radden Keefe, a remis en lumière des figures marquantes du conflit nord-irlandais. Parmi elles, Brendan Hughes, surnommé « The Dark », ancien dirigeant de l’IRA à Belfast, est l’un des personnages les plus complexes. Si son histoire fascine, elle illustre aussi le coût humain tragique des Troubles, non seulement pour les victimes directes, mais aussi pour ceux qui y ont pris part.
Le parcours tumultueux d’un combattant de l’IRA
Dans les années 1970, Brendan Hughes était une figure clé de l’IRA à Belfast. Membre fondateur de la « Dirty Dozen » au sein de la D Company, il orchestrait des attaques armées dans le quartier ouest de la ville, alors en proie à une violence sans précédent. Ce jeune homme, au cœur du conflit, incarnait une IRA radicale, prête à tout pour défendre sa cause.
Cependant, ce que Say Nothing capture avec justesse, c’est l’évolution de Hughes, de jeune activiste audacieux à un homme brisé par des années de lutte, de détention et de sacrifices. La série met en avant ses actions marquantes, notamment sa spectaculaire évasion de Long Kesh en se cachant dans un matelas chargé dans un camion poubelle, mais aussi son rôle de leader lors de la première grève de la faim en 1980.
La tragédie des grèves de la faim
La grève de la faim de 1980 est l’un des épisodes les plus marquants de la vie de Hughes. En tant que responsable de l’IRA à la prison, il devait prendre des décisions déchirantes. Lorsque Sean McKenna, un des grévistes, est tombé dans le coma, Hughes a ordonné qu’il soit alimenté, contre sa propre promesse. Cette décision a marqué Hughes à vie. McKenna, physiquement et mentalement abîmé, lui en a tenu rigueur jusqu’à sa mort prématurée. Ce moment symbolise les dilemmes moraux auxquels étaient confrontés les militants de l’IRA, souvent au prix de leur santé mentale.
À sa sortie de prison, Hughes a vécu une existence modeste dans un appartement spartiate à Divis Tower, surplombant Belfast. Isolé, il se battait contre les traumatismes du passé. Bien que son appartement offrait une vue spectaculaire sur la ville, il affirmait préférer son caractère « cellulaire », comme pour souligner que, malgré sa liberté retrouvée, il restait prisonnier de ses souvenirs.
Sa rupture avec la direction du Sinn Féin, notamment avec Gerry Adams, a renforcé son isolement. Malgré leurs divergences, Hughes conservait une photo de lui et d’Adams à Long Kesh, témoignant de la complexité de leurs relations.
Le portrait de Hughes, tel que dessiné dans Say Nothing, est celui d’un homme à la fois héros pour certains et figure tragique pour d’autres. Son rôle dans des événements comme le « Bloody Friday » de 1972, où des bombes ont tué neuf personnes, est un rappel brutal des violences de l’époque. Pourtant, ses luttes personnelles et ses confessions ultérieures révèlent un homme conscient des horreurs du conflit.
Le poids du passé
Hughes est décédé en 2008, mais son histoire continue de résonner. Lors de ses funérailles, des représentants de diverses factions républicaines étaient présents, montrant que, malgré les divisions, son engagement reste respecté. Cependant, la série met en lumière une vérité poignante : si certains militants ont quitté les prisons physiques, beaucoup, comme Hughes, n’ont jamais échappé à celle de leur esprit.
Brendan Hughes incarne le paradoxe du conflit nord-irlandais : un combat mené avec ferveur, mais dont les séquelles ont laissé des blessures profondes. À travers son histoire, Say Nothing nous rappelle que derrière chaque militant se cache un être humain, marqué par des décisions et des sacrifices dont les échos résonnent bien au-delà des murs de la prison ou des champs de bataille.
Photo : DR
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