La célèbre eau Perrier, fierté de Vergèze (Gard) depuis plus d’un siècle, risque-t-elle de perdre son statut d’eau minérale naturelle ? C’est la question qui se pose à la lecture d’un rapport de l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Occitanie, datant du mois d’août 2024, et révélé par Radio France et Le Monde. Les autorités sanitaires y remettent en cause la conformité de la production de Perrier face aux normes censées garantir la qualité « naturelle » d’une eau minérale.
Des traitements non autorisés désormais stoppés
En janvier 2024, une première enquête médiatique avait déjà mis en lumière l’utilisation, par le groupe Nestlé Waters, de procédés interdits pour l’eau minérale : lampes UV, filtres à charbon, et microfiltration fine, traditionnellement réservés aux eaux de consommation courante. Bien que non dangereuses, ces techniques sont strictement proscrites dans le cas des eaux minérales naturelles, censées être pures et protégées de façon naturelle par les sols.
L’ARS note que certains dispositifs, comme les lampes UV et les filtres à charbon, ont depuis été retirés. Mais elle met en évidence que la microfiltration, dont l’assouplissement réglementaire en 2023 avait suscité la controverse, pose toujours problème. Les inspecteurs considèrent cette technologie comme un procédé de désinfection déguisé, en contradiction avec la nature même d’une eau minérale naturelle.
Des contaminations fécales jugées « inacceptables »
Le rapport ARS va plus loin, rappelant qu’en avril 2024, un forage du site Perrier avait dû être arrêté suite à la découverte de bactéries d’origine fécale. Bien que ponctuelles, ces contaminations sont jugées « inacceptables » pour une eau minérale, censée bénéficier d’une qualité microbienne irréprochable. Cette situation remet en question l’intégrité de la source et, par ricochet, la légitimité de Perrier à se prévaloir du statut d’eau minérale naturelle.
Par ailleurs, l’ARS pointe un risque virologique potentiel, s’inquiétant notamment du fait que la microfiltration ne retienne pas les virus. Les autorités sanitaires jugent d’autant plus préoccupant que cette faille n’ait pas fait l’objet d’une surveillance renforcée, malgré des avertissements antérieurs.
Face à ces constats, l’ARS d’Occitanie invite Nestlé Waters à « s’interroger stratégiquement » sur un changement d’orientation. Sous-entendu : abandonner l’appellation « eau minérale naturelle » au profit d’un autre statut, potentiellement celui d’une eau traitée, comme la marque Maison Perrier, également produite sur le site. Cette autre gamme n’a pas la prétention de se revendiquer comme eau minérale, ce qui autorise des procédés de désinfection conformes aux normes.
Une réaction mitigée de Nestlé et un gouvernement sous pression
Contacté, Nestlé Waters se défend d’avoir mis la santé des consommateurs en danger. Le groupe affirme continuer d’agir « conformément au cadre fixé par les autorités » et assure que ses produits sont sûrs. Pourtant, les révélations sur le manque de transparence et l’existence de microfiltrations non conformes fragilisent cette défense.
La situation met également le gouvernement dans l’embarras. Des dérogations auraient été accordées en février 2023, malgré les alertes d’experts sur les risques d’ouvrir la porte à des traitements non réglementaires. Des élus, comme le sénateur Alexandre Ouizille, rapporteur d’une commission d’enquête parlementaire sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille, s’interrogent sur l’inaction de l’exécutif et envisagent de demander des comptes, voire de saisir la justice.
La préfecture du Gard devrait se prononcer d’ici le premier semestre 2025 sur la demande de Nestlé, qui souhaite renouveler son autorisation d’exploiter la « source Perrier » comme eau minérale naturelle. Si le préfet devait suivre les recommandations de l’ARS, Perrier pourrait être contrainte de revoir fondamentalement sa production et son positionnement.
La marque, autrefois célébrée comme le « champagne des eaux de table », se retrouve donc aujourd’hui à un tournant historique. À moins de rétablir une qualité de ressource irréprochable, la célèbre eau pétillante pourrait perdre son aura de naturel et sa dénomination d’eau minérale, au risque de bouleverser un marché dont elle était jadis la figure de proue.
Perrier, l’icône de l’eau gazeuse française face à un tournant historique
L’histoire de Perrier débute au XIXe siècle, lorsque la source des Bouillens, réputée pour son eau gazeuse naturelle, attire les premiers curistes. Officiellement reconnue comme eau minérale par Napoléon III en 1863, la source voit son exploitation se moderniser avec Louis-Eugène Perrier, médecin nîmois, puis John Harmsworth, un entrepreneur britannique visionnaire. À partir de 1903, la source prend le nom de son ancien propriétaire et, délaissant les activités thermales, se lance dans la production d’une boisson rafraîchissante destinée aux marchés français et internationaux.
Sous l’impulsion de dirigeants comme Gustave Leven, Perrier connaît un essor fulgurant après la Seconde Guerre mondiale. Modernisation des lignes d’embouteillage, intégration d’une verrerie sur place, exportations massives vers les États-Unis : la marque devient synonyme de prestige et de consommation de masse. En 1988, elle vend 300 millions de bouteilles par an aux États-Unis, un succès considérable.
Cependant, en 1990, une crise éclate : la découverte de traces de benzène dans des bouteilles destinées au marché américain met à mal l’image de pureté irréprochable de l’eau. Malgré le retrait massif de millions de bouteilles, les autorités sanitaires jugent le risque négligeable. L’événement ternit néanmoins la réputation de Perrier et ralentit sa croissance.
Le rachat par Nestlé en 1992 marque une nouvelle étape. Intégrée au groupe Nestlé Waters, Perrier côtoie des marques phares comme San Pellegrino, Hépar ou Contrex. Ce changement d’actionnaire entraîne une redistribution de certaines marques du portefeuille pour respecter la concurrence.
Si la marque demeure mondialement connue, l’exigence de pureté naturelle devient un enjeu majeur. Depuis 2018, Perrier n’est plus « renforcée au gaz de la source » mais bénéficie d’une adjonction de gaz carbonique, une adaptation technique justifiée par des considérations environnementales et économiques. En parallèle, la modernisation et l’extension du site se poursuivent, avec une attention portée à la productivité et à la qualité.
Malgré les secousses, Perrier demeure un symbole tricolore. Première marque mondiale d’eau gazeuse en termes de volumes produits, elle exporte près de la moitié de ses bouteilles dans plus d’une centaine de pays. L’évolution de la réglementation, l’attention portée à la sécurité sanitaire et l’adaptation aux attentes des consommateurs (dont certaines gammes aromatisées) lui permettent de conserver une place de choix sur un marché concurrentiel.
En somme, Perrier incarne le double visage d’une tradition profondément française confrontée aux défis de la modernité. Entre son histoire prestigieuse, ses efforts d’adaptation industrielle et les récentes critiques visant la qualité de sa ressource, l’avenir de cette icône de l’eau gazeuse reste à écrire, dans un contexte où la pureté et la confiance des consommateurs n’ont jamais autant compté.
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
5 réponses à “Vers la fin de l’appellation « eau minérale » pour Perrier ? Un rapport accablant interpelle Nestlé Waters”
Qui est à la manœuvre ? Tiens, surprise ! L’ARS, Radio France, Le Monde, … le gratin de la bureaucratie et du gauchintern. Manque plus dans la collection que les Etats-Unis d’Amérique (le coup du benzène en 1988). Voire de l’Union Européenne Allemande, mais ça ne surait tarder.
Les ars qui servent a rien .
Ferait mieux de chercher pourquoi des bactéries fécales contaminent l’eau.
Le traitement UV est sain .
Cela revient à passer l’eau devant le soleil en somme.
Tout comme les filtres a charbon
DES PERSONNES …QUI NE TRAVAILLENT PAS …
DENIGRENT CEUX QUI TRAVAILLENT OU SONT RÉPUTÉS…
( C’ EST LEUR SEUL METIER ET OBJECTIF )
Autant que je sache, il y a longtemps déjà que le terme de « Naturelle » envers les productions des Eaux Perrier, était galvaudé … Fallait bien qu’un jour cela se sache et que la vérité apparaisse !
C’est quand même étonnant, que,l’on s’acharne sur Perrier, il y a d’autres eaux qui ont des problèmes sanitaires, on n’en parle plus . Vu que Macron a un lien avec nestlé (Un méga deal à 12 milliards de dollars signé en avril 2012) Vu que Macron a vendu pratiquement toute l’industrie française, pourquoi pas éradiquer Perrier, grande entreprise qui exporte à l’étranger.
Cà sent pas bon, encore une magouille macronienne