La gauche suédoise relance le débat sur le temps de travail. À l’approche des élections générales de 2026, le parti social-démocrate propose de réduire la semaine de travail de 40 à 35 heures, qualifiant cette mesure de « réforme de liberté du siècle ». Une initiative qui, bien qu’attirante en surface, soulève de nombreuses questions économiques et structurelles.
Une proposition séduisante mais contestée
Selon les social-démocrates, cette réforme alignerait la Suède sur d’autres pays européens. Cependant, cette affirmation semble manquer de fondements statistiques solides. En réalité, la semaine de travail effective en Suède est déjà inférieure à la norme de 40 heures, se situant à 38,3 heures en moyenne. Une réduction supplémentaire, estimée à 33,5 heures après application de la réforme, placerait la Suède parmi les pays ayant les semaines de travail les plus courtes d’Europe, juste derrière les Pays-Bas (31,6 heures).
L’une des principales critiques de cette réforme réside dans ses implications pour les entreprises. Une réduction du temps de travail sans diminution des salaires exigerait une augmentation significative de la productivité pour maintenir la compétitivité et les revenus. Or, la Suède affiche une croissance de la productivité inférieure à la moyenne européenne. Entre 2015 et 2023, l’amélioration de la productivité suédoise est restée en deçà de celle observée dans des pays comme la Croatie ou la Tchéquie.
Si la productivité ne compense pas cette réduction, les entreprises pourraient être contraintes de réduire leurs effectifs ou d’augmenter leurs prix, ce qui pourrait freiner la compétitivité du pays et entraîner une fuite des entreprises vers des marchés plus favorables.
Une vision centralisée, inadaptée aux réalités industrielles
La réforme proposée ignore les particularités des différents secteurs économiques. Certaines industries, comme les services ou les technologies, pourraient s’adapter plus facilement, tandis que d’autres, notamment les secteurs manufacturiers, risquent d’être lourdement impactés. Une approche unique imposée par l’État pourrait donc nuire à la flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins variés des entreprises et des travailleurs.
Plutôt que d’imposer une réduction légale du temps de travail, une solution plus pragmatique consisterait à abolir les lois régissant la durée hebdomadaire. Cela permettrait aux employeurs et aux employés de négocier directement des arrangements adaptés à leurs besoins. Une telle flexibilité favoriserait une adaptation organique, sans perturber la productivité ou la compétitivité.
Cette proposition reflète également un manque de vision pour répondre aux défis structurels de la Suède. Le pays fait face à des problèmes majeurs dans son système de santé, d’éducation et de fiscalité. L’absence de réformes ambitieuses dans ces domaines, au profit d’une mesure séduisante mais risquée, envoie un signal politique inquiétant.
La réduction de la semaine de travail à 35 heures incarne une vision idéologique qui pourrait séduire une partie de l’électorat, mais elle risque de fragiliser davantage une économie déjà sous pression.
André Elkvist.
Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2024 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine