Les vacances de Noël … une période bénie pour prendre soin de soi et s’adonner au meilleur passe-temps possible : la lecture. Mais plutôt que de vous proposer une froide sélection d’ouvrages à lire ou à offrir, nous avons demandé à quelques-uns des auteurs que nous affectionnons particulièrement quels sont les livres qui les ont le plus marqués.
Xavier Eman est auteur, directeur de la revue littéraire Livr’arbitre, et rédacteur en chef adjoint de la revue Éléments. Dans ses chroniques d’une fin de monde sans importance, il nous fait plonger dans toute l’absurdité, la perfidie et le manque de cohérence de l’individu post-moderne. Sur son blog A moy que chault !, il commente l’actualité avec le cynisme et l’humour caustique qui le distinguent. Grand littéraire, il ne pouvait pas manquer dans cette rubrique.
Breizh-info.com : Qui vous a donné de goût de la lecture ?
Certainement mon père, professeur de lettres, spécialiste de Montherlant. J’ai grandi au milieu des livres et, chaque dimanche, nous faisions des lectures familiales des grandes pièces de théâtre du répertoire classique. A l’époque, je n’étais pas toujours ravi d’y participer plutôt que d’aller jouer au basket et je trouvais le Cid tout à fait barbant, mais avec le recul, je ne le regrette évidemment pas.
Breizh-info.com : Quel est le livre qui vous a le plus marqué lorsque vous étiez enfant ?
Je n’ai qu’assez peu de souvenirs de lectures d’enfance. Je sais que je piquais des exemplaires de « Fantômette » à ma sœur, un peu honteusement car ce n’était pas très viril. Puis il y a eu, assez classiquement, une période Jules Verne, incomparable conteur auquel il me semble impossible d’être insensible. Mais je pense que la première lecture qui m’a vraiment marquée est celle des Maigret de Simenon…
Breizh-info.com : Quels sont les trois livres qui vous ont le plus marqué à l’âge adulte et pourquoi ?
Il est toujours très délicat de faire ce genre de choix. Mais en répondant de façon assez « instinctive », sans trop réfléchir à une véritable hiérarchie littéraire « intellectualisée », je dirais : le Sang Noir de Louis Guilloux, Le voleur de Darien, et Extension du domaine de la lutte de Houellebecq. Le premier parce qu’il est une plongée vertigineuse dans la petitesse humaine, le conformisme des mentalités de villages, la lâcheté qui peut devenir criminelle, la haine de la différence (la vraie)… Le second parce qu’il remettait en cause mes certitudes bourgeoises sur l’ordre, la justice, qu’il révélait l’hypocrisie sociale qui couvre les « crimes légaux » et les vices des riches… Le troisième parce qu’il est le plus génial et implacable tableau descriptif de notre post-modernité libérale…
Breizh-info.com : Quels sont les auteurs qui ont le plus influencé votre propre écriture ?
Des auteurs mêlant description sociologique et ironie, réalisme et décalage humoristique, qui cherchent à dire des choses importantes sans se prendre au sérieux… Je pense à René Fallet, Alphonse Boudard, ADG, François Brigneau…
Breizh-info.com : Quels sont les livres ou les auteurs qui illustrent le mieux votre vision du monde ?
Balzac et Flaubert pour le monde tel qu’il était. Brasillach et Vincenot pour le monde tel que j’aimerai qu’il soit. Céline et Houellebecq pour le monde tel qu’il est.
Breizh-info.com : Quel est le livre que vous voudriez que tout le monde lise ?
Un livre est une expérience trop personnelle, trop intime, pour être universelle. Il doit correspondre, pour trouver un véritable écho, à la personnalité, la sensibilité, au « vécu » de chacun. On peut être ému aux larmes par un roman de gare et parfaitement insensible à la « Recherche du temps perdu », et il ne faut pas en avoir honte (ce qui ne revient évidemment pas à mettre les deux œuvres sur le même plan). Donc je souhaiterai que chacun lise au moins un livre qui lui donne envie de vivre plus intensément, d’aimer, de créer et de se battre contre la médiocrité du temps.
Breizh-info.com : Quel est de dernier livre qui vous a agréablement surpris ?
Humus de Gaspard Koenig. Au regard du profil et du parcours de l’auteur, représentant à peu près tout ce que j’abhorre, je ne m’attendais pas du tout à une ouvrage aussi subtil, nuancé, profond et stimulant sur des questions qui m’intéressent beaucoup comme le « retour à la terre », le rapport des modernes à la nature, les dérives de « l’écolo-buisness », les impasses des révoltes contre la technologie…etc. Une très bonne surprise et un roman que je trouve assez remarquable.
Breizh-info.com : Le livre que vous finirez un jour ?
Je finis tous les livres que j’entame, par principe. C’est un peu idiot et sans doute une perte de temps mais c’est une règle que je me suis fixée, me disant qu’il fallait parfois se forcer un moment pour découvrir des trésors cachés… qui n’existent pas toujours. Par contre il y a beaucoup de livres que j’ai péniblement terminés et dont je n’ai aucun souvenir. D’autres auxquels je n’ai pas compris grand chose…
Breizh-info.com : Quelle sera votre prochaine lecture ?
Retour à la Terre, le dernier ouvrage du très prolifique Alexis Legayet. Un roman d’anticipation imaginant la Terre recouverte d’une immense couche de béton sur laquelle repose Nature 2.0, un monde numérique composé de puissants serveurs informatiques alimentés par des capteurs solaires où tous les vivants de l’ancien monde – des humains aux bactéries – ont été numérisés…
Breizh-info.com : Les cinq romans à mettre sous le sapin ?
La vie des spectres, de Patrice Jean, Les obsolètes d’Alexis Legayet, La Tour et la Plaine de Thomas Clavel, Le Roi est nu de Matthieu Falcone, et Le temps des loups, d’Olivier Maulin.
Breizh-info.com : Voulez-vous finir par une citation ?
« La littérature est parfaitement inutile : sa seule utilité est qu’elle aide à vivre. » Claude Roy
Propos recueillis par Audrey D’Aguanno
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Une réponse à “La dissidence et la lecture. Xavier Eman passé à la Question”
Comme souvent, vos articles sur les auteurs ou la littérature entraînent beaucoup moins de commentaires que les sempiternelles rubriques sur l’insécurité, l’immigration ou les dérives politiques…..aurions nous la fibre réactionnelle du clavier plus sensible sur les sujets » bateaux » que sur des confrontations littéraires ? En relisant La Peau de Chagrin de Balzac je me suis régalé de lire des mots que l’on n’entend plus tant le style mail ou sms n’a plus rien à voir avec la belle langue française. Une phrase retenue qui pourrait s’appliquer à chacun de nos élites à l’ego surdimensionné : » J’eus honte de sa petitesse au milieu de tant de grandeur, de sa pauvreté au milieu de tant de luxe » Quel style !!