Marian Price, figure controversée de la lutte armée en Irlande (côté républicain), est de nouveau sous les projecteurs, accusée par une série Disney+, suspectée de lien direct avec l’assassinat de Jean McConville, mère de 10 enfants, enlevée et exécutée par l’IRA en 1972. Refusant catégoriquement de répondre aux questions des journalistes, Price, aujourd’hui âgée de 70 ans, nie fermement toute implication dans ce meurtre, comme l’a affirmé son avocat.
Une histoire relancée par une série et par un livre
Inspirée du livre Say Nothing: A True Story of Murder and Memory in Northern Ireland de Patrick Radden Keefe, la série Disney+ revisite l’enlèvement et l’assassinat de Jean McConville. Cette veuve protestante convertie au catholicisme avait été accusée, à tort selon une enquête ultérieure, d’avoir collaboré avec l’armée britannique après avoir aidé un soldat blessé. Son corps, enterré anonymement, n’a été retrouvé qu’en 2003 sur une plage de Louth, plus de trois décennies après son meurtre.
Dans Say Nothing, l’auteur allègue que Marian Price, aux côtés de sa sœur Dolours et d’autres membres de l’IRA, aurait joué un rôle actif dans l’exécution de McConville. La série reprend ces accusations, mais inclut une déclaration finale où Price réfute toute responsabilité.
Interrogée par des journalistes à son domicile de Belfast, Marian Price a vivement rejeté les questions, qualifiant leur présence d’« insultante ». « Comment osez-vous venir ici ? », a-t-elle crié avant de claquer la porte avec colère. Ce refus catégorique de s’expliquer n’a fait qu’alimenter la controverse entourant son rôle supposé dans l’affaire des « Disparus » de l’IRA, ces victimes secrètement exécutées et enterrées durant les Troubles.
Marian Price : Une vie marquée par la violence et la controverse
Marian Price, également connue sous son nom de mariage Marian McGlinchey, reste une figure controversée de l’histoire du républicanisme irlandais. Née en 1954 dans une famille profondément républicaine de Belfast, Price s’est engagée dès les années 1970 dans les rangs de l’Armée républicaine irlandaise provisoire (IRA). Son parcours, marqué par des actions violentes, des incarcérations et une opposition au processus de paix, continue de susciter débats et fascination.
Marian Price et sa sœur Dolours rejoignent l’IRA en 1971, motivées par leur participation au mouvement des droits civiques en Irlande du Nord. Leur implication culmine en 1973 avec l’attentat à la bombe de l’Old Bailey à Londres, orchestré dans le cadre d’une campagne de l’IRA contre le gouvernement britannique. Les explosions causent des blessures à plus de 200 personnes. Bien que les attaques aient été précédées d’un avertissement, leur violence choque profondément. Arrêtée alors qu’elle tentait de quitter le Royaume-Uni, Price est condamnée à deux peines de prison à perpétuité.
En prison, Price entame une grève de la faim avec d’autres membres de l’IRA, exigeant d’être transférée en Irlande du Nord. Cette grève, qui dure plus de 200 jours, conduit à des pratiques de gavage forcé controversées, qu’elle décrira plus tard comme des expériences traumatisantes. Sa santé se dégrade gravement, menant à sa libération en 1980 pour des raisons médicales.
Après une période de retrait de la vie publique, Price revient sur la scène politique dans les années 1990 en tant qu’opposante farouche au processus de paix et à l’accord du Vendredi saint. Elle considère les concessions faites par le Sinn Féin comme une « trahison » des idéaux républicains. Dans les années 2000, elle est liée à des groupes républicains dissidents, notamment le Mouvement pour la souveraineté des 32 comtés.
En 2009, Price est arrêtée en lien avec l’attaque de la caserne de Massereene, où deux soldats britanniques sont tués. En 2011, elle est inculpée pour avoir fourni des moyens matériels à une organisation terroriste. Cette même année, elle est de nouveau emprisonnée, sa libération conditionnelle étant révoquée en raison de son implication dans des activités jugées menaçantes. Elle restera incarcérée jusqu’en 2013, date à laquelle elle est libérée pour des raisons de santé.
Le parcours de Marian Price illustre les tensions internes au sein du républicanisme irlandais et les défis du processus de réconciliation en Irlande du Nord. Décriée par certains comme une figure radicale, elle est admirée par d’autres pour sa détermination à défendre ses convictions.
L’affaire Jean McConville reste une plaie béante dans l’histoire des Troubles en Irlande du Nord. Les accusations portées contre Marian Price, bien qu’encore non prouvées en justice, continuent d’alimenter les débats sur les violences passées et la réconciliation. Pour beaucoup, Price incarne les ambiguïtés d’un mouvement oscillant entre idéal révolutionnaire et actes sanglants. Son refus de répondre aux questions sur McConville laisse la vérité enfouie, à l’image des disparus dont les corps n’ont jamais été retrouvés.
Illustration : DR
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