Curieusement, Tolkien, célèbre pour ses récits Bilbo le Hobbit et surtout Le Seigneur des Anneaux, a peu été adapté en bande dessinée. Mais une série, qui s’inspire de son œuvre, imagine une lutte entre les elfes, orcs, nains, et les humains…
1- Deux bandes dessinées ont pour thème la vie de Tolkien.
Dans Tolkien – Éclairer les ténèbres (Editions Soleil), le scénariste Willy Duraffourg, par une narration dense, fait le choix de se concentrer sur la jeunesse de Tolkien (1892-1973). De santé fragile, le jeune Tolkien doit quitter l’Afrique du Sud natale pour rentrer en Angleterre. Etudiant, il se spécialise en philologie et en langues anciennes. Cet album est une mine d’informations sur sa découverte du Gaélique, la formation d’une communauté culturelle avec ses meilleurs amis, son mariage avec Edith, son admission à Oxford et, bien sûr, la guerre. Mais le dessin de Giancarlo Caracuzzo reste classique.
Une seconde biographie (J.R.R. Tolkien et la bataille de la Somme : dans un trou sous la terre, Editions A contresens) se focalise sur l’expérience traumatisante de Tolkien pendant la première guerre mondiale. Le scénariste Emmanuel Beaudry, par un récit souvent fantasmé, imagine ce que ce jeune officier anglais de 24 ans a pu vivre, une fois plongé au cœur de l’une des batailles les plus meurtrières de cette guerre. C’est à cette occasion sanglante qu’il forge sa mythologie. Le Mordor ne ressemble-t-il pas aux paysages désolés de la Somme ? Le dessin de Corentin Lecorsier, sombre et chargé, reflète l’ambiance angoissante dans les tranchées.
2- Les adaptations du Bilbo le Hobbit et du Seigneur des anneaux.
Malheureusement, à la différence du cinéma, les adaptations en bandes dessinées sont loin d’être à la hauteur des récits de Tolkien. Le Seigneur des Anneaux, pourtant l’œuvre phare de Tolkien, n’a jamais été adapté en bande dessinée. Seule l’adaptation en dessin animé de Ralph Bakshi en 1978 a donné lieu à la sortie d’une version papier. Mais Bilbo le Hobbit (Le Hobbit, 144 pages, 16,95 euros, Editions Delcourt) a fait l’objet d’une véritable adaptation. Elle raconte les aventures du hobbit Bilbo, emmené malgré lui par le magicien Gandalf avec treize nains, à la recherche du trésor gardé par un dragon. Destiné aux enfants, ce roman a pour thème le murissement de Bilbo par le dépassement de l’égoïsme. A la fin, Bilbo cède ainsi une partie de son trésor pour aider les pauvres… Le scénariste Charles Dixon respecte le texte de Tolkien. Le dessin de David Wenzel, qui rappelle les illustrations des contes pour enfants, est particulièrement bien adapté à cette œuvre. Il permet ainsi d’initier les plus jeunes au monde imaginaire de Tolkien.
3- La collection Les Terres d’Arran, inspirée de Tolkien.
S’inspirant de l’univers de Tolkien, une collection de bandes dessinées, publiée par les éditions Soleil, a déjà conquis plus de deux millions de lecteurs. Un succès mérité en raison de l’originalité du concept (quatre séries parallèles), de l’intérêt des aventures, de la puissance des personnages et de la qualité du dessin. Mais dans une nouvelle série, toutes les anciennes races (elfes, nains, orcs, gobelins…) sont traquées par les Hommes qui visent leur extermination totale.
Créée par Jean-Luc Istin et Nicolas Jarry, la série Elfes (35 tomes) constitue aujourd’hui, avec les séries parallèles Nains (25 tomes), Orcs et Gobelins (28 tomes) et Mages (12 tomes), l’univers d’heroic fantasy le plus abouti du 9ème art. Les récits se situent dans les terres imaginaires d’Arran, où vivent elfes, nains, orcs, gobelins, dragons, mages et hommes. Séparés en différents peuples depuis plusieurs siècles, les elfes n’ont plus entre eux de projet commun. Mais une guerre se prépare en raison de la menace des elfes noirs. Belliqueux, les nains sont très souvent en guerre contre leurs voisins elfes, trolls et orcs, et parfois même contre les humains. Les orcs et goblins sont hostiles aux humains. Affrontant fréquemment les nains, ils peuvent manger la chair de ces races. Depuis un terrible massacre, les mages doivent obéir à une nouvelle loi : être recensés et servir un seigneur humain. S’ils refusent, les mages sont emprisonnés et parfois même exécutés. Mais certains veulent se rebeller contre cette loi. Vivant dans toutes les terres d’Arran, les Hommes connaissent des niveaux de développement variés, des tribus nomades aux sociétés organisées.
Dans chaque tome de cette série, un scenario bien mené se focalise sur un seul personnage, emblématique de la race qu’il représente. Ces héros brillent par leurs complexités, pouvant se révéler autant attachants qu’impitoyables. L’originalité de la série tient au parallélisme des histoires. Dès le tome 6 d’Elfes, Istin ajoute une grande quête commune, à laquelle chaque tome vient se raccrocher. Avec le concours de ces multiples dessinateurs et scénaristes et une parution rapide (cinq à dix tomes par an), le lecteur avance rapidement dans l’intrigue.
Bien sûr, les scénaristes s’inspirent du célèbre univers créé par Tolkien, même si la quête n’est pas celle de l’Anneau. On y retrouve un scénario bien construit, des héros intéressants, des scènes de combats réussies et des rebondissements surprenants.
Une nouvelle série parallèle vient de paraître : Les guerres d’Arran. Dans Les Guerres d’Arran, les Elfes, Nains, Orcs et gobelins et Mages sont réunis face à un danger commun : les humains. L’orc Dunnrak a vu son peuple être éliminé par la « Veuve Noire », un groupe créé par des monarques humains, qui a pour objectif de tuer tous les peuples des anciennes races : les elfes, les nains, les orcs et les gobelins. Pour empêcher la disparition des siens, l’orc créée « la compagnie des bannis », composée de l’elfe noir Ilaw’yn, des nains Oboron et Dröh et du gobelin Hidden. Le nain Redwin, pour éviter cette extermination, constitue une grande armée multiraciale. Mais l’adhésion de toutes les races n’est pas acquise… Dans le tome 4, les monarques humains de Lombardie, Tarascon et du Léhon s’en prennent aux elfes sylvains de la forêt de Daëdenn et ceux de la forêt de Duhann, avant que ces derniers aient dans l’idée de s’allier… Mais les elfes de Daëdenn détiennent en prison des criminels orcs, gobelins ou encore nains… prêts à se battre. Pendant ce temps, le forgeron Torun le nain retourne sur ses terres après neuf années d’absence. Il y retrouve ses sœurs et, en raison du conflit entre les hommes et les races anciennes, leur propose de le suivre en orient…
Le tome 5 réunit des héros emblématiques des terres d’Arran. Alors que les Humains continuent leur politique d’éradication, les héros des elfes, nains et orcs se rassemblent enfin. Redwin dépêche une équipe hétéroclite de héros, menée par le roi des Elfes Blancs, pour s’attaquer à l’armée humaine. Les scénaristes Jean-Luc Istin et Nicolas Jarry imaginent ainsi une intrigue à la tonalité sombre.
Tous les dessinateurs respectent la ligne graphique de l’univers des Terres d’Arran : Brice Cossu (tome 1), Giovanni Lorusso (tome 2), Alina Yerofieieva (tome 3), Alex Sierra et Livia Pastor (tome 4) et Kyko Duarte (tome 5). Leur dessin expressif, empli d’énergie, convient bien à ce riche récit d’heroic-fantasy. La colorisation de J. Nanjan et Olivier Héban est lumineuse.
Les dessins et la colorisation semblent destiner plutôt cette série aux adolescents et jeunes adultes.
Guerres d’Arran, t. 5, Le choix du sang, 62 pages, 16,50 euros. Editions Soleil.
Kristol Séhec
Illustration : DR
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