Le travail ne paye pas assez et vous n’arrivez plus à nourrir correctement votre famille ? Ne vous inquiétez pas, le Nouveau Front populaire et ses organisations soeurs ont trouvé la solution : étendre le principe de la sécurité sociale aux aliments.
Concrètement, une carte Vitale alimentaire serait attribuée à chaque adulte et créditée de 150 euros par mois et par membre de la famille. Elle permettrait de faire ses courses en ayant accès à un panel de 8 000 produits référencés, avec un reste à charge allant de 0 à 65 % du prix total. Comme pour les médicaments, le référencement serait assuré par des caisses primaires de « SSA », environ une pour 20 000 habitants : « gérées démocratiquement », ces instances conventionneraient agriculteurs, industriels et commerçants selon des critères qualitatifs.
La généralisation des restos du coeur comme remède aux bas salaires
L’initiative de ce projet très sérieux remonte à 2019 et revient à la Confédération paysanne, le syndicat agricole de gauche, et à diverses associations s’intéressant à l’agriculture et à l’alimentation. Il a peu à peu fait son chemin dans les organisations de gauche et a fait l’objet d’une proposition de loi le 15 octobre dernier. Déposée par le député écologiste Charles Fournier, elle a reçu le soutien de 60 députés NFP, mélenchoniste comme Murielle Lepvraux (élue LFI de Loudéac) ou socialiste comme Stéphane Delautrette.
Sur le principe, Sandrine Le Feur, députée macroniste de Morlaix (EPR), aurait voulu soutenir le projet, mais ses collègues NFP n’ont pas voulu l’y associer ! En attendant, l’agricultrice bio rappelle les montants à engager si on veut un système universel : pas moins de 171 milliards d’euros par an, qu’il faudrait trouver en augmentant les cotisations sociales. Un détail selon certains théoriciens de gauche, pour qui les cotisations ne sont pas un impôt pesant sur le travail, mais un « salaire différé socialisé », ce qui change tout !
En amont du consommateur, le bouleversement du marché alimentaire serait révolutionnaire, puisque la SSA orienterait environ la moitié des dépenses alimentaires françaises. Les promoteurs attendent que les « caisses démocratiques » homologuent de préférence des produits locaux, bios et équitables, dans de petits commerces. Une pratique anticoncurentielle diamétralement contraire aux traités de l’Union européenne, ce dont écolos, socialistes et macronistes, pourtant défenseurs de Bruxelles, ne semblent pas tenir compte !
Des expérimentations à Brest, en banlieue parisienne et en Provence
La proposition de loi de Charles Fournier en reste prudemment à soutenir des expérimentations locales, qui sont déjà en route d’un bout à l’autre du territoire.
A Brest, une centaine d’habitants vont créer en 2025 une « caisse commune alimentaire » ouverte à tous les volontaires, avec une cotisation selon les moyens et des courses selon les besoins.
« Peu importe combien ils ont mis, précise Alice Gourlaouc sur France Bleu Breizh Izel, tout le monde aura exactement la même somme. Ils pourront ensuite aller acheter leur alimentation, dans des lieux conventionnés : commerces, marchés, producteurs ».
Pour l’instant, il n’est pas envisageable que les cotisations suffisent et il est de plus prévu d’embaucher un coordinateur. L’État a déjà attribué 65 000 euros à l’aventure (650 euros par adhérent) et la métropole de Brest est également sollicitée.
En Seine-Saint-Denis, il s’agit d’une carte alimentaire baptisée « Vit’alim » et attribuée à 1350 bénéficiaires pauvres de Montreuil et alentours. Elle est « utilisable uniquement pour l’achat de produits alimentaires dans des circuits spécifiques, tels que les marchés locaux, les épiceries solidaires, ou certains commerçants partenaires qui vendent des produits frais, bio ou issus de circuits courts ». Là encore, on est loin de l’autofinancement : le département 93 a versé 800 000 euros et l’État 1,5 million !
A Cadenet (Vaucluse), la caisse s’est constituée dans une ambiance plus communiste libertaire, c’est-à-dire avec une efficacité relative : lancée en 2021, élaborée depuis au fil d’assemblées hebdomadaires, l’idée s’est concrétisée en avril 2024 avec 25 participants sur 4000 habitants. L’aumône de l’État a été dédaignée, mais la caisse va recevoir un petit quelque chose de la Fondation de France (60 000 euros, soit 2400 par participants).
Les débuts sont encore modestes, mais à l’horizon 2052 ce sera grandiose : selon un dessin d’anticipation élaborée pour le CLAC, l’asso gestionnaire, il y aura à Cadenet une maison de la SSA dans l’ancien Super U reconverti , 3 cantines populaires pour le midi et le soir, un atelier public de pâtes, un garage communal et une caisse du revenu à vie !
Enora
Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2024 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine