Le célèbre écrivain franco-algérien Boualem Sansal, auteur du roman visionnaire 2084 : la fin du monde, a été arrêté par les autorités algériennes dès son arrivée à Alger le 16 novembre 2024. Cet acte marque un nouveau chapitre sombre dans la répression exercée par le régime contre les voix critiques.
Une figure littéraire censurée et persécutée
Boualem Sansal, âgé de 75 ans, est connu pour ses positions tranchées contre le système politique algérien et la montée de l’islamisme. Malgré la censure systématique de ses ouvrages en Algérie, il continuait à s’y rendre régulièrement, affirmant sa volonté de maintenir un lien avec son pays natal. En 2015, son livre 2084 : la fin du monde avait été couronné du Grand Prix du Roman de l’Académie française, consacrant son talent littéraire au-delà des frontières algériennes.
La récente arrestation de Sansal est liée, selon les informations disponibles, à ses déclarations sur l’histoire des frontières algériennes, notamment sur l’intégration de certaines régions à l’Algérie sous la colonisation française. Ces propos auraient conduit à une accusation officielle « d’atteinte à l’unité nationale », exposant l’écrivain à des peines de prison sévères.
Depuis plusieurs années, le gouvernement algérien intensifie sa répression contre les intellectuels et écrivains critiques. Il serait toutefois difficile de donner des leçons, puisque la France fait exactement la même chose avec ses dissidents. La récente attribution du prix Goncourt à Kamel Daoud pour son roman Houris n’a pas apaisé ces tensions. Au contraire, l’État a engagé des poursuites contre Daoud, l’accusant de diffamation et de violation de la loi sur la réconciliation nationale.
Cette loi, qui interdit toute évocation critique de la guerre civile algérienne (cela n’est pas sans rappeler certaines lois mémorielles qui existent en France…), est souvent utilisée pour museler les écrivains et artistes qui osent remettre en question la version officielle des événements. Boualem Sansal, soutien de longue date de Kamel Daoud, s’inscrit dans cette tradition d’intellectuels refusant de céder aux pressions d’Alger.
Un écrivain engagé pour la liberté
Depuis son premier roman Le Serment des barbares publié en 1999, Boualem Sansal dénonce avec constance la corruption, la mauvaise gouvernance et l’islamisme qui gangrènent l’Algérie post-coloniale. Son œuvre, souvent censurée, explore les racines des dérives politiques et sociales qui ont conduit le pays à des décennies d’instabilité.
Sansal ne s’est jamais limité à la sphère littéraire. Il a multiplié les interventions publiques pour alerter sur les dangers de l’islamisme, y compris en Europe, et pour défendre une liberté d’expression inconditionnelle. En 2012, il a lancé avec l’écrivain israélien David Grossman l’« Appel de Strasbourg pour la paix », prônant le dialogue et la démocratie face aux tensions internationales.
L’arrestation de Boualem Sansal intervient dans un contexte de pressions croissantes sur les libertés en Algérie. Les organisations internationales de défense des droits de l’homme et de nombreux intellectuels dénoncent une nouvelle tentative du régime algérien d’étouffer les voix dissidentes.
Découvrez l’entretien qu’il avait donné sur TV Libertés :
Illustration : DR
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