Rennes et Nantes connaissent une explosion de la violence liée au trafic de drogue, avec des fusillades régulières qui plongent les quartiers dans la peur. Les policiers se disent impuissants face à cette montée d’ultraviolence. Alors que Bruno Retailleau était à Rennes ce vendredi 1er novembre, certains réclament une loi adaptée au narcotrafic, allant jusqu’à appeler à la création d’un parquet national pour lutter contre les narcotrafiquants, qui continuent à gérer leurs affaires criminelles même depuis les prisons.
Une ancienne femme de ménage témoigne de la situation à Rennes sur @BFMTV . « – vous les connaissez ?
– c’est que des étrangers ! Venez demain en survêtement et vous allez voir comment ça se passe. On a demandé un appartement avec nos certificats médicaux on m’a répondu vous… pic.twitter.com/5ialQOPh6M— Breizh-Info (@Breizh_Info) November 1, 2024
Dans les quartiers de Maurepas, de Villejean à Rennes, ou dans le secteur de Malakoff à Nantes, la réalité du trafic de drogue s’étale à ciel ouvert. Des guetteurs postés à l’angle des rues, des transactions rapides et discrètes, des consommateurs qui repartent aussi vite qu’ils sont venus. L’ambiance est lourde, la tension palpable. Pour les habitants et les autorités locales, cette situation vire au cauchemar, tant le phénomène semble inarrêtable. En parcourant ces quartiers gangrenés par le trafic de stupéfiants, on comprend que la lutte contre la drogue est une guerre en apparence déjà perdue. Reportage.
Des policiers désabusés face à un combat sans fin
« Ici, on mène des batailles quotidiennes, mais la guerre est déjà perdue », lâche un policier rennais sous couvert d’anonymat. En poste depuis une dizaine d’années, il observe avec amertume l’explosion des points de deal dans la ville. « On sait où ils se trouvent, les habitants aussi. Les dealers changent de spot dès qu’ils sentent le vent tourner, et nous, on tente de limiter les dégâts sans jamais vraiment éradiquer le problème. » Ce policier évoque une certaine résignation qui s’est installée au sein des forces de l’ordre, confrontées à un manque cruel de moyens face à des réseaux toujours plus organisés. « On fait des arrestations, bien sûr, mais c’est comme mettre un pansement sur une plaie béante. Les interpellés sont souvent relâchés par la justice, et les points de deal reprennent de plus belle. »
Un de ses collègues basé à Nantes abonde dans ce sens. « Nos efforts paraissent ridicules face à l’ampleur du problème. Nous sommes obligés de concentrer nos moyens sur les petits points de deal et les petits dealers, alors que les gros poissons restent intouchables. » Les policiers de terrain ne cachent plus leur exaspération, notamment face à la montée de drogues de synthèse de plus en plus dangereuses et dont les effets, souvent dévastateurs, sont encore peu maîtrisés par le corps médical.
Les riverains sous le joug de la terreur
Pour les riverains, la cohabitation avec le trafic de drogue a dépassé le stade du supportable. À Maurepas, quartier emblématique de Rennes gangréné par les points de vente de stupéfiants, des habitants vivent sous une pression constante. Marie, mère de famille, raconte comment elle préfère ne plus laisser ses enfants jouer seuls dehors. « Ici, on a l’impression d’être pris en otage. Les dealers et leurs guetteurs se sont installés juste devant chez nous, et on vit avec cette peur constante qu’une rixe éclate ou qu’une balle perdue fasse un jour un drame. »
Jean-Paul, un habitant historique du quartier (ses parents et grands parents y habitaient déjà, ce qui devient rare à Rennes), évoque des mesures radicales pour sortir de cet enfer. « À ce stade, on ne peut plus se contenter de demi-mesures. Il faudrait des peines exemplaires pour ces trafiquants, et même envisager des expulsions de familles entières si les dealers sont d’origine étrangère. Regardez ce qui se passe au Salvador : ils ont construit des prisons spéciales pour les trafiquants et ça marche. Pourquoi ne pourrait-on pas faire pareil ici ? »
À Malakoff, quartier sensible de Nantes, les habitants en appellent également à des solutions extrêmes. Pour eux, la justice ne suit pas, et les pouvoirs publics se contentent de « mesurettes » alors que la situation empire. « On voit bien que la police fait ce qu’elle peut, mais ce n’est pas suffisant, explique Ahmed, un commerçant du quartier. Les trafiquants savent qu’ils risquent peu, et ça les rend arrogants. »
Un enjeu de santé publique : les nouvelles drogues, une menace croissante
Outre l’omniprésence du trafic, la qualité et la dangerosité des drogues disponibles ajoutent une autre dimension à la crise. Dans les centres de soin, mais aussi via des associations dédiées, les médecins tirent la sonnette d’alarme. « Nous voyons arriver des patients en état de dépendance sévère à des substances nouvelles, bien plus toxiques que les drogues classiques, explique un médecin addictologue de Rennes. Ces drogues de synthèse provoquent des effets délirants et des états de dépendance très rapides, avec des impacts encore peu connus sur le cerveau. »
Les médecins et les psychologues sont souvent démunis face à l’ampleur des symptômes présentés. « Nous n’avons même pas toujours les traitements adaptés pour gérer ces cas, confie un psychiatre nantais. C’est une crise sanitaire qui se profile, et elle pourrait bien nous échapper. »
Une « mexicanisation » du trafic qui inquiète
Ce qui inquiète le plus les autorités, c’est la transformation progressive du trafic local en une structure semblable aux cartels mexicains ou colombiens. « Nous voyons bien que les réseaux se professionnalisent, explique un enquêteur. Les trafiquants sont de plus en plus jeunes, de plus en plus armés, et ils n’hésitent pas à user de la violence pour contrôler leur territoire. La vie humaine importe par ailleurs de moins en moins pour eux, comme au Mexique ou dans ces pays là. C’est terrifiant » Des quartiers entiers à Rennes comme à Nantes, mais aussi à Brest, échappent peu à peu à l’autorité publique, créant des « zones de non-droit » où la loi du plus fort règne en maître. Et ce ne sont ni les annonces du ministre de l’Intérieur, ni la mobilisation ponctuelle de CRS, ni les opérations médiatiques sur les points de deal, qui changeront la donne.
Le constat est partagé par plusieurs associations d’habitants qui dénoncent l’inaction des pouvoirs publics et une réponse judiciaire largement insuffisante. « On sait bien que les prisons sont pleines, mais cela ne doit pas être une excuse pour laisser ces zones à l’abandon, plaide un représentant d’une association de riverains. Si l’État ne reprend pas rapidement le contrôle, la France pourrait bien basculer dans une sorte de narco-État à l’européenne. »
Quelle réponse politique ?
Face à cette situation explosive, les responsables politiques peinent à proposer des solutions concrètes. Pour les riverains et les policiers, les « mesurettes » actuelles sont loin de suffire. « Il est urgent que l’État prenne des décisions fortes, des solutions radicales si besoin, pour briser ces réseaux de trafic qui gangrènent nos quartiers », clame Jean-Paul. Mais malgré les appels à l’aide et les promesses, le quotidien des habitants de Rennes et Nantes reste marqué par la peur, l’insécurité et le désespoir.
En attendant, ce sont les habitants, les policiers et les professionnels de santé qui restent en première ligne, dans un combat où ils ont de moins en moins l’espoir de voir la situation s’améliorer.
YV
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