Une conférence sur la grande famine en Irlande se déroulera ce vendredi 27 septembre au soir, à Spézet (29). C’est l’association Da Lec’h All qui organise.
À 19 h, concert de musique irlandaise et apéro partagé. À 20 h, Catherine Conan, maître de conférences à l’Ubo, parlera de la grande famine en Irlande au XIXe siècle, son contexte et ses conséquences jusqu’à aujourd’hui. Participation libre. Catherine Conan a rédigé une thèse intitulée « L’étrange et le familier dans la littérature contemporaine de Belfast » (2007, Université de Brest, dir. Gaïd Girard).
La Grande Famine en Irlande : Causes, Déroulement et Conséquences
La Grande Famine en Irlande, connue sous le nom de An Gorta Mór, est l’un des épisodes les plus tragiques de l’histoire irlandaise. Survenue entre 1845 et 1852, cette famine a non seulement ravagé la population de l’île, mais elle a également provoqué des bouleversements sociaux, politiques et culturels durables. Cet article revient sur les causes, le déroulement et les conséquences de cette famine, tout en abordant les enjeux historiques et économiques.
Les causes de la Grande Famine
Le principal déclencheur de la Grande Famine fut la maladie de la pomme de terre, également connue sous le nom de mildiou (Phytophthora infestans). Cette maladie fongique attaque les cultures de pommes de terre, provoquant leur pourrissement, et elle se propage rapidement dans tout le pays à partir de 1845. Or, la pomme de terre constituait la base alimentaire de la majorité des Irlandais, en particulier des paysans pauvres qui dépendaient presque exclusivement de cette culture pour leur subsistance.
Cependant, la Grande Famine ne peut être réduite à une simple catastrophe naturelle. Elle est également le produit de facteurs économiques, politiques et sociaux. À cette époque, l’Irlande faisait partie intégrante de l’Empire britannique, et le système foncier irlandais était largement inégalitaire. Les propriétaires terriens, majoritairement anglais, exploitaient les fermiers irlandais en leur imposant des loyers élevés. Lorsque la maladie des pommes de terre a frappé, la plupart des fermiers n’avaient ni réserves alimentaires ni moyens de payer leurs loyers.
L’attitude des autorités britanniques face à cette crise a également joué un rôle déterminant. Alors que les récoltes échouaient année après année, les mesures gouvernementales pour venir en aide aux populations affamées furent largement inadéquates. Les économistes libéraux qui dominaient la politique britannique à l’époque préconisaient le laissez-faire, estimant que le marché devait réguler lui-même la situation. Les exportations alimentaires, notamment de céréales, se sont poursuivies depuis l’Irlande vers l’Angleterre, même au plus fort de la famine.
Le déroulement de la famine (1845-1852)
La famine débute en 1845, lorsque les premières récoltes de pommes de terre sont ravagées par le mildiou. Bien que le gouvernement britannique ait envoyé des secours limités cette année-là, la situation s’aggrave rapidement. En 1846, presque toute la récolte est perdue, et des milliers de familles se retrouvent sans ressources. Les hivers de 1846 et 1847 sont particulièrement rigoureux, aggravant encore la misère des populations rurales.
Les conditions de vie se dégradent à un point tel que des centaines de milliers de personnes meurent de faim et de maladies associées, telles que la dysenterie et le typhus. Des maisons de travail (workhouses) sont mises en place pour offrir un abri et un emploi en échange de travaux forcés, mais ces institutions deviennent rapidement surpeuplées et insalubres.
Entre 1847 et 1850, l’exode massif des Irlandais vers l’Amérique du Nord et le Royaume-Uni s’accélère. La famine a entraîné une migration forcée, où des familles entières prenaient des bateaux, souvent surnommés « coffins ships » (bateaux cercueils) en raison des conditions déplorables à bord. De nombreux passagers mouraient en route, tandis que d’autres, arrivant dans des pays étrangers, se retrouvaient dans une misère presque égale.
Les conséquences sociales et politiques
Les conséquences démographiques de la Grande Famine sont considérables. On estime que près de un million de personnes sont mortes, tandis qu’un autre million a émigré. La population irlandaise, qui comptait environ 8 millions d’habitants avant la famine, chute dramatiquement à 6 millions en quelques années. Cette perte démographique a des effets à long terme, car le taux de natalité reste bas dans les décennies suivantes, et les vagues d’émigration continuent tout au long du XIXe siècle.
La famine a également exacerbé les tensions entre l’Irlande et le gouvernement britannique. Beaucoup d’Irlandais considéraient la réponse de Londres comme cruelle et insuffisante, renforçant ainsi le sentiment de nationalisme et de révolte contre la domination britannique. Ce mécontentement a nourri les mouvements indépendantistes irlandais, qui culmineront avec l’insurrection de Pâques en 1916 et la guerre d’indépendance irlandaise.
Sur le plan social, la famine a transformé la structure de la société irlandaise. Les propriétaires terriens perdent leur emprise sur les fermiers, tandis que les familles paysannes sont décimées. Les survivants émigrent ou s’installent dans des zones urbaines, bouleversant ainsi la vie rurale traditionnelle.
Ce drame a marqué profondément l’histoire du pays. Ce n’est pas seulement une catastrophe naturelle, mais aussi une crise amplifiée par des politiques économiques et sociales défaillantes. Les effets de la famine se font sentir encore aujourd’hui dans la mémoire collective irlandaise, et elle constitue un tournant décisif dans la relation entre l’Irlande et le Royaume-Uni.
Nous vous conseillons un livre (en anglais) qui est sans doute ce qui se fait de mieux en terme d’archives, de photos, de témoignages sur la question :
Atlas of the Great Irish Famine
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